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Berlin débat des quotas d’immigrés dans les emplois publics

La discrimination positive à l’allemande


Berlin débat des quotas d’immigrés dans les emplois publics
La femme de gauche Elke Breitenbach affirme qu'il y a une "discrimination structurelle" dans la société berlinoise © JÖRG CARSTENSEN / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP

Une proposition de la gauche radicale vise un objectif de 35% de personnes issues de l’immigration dans l’administration


La discrimination positive à l’anglo-saxonne va-t-elle aussi envahir l’Allemagne ? Selon une information du Tagesspiegel[tooltips content= »https://www.tagesspiegel.de/berlin/erster-vorstoss-deutschlandweit-berlin-plant-eine-migrantenquote-von-35-prozent-fuer-die-verwaltung/26822470.html »](1)[/tooltips] reprise dans la presse d’outre-Rhin ces derniers jours, une proposition de loi serait sur le point d’être déposée à la chambre des députés de Berlin par le groupe Die Linke, parti héritier du PDS, idéologiquement proche de La France Insoumise. L’idée centrale : instaurer un quota de personnes « issues de l’immigration » dans la fonction publique berlinoise, avec un objectif de 35% qui correspondrait peu ou prou à la population d’origine étrangère dans ce Land allemand, selon les statistiques publiques [tooltips content= »https://www.govdata.de/daten/-/searchresult/f/licence:http%253A%252F%252Fdcat-ap.de%252Fdef%252Flicenses%252Fcc-by,format:pdf,type:dataset,tags:migrationshintergrund,sourceportal:23d695da-6d4e-497f-b36b-3a388949c729,/s/relevance_desc »](2)[/tooltips] [tooltips content= »https://www.statistik-berlin-brandenburg.de/publikationen/stat_berichte/2017/SB_A01-05-00_2016h02_BE.pdf »](3)[/tooltips]

À l’origine de ce projet, Elke Breitenbach, la très virulente sénatrice berlinoise du Travail, de l’Intégration et des Affaires Sociales, selon laquelle « tous les habitants de cette ville doivent avoir les mêmes opportunités » et qui « n’accepte pas la discrimination structurelle ». Curieuse affirmation pour quelqu’un qui vise justement à instaurer un quota qui, par nature, est très clairement discriminatoire. 

Car selon les premiers éléments du projet de loi, le quota devrait s’appliquer à l’ensemble de l’administration publique et à toutes les entreprises publiques telles que la BSR (propreté) et la BVG (transports publics). Selon des membres du parti Die Linke joints par le Tagesspiegel, le texte viserait à parvenir au quota en donnant la préférence aux personnes d’origine immigrée dans les procédures de sélection et de recrutement avec des qualifications égales si celles-ci sont sous-représentés dans telle ou telle administration.

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Mieux : Katarina Niewiedzial, déléguée à l’intégration et l’immigration de la ville de Berlin, affirme sans sourciller que « le terme d’intégration n’est plus d’actualité » (sic). « La société tout entière est façonnée par l’immigration ; je parle donc plus volontiers de Migrationsgesellschaft ». Dans ce fourre-tout idéologique, on case, selon Madame Niewiedzal, « les personnes qui, statistiquement parlant, sont des personnes issues de l’immigration, mais aussi celles qui sont victimes de discrimination raciale et qui selon leurs propres déclarations se voient attribuer une origine migratoire ». C’est fabuleux. 

Même le SPD ne suit pas

Si la proposition de quotas parait ahurissante, elle aura en réalité du mal à passer. Pour preuve, la coalition « rouge-rouge-vert » en place à Berlin depuis 2016, se déchire elle-même sur le sujet.

L’initiative d’Elke Breitenbach est d’ailleurs qualifiée de « grossière » par les sociaux-démocrates du SPD, membres de la coalition. Plusieurs de leurs responsables à Berlin, à commencer par Raed Saleh et Frank Zimmermann, s’en sont assez rapidement distanciés. D’autres se sont fendus d’une déclaration de bonne intention sur la « diversité » tout en rejetant l’idée même de quota, apanage de la gauche radicale et d’une partie des Verts, telle que l’inénarrable Bettina Jarasch, qui a cru bon de ressasser une antienne progressiste selon laquelle « l’image de la société a besoin d’être modernisée ». 

Mais de quoi parle-t-on au juste ? Comme l’a très justement rappelé Henryk Broder, éditorialiste au quotidien Die Welt, « à Berlin, il serait difficile de trouver quelqu’un dont les ancêtres ne seraient pas originaires de Gdansk, Breslau, Brno, Katowice ou de Transylvanie, sans parler des descendants des huguenots qui ont fui à Berlin à la fin du XVIIe siècle. Vers 1700, un berlinois sur quatre était un immigrant français ». [tooltips content= »https://www.welt.de/debatte/kommentare/plus224544714/Warum-die-Migrantenquote-der-Stadt-Berlin-problematisch-ist.html »](4)[/tooltips]

La notion de personne « d’origine immigrée » – les Allemands parlent de « MmM » pour Mensch mit Migrationshintergrund – serait d’ailleurs très difficile à définir. Jusqu’où faut-il remonter ? Une personne qui souhaite être reconnue comme MmM doit-elle être issue d’immigrés tant du côté maternel que paternel, ou bien un seul des deux ? Le débat serait sans fin, sensible, et aberrant. 

Une mesure anticonstitutionnelle?

Plusieurs juristes allemands pointent d’ailleurs l’inconstitutionnalité d’une telle mesure. Elle ne serait en conformité ni avec la Constitution de Berlin de 1995, ni avec la Loi Fondamentale de l’État fédéral, et notamment son article 33§2, qui énonce que « tout Allemand a un accès égal à toutes les fonctions publiques en fonction de ses aptitudes, qualifications et performances professionnelles ».

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Au demeurant, l’opposition a vivement protesté contre l’initiative législative de Breitenbach. Le chef du groupe parlementaire FDP, Sebastian Czaja, a déclaré au Tagesspiegel: « Ce n’est pas parce que l’objectif est louable que tous les chemins sont justes. Un quota qui est régi par le traitement préférentiel de groupes prédéterminés ne combat toujours que le symptôme, pas la cause »

Même ton chez l’AfD et les chrétiens-démocrates (CDU), dont le responsable local, Kai Wegner, a pesté contre cette « proposition de mauvais goût ».



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Avocat, chroniqueur, spécialiste des pays germanophones

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