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Lucio Fulci, le maître italien de l’horreur

La mythique trilogie sanglante du cinéaste est de ressortie


Lucio Fulci, le maître italien de l’horreur
"Frayeurs", un film de Lucio Fulci.

La mythique trilogie sanglante du cinéaste d’horreur italien Lucio Fulci (1927-1996) est disponible aux éditions Artus. 


On ne redira jamais à quel point les éditions Artus ont fait un beau travail pour nous offrir la mythique trilogie sanglante de Lucio Fulci : des boîtiers format livre avec de passionnants livrets accompagnant les versions DVD et Blu-Ray des films (ici, deux beaux essais sur l’influence de Lovecraft au cinéma), des suppléments très riches et pour les férus de technologie, de très belles copies des œuvres. Petite curiosité, l’ordre chronologique des films n’a pas été retenu pour le calendrier des sorties. Du coup, Frayeurs débarque dans nos rayonnages après cet incontestable sommet que constitue L’Au-delà, pourtant sorti un an après dans les salles.

Un film pour amateurs de sensations fortes

Frayeurs souffre d’ailleurs un peu de la comparaison : le film est beaucoup plus brinquebalant dans sa construction entre New-York, où une médium devine que la porte des Enfers a été ouverte, et Dunwich (une petite bourgade imaginaire qui renvoie à Lovecraft) où un prêtre s’est suicidé et où les morts reviennent sur Terre pour commettre les pires exactions… L’éclatement de la forme déséquilibre un récit où le cinéaste peine à camper ses personnages et à développer de manière crédible l’action. Il est d’ailleurs assez symptomatique qu’une des plus célèbres scènes du film (celle où le jeune homme se fait transpercer le crâne d’un bout à l’autre par l’immense foret d’une perceuse), toujours aussi impressionnante près de quarante ans après sa confection, ne mette pas en cause les morts-vivants mais un père fou de rage d’avoir surpris sa fille en compagnie de ce garçon ! Une fois ce crime exécuté, il sera complètement évincé et oublié. On se dit que dans ce cas précis, Fulci cherche avant tout « l’effet choc » plus que la cohérence d’un récit.

De ce point de vue, Frayeurs ravira les amateurs de sensations fortes car Fulci nous réserve son lot de scènes gore particulièrement soignées et repoussantes : cervelles extirpées du crâne, jeune femme pleurant du sang et vomissant ses boyaux, corps du prêtre transpercé de part et d’autre par une croix faisant office de pieu…

L’obsédé des yeux

Je notais à propos de L’Enfer des zombies et de L’Au-delà que le cinéaste manifestait une véritable obsession pour les yeux, avec une prédilection pour attaquer directement ce qui relie par définition un spectateur à l’œuvre : l’œil. Si cette inclination se manifeste encore dans Frayeurs, notamment avec le spectre du père Thomas capable de faire couler des larmes de sang à celles qui le voient (ce qui donne l’occasion à Lionel Grenier de citer pertinemment… Léon Bloy (!) dans l’analyse du film qu’il nous offre en supplément) ; l’accent est davantage mis sur la notion de dégoût. La scène déjà citée de la jeune femme qui vomit littéralement ses tripes et ses boyaux fonctionne comme un puissant émétique et l’on assistera à plusieurs passages traduisant cette sensation nauséeuse : une pluie d’asticots qui renvoie au cinéma de Dario Argento (à l’instar de ce chat pacifique qui griffe soudainement la main qui le caresse), une autre scène de vomissement pâteux…

Si le film me paraît moins abouti que L’Au-delà, il n’en est pas moins intéressant. Car Fulci possède au moins deux points forts. Primo, un sérieux à toute épreuve. Aucun second degré (qui peut parfois devenir la plaie du cinéma gore) dans sa trilogie des morts-vivants et un soin toujours particulier pour prendre aux tripes le spectateur. Secundo, une dimension véritablement « conceptuelle » dans son cinéma qui éclatera de manière magistrale dans L’Au-delà, véritable somme quasi-abstraite de ses obsessions.

La peur de se faire enterrer vivant

Pour Fulci, il s’agit véritablement de s’interroger sur la notion de « peur » (Paura nella città dei morti viventi est le titre original du film). Frayeurs s’ouvre par le décès d’une femme (la sublime Catriona MacColl) lors d’une séance de spiritisme, littéralement « morte de peur ». Ce personnage permettra également au cinéaste de jouer sur l’une des peurs les plus éprouvantes pour tout un chacun : celle de se faire enterrer vivant. Ce moment, digne d’Edgar Poe, est particulièrement réussi. Par la suite, le retour des morts-vivants offre à Fulci l’occasion de nous offrir les visions macabres dont il a le secret. La séquence finale, dans des catacombes où les zombies débarquent au milieu d’épaisses toiles d’araignées, est à la fois soignée et fascinante. Ne serait-ce que pour ce moment assez fou, Frayeurs mérite d’être (re)vu.

Car même sans être le film le plus réussi du cinéaste, il prouve la cohérence de son univers et la singularité de son approche du genre horrifique…

Frayeurs (1980) de Lucio Fulci avec Catriona MacColl, Christopher George (Éditions Artus Films)

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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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