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Le Monde marxolâtre


Le dernier « Hors série » du journal Le Monde « une vie une œuvre » est consacré à Karl Marx, l’irréductible.
On y trouve sur 122 pages une approche merveilleusement pluraliste : il n’y manque aucune forme d’encensoir. Maintenant que se sont effondrés les appareils qui se déchiraient le monopole de la juste interprétation, le temps est venu de l’œcuménisme. « Que cent fleurs s’expriment librement, pourvu qu’elles soient marxistes ! » : tel est le concept éditorial de ce numéro.

Ne médisons pas, il comporte un dossier « débats ». On y trouve des critiques émanant de socialistes non marxistes, (de Jaurès à Vincent Peillon), et même un texte d’un non socialiste, Raymond Aron, expliquant « Ce que le capitalisme doit à Marx ». Par contre, de textes radicalement critiques, ouvertement antimarxistes, et même franchement anticommunistes, aucun.

Pour trouver une approche de la question qui devrait décemment tourmenter ces dizaines de penseurs marxistes, « la pensée de Marx est-elle l’idéologie qui a conduit au communisme réel ? » il faudra se contenter de deux pages de Claude Lefort, ayant pour titre « L’incompréhension des droits de l’homme » par Marx, et parlant même de son « aveuglement devant les droits de l’homme. »

Ce texte a paru en 1980. Trente et un ans plus tard, rien de neuf sur cette question ? Si ! En ce qui me concerne, j’ai montré[1. Marx, les Juifs et les droits de l’homme (Denoël)] que dans Sur la question juive, Marx ne s’est pas contenté de faire preuve d’ « aveuglement » ou d’ « incompréhension » vis à vis des droits de l’homme. Il leur a déclaré une guerre sans merci, que Lénine et ses multiples avatars ont menée à bien : guerre à la liberté individuelle, à la propriété individuelle, au marché, à la société civile, à l’État de droit, sans oublier l’éloge de la Terreur.

Je reconnais qu’il eut été inconvenant de faire une place à cette vérité. En matière d’objectivité, il eut toutefois été possible d’assurer un service minimum, en rappelant par exemple ce que Keynes pensait de la marxolâtrie. En 1935, il déclarait à George Bernard Shaw : « Mes sentiments sur le Capital sont les mêmes que mes sentiments sur le Coran. Je reconnais que, historiquement, c’est important et je sais que bien des gens, qui ne sont pas tous des idiots, y voient une sorte de fondation porteuse d’inspiration. Mais quand je m’y plonge, je ne peux m’expliquer qu’il produise cet effet »

En tout cas, la preuve est faite : antimarxiste et islamophobe, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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