Uber : la grève des taxis racontée par un voyageur persan


Uber : la grève des taxis racontée par un voyageur persan

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Nous étions le 4 de la lune de Rebiab. Lorsque Usbek sortit de l’aéroport de Roissy, arrivant d’Ispahan, il vit un spectacle étonnant. Des centaines de voitures avec une lumière sur leur toit bloquaient toutes les sorties. Intrigué, il s’adressa au grand chambellan du roi venu l’accueillir : « Qui sont ces gens-là ? » « Des chauffeurs de taxi. » Usbek, curieux de nature, demanda : « Mais c’est quoi, un chauffeur de taxi ? »

Le grand chambellan expliqua : « C’est quelqu’un à qui notre souverain a accordé le privilège de transporter des gens moyennant une certaine somme d’argent. » Usbek s’enquit alors des conditions nécessaires pour obtenir ce privilège. « Il faut verser 200 000 écus et Sa Majesté se sert au passage. » « Ah… », fit Usbek, émerveillé par l’intelligence du roi de France, alors que le shah de Perse peinait tant à faire entrer de l’argent dans ses caisses.

« Mais pourquoi bloquent-ils toutes les sorties ? » demanda-t-il encore. « Parce que d’autres qui n’ont pas payé 200 000 écus au roi veulent exercer la même profession qu’eux. » Usbek passa de la perplexité à la stupéfaction. « Mais vous allez les disperser car ils troublent l’ordre ? » « Non, répondit le grand chambellan, notre roi ne veut pas de conflit avec ces gens-là, qui sont puissants et dangereux. »

Usbek pensa que le royaume de France était bien faible et se promit à son retour de demander audience au shah pour lui dire que ce pays était à prendre.

Puis, il vit une scène qui le plongea dans une stupéfaction encore plus grande. Quelques individus sortis des voitures avec la petite lumière frappaient violemment un homme. « C’est le conducteur d’un véhicule sans petite lumière : les chauffeurs de taxi ne les aiment pas », expliqua sur un ton blasé le grand chambellan. Un peu plus loin, d’autres chauffeurs de taxi tapaient sur un autre homme. « C’est un passager d’une de ces voitures qu’ils n’aiment pas », lui dit le grand chambellan sur un ton très indifférent.

« Mais pour ces affreux forfaits vous allez leur faire couper la tête ? » dit Usbek. « Pas du tout, comme je vous l’ai dit, notre roi qui est sage ne veut pas d’histoires avec eux. » Désemparé et perdant pied, Usbek appela son ami Ibben à Ispahan et lui raconta tout. « Rentre aussitôt que possible », répondit Ibben. Usbek appela aussi Usben, la première de ses cinq épouses. Elle fut formelle : « Reviens, ô seigneur et maître, reviens immédiatement, ô seigneur et maître, je ne veux pas que tu restes un instant de plus dans un pays où les femmes montrent à tous ce qui est réservé à leur mari. »

Déjà convaincu, Usbek téléphona quand même au légat de Perse à Paris : « Mais quelle idée as-tu eue de te rendre chez des infidèles ? » tempêta le diplomate. Usbek lui raconta ce qu’il avait vu chez les chauffeur de taxi. Le légat le traita d’imbécile : « Mais ils sont ce qu’il y a de mieux dans ce pays. Sais-tu que la plupart d’entre eux jeûnent pour le ramadan ? »

Usbek n’était plus qu’une loque. Il se dirigea vers le comptoir d’Iran Air et demanda un billet pour Ispahan. Au même moment, une voix se fit entendre dans les haut-parleurs de l’aéroport : « En raison d’une grève des contrôleurs aériens, tous les vols sont annulés. » Hébété, assommé, Usbek devint fou. Il se traîna jusqu’au bar et vida une bouteille d’alcool ! Depuis, on peut le voir errant dans les couloirs de Roissy. Il a peur de rentrer. Car il tient à sa tête.

*Photo: Michel Euler/AP/SIPA. AP21755685_000001.



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est journaliste et essayiste

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