Accueil Culture Parfums d’Italie

Parfums d’Italie


Parfums d’Italie

dino risi memoires

Comment résister au charme de Dino Risi ? Ses mémoires pétillent comme le meilleur des Spumante. C’est drôle, provocant, intelligent, profond et léger, italien en somme. Le réalisateur milanais (1916-2008) se dévoile dans Mes monstres, ouvrage hybride de 2004 enfin traduit en français qui tient du recueil de souvenirs, de la longue liste d’aphorismes, du cahier de recettes, du livret de famille, d’un inventaire à la Prévert, du divin cabotage. On flâne, on s’instruit, on rit, on pleure. Que demander de plus à un bon livre ? La digression érigée en art de vivre. Un délice pour ceux qui aiment l’Italie et ses soubresauts. Une gourmandise qui se déguste comme un plat de pâtes à la truffe blanche. On se goinfre d’une telle vivacité d’esprit, de pudeurs extrêmes et d’abandons sublimes. Dino Risi nous a épargné une bonne grosse autobiographie bien plâtreuse, fate, pleine d’égo dégoulinant qui reviendrait sur ses chefs d’œuvre (Les Monstres, le Fanfaron, Parfum de femme, etc.). De cinéma, de technique, de cadrage, de scénario, il en est très peu question dans ce livre à l’humeur dilettante. Laissons les cours pratiques et les découpages obscènes aux cinéphiles qui pensent comme des technocrates!

Avec Risi, pas de jargon professionnel, il suffit de voir la photo de couverture le montrant imperméable sur le dos, richelieu aux pieds assis sur un mur. Perfecto ! De classe, il n’en manque pas. Ça nous change des cinéastes cradingues qui défilent dans le poste. Il faudra un jour écrire un essai sur la démagogie du vêtement chez les « artistes » en ce début de XXIème siècle. Pour démarrer 2014, cet ouvrage vient surtout racheter les errances de l’édition au rayon « 7ème art ». Souvenez-vous du tapage médiatique en fin d’année dernière généré par un moustachu jadis acteur, aujourd’hui cabot télévisuel, il avait déversé une prose indigeste sous les bravos au mieux de journalistes incompétents au pire malhonnêtes. Lisez, Messieurs les censeurs ! Avec Risi, on prend de la hauteur, il parle de son enfance, de la guerre, de ses études de médecine, de la mort de son père, des maisons de tolérance, des saillies de Mussolini, des copains (Vittorio, Ugo, Marcello), de la mer, du baby-foot et des filles. Y-a-t-il vraiment d’autres sujets valables dans la littérature ? Si Risi est devenu un maestro, c’est qu’il sait regarder et aimer les femmes. Voilà de quelle manière sensuelle il croque le portrait d’une actrice au profil obuesque : « J’étais assis avec Leonardo Sinisgalli, ingénieur et poète, à la table d’un café de la Via Veneto, lorsque sortit d’une boutique, suivie de sa mère, une jeune femme bronzée en tailleur de lin blanc, avec deux jambes de toute beauté, de long cheveux châtains illuminés par le soleil, deux beaux yeux effrontés, des dents blanches et un rire qui faisait vibrer les platanes de la Via Veneto. C’était Sofia ».

Risi fait défiler les plus belles créatures des années 50/70 avec un sens de l’anecdote toujours empreinte de beaucoup de tendresse. Il a le don pour capturer les images du passé. Ann-Margret en cowgirl, Anita Ekberg pilotant son bateau à moteur complètement nue ou cette belle professeur de violon aux bras nus, Risi sait parler des femmes : les stars du grand écran comme les putains. Ce recueil vaut aussi pour ses relents nostalgiques (Eh oui encore et toujours chers lecteurs, nous n’en sortirons jamais) quand il se demande où sont passés la vespasienne, la poire à lavement, le nœud de cravate Windsor, les belles touffes sous les bras des femmes, les ouvrières des rizières, les anarchistes, les vierges, les vieilles filles, les lettres d’amour, etc. Pour celui qui se présentait déjà comme libre-penseur à six ans, il pousse un cri du cœur : « Évitez les politiciens, les féministes et les ex-beautés ». Sage recommandation. Risi a conservé cet esprit « cynique et canaille » qui définissait la comédie à l’italienne selon Vittorio Gassman. Il savait rire de la comédie humaine, des postures politiques de Moretti, d’un tordant numéro de contorsionniste de Mario Soldati caché dans un tapis ou d’un improbable déjeuner chez le prince du Liechtenstein. Faites un grand plongeon dans cette fontaine de jouvence. C’est Irrisitible !

Mes monstres – mémoires de Dino Risi, Editions de Fallois/L’Âge d’Homme, 2013.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent La semaine où j’ai voulu devenir martien
Article suivant Affaire Dieudonné : sortie par le haut ?
Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération