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No future pour le rock n’roll ?


No future pour le rock n’roll ?

Certains oiseaux de mauvais augure, hélas généralement bien informés, prévoient la fin prochaine de la vague rock n’roll à forte coloration punk qui a submergé les USA depuis quinze ans, dans la foulée de Greenday et d’Offspring, et l’Europe depuis six ou sept ans, y compris depuis 2007, ses marches les plus culturellement attardées (la France, donc) où elle avait tout de même fini par crever l’abcès techno…

Cause de ce décès annoncé, le caractère foncièrement joyeux de ce type de musique. Les consommateurs, dont les ados constituent le noyau dur, se sentant un besoin irrépressible de souffrir plus fort que tous les autres crétins d’humains, alors que la Fin du Monde menace. D’où le retour annoncé d’un pseudo-rock dépressif, à l’image de celui qui succéda à la première vague punk et dont les lamentables Cure furent le plus sinistre ornement. Il paraîtrait même que chez nous, leurs clones geignards, trotskisants et xanaxés d’Indochine croient leurs heures de gloire revenues – et je ne vous parle même pas de Noir Désir en embuscade. Si ces faits s’avéraient, alors, définitivement, il ne faudra plus parler de récession, mais de Grande Dépression.

Tous aux abris, donc, sauf que cette mutation a tout pour réjouir. Le rock n’roll va retrouver ses fondamentaux identitaires, minoritaires, catacombaires, et c’est très bien comme ça. Les DJ acnéiques ou les groupes pré-pubères l’oublieront et retourneront à leurs synthés. Hedi Slimane ou Jean-Paul Huchon n’essaieront plus de nous faire croire qu’ils font partie de la famille rock, ce qui était à peu près aussi dégoûtant que de voir Lescure, Guillon ou Muhlmann se faire passer pour des subversifs. On va pouvoir enfin se retrouver entre nous, sans être pris chaque semaine en otage par la presse ou la pub.

Car hélas, ce retour en grâce du rock s’est accompagné d’un retour en masse des conneries écrites sur le rock. Deux de ces lieux communs, où il est à la fois question de rock et de Crise ont ainsi fait un retour en force dans les conversations en ville et dans les articles d’ignorantins ; nos copieurs-colleurs ont ressuscité des contresens vieux de trente ans à propos de deux fleurons du répertoire de la Renaissance britannique de la fin des seventies – sous ce terme, on agrégera, circa 1977, la new wave issue du pub rock et l’explosion punk.

Côté pub rock, ou plutôt postpub rock, c’est le fabuleux Sex and drugs and rock n’roll de Ian Dury and the Blockheads, qui depuis sa création fait l’objet d’un inoxydable malentendu. Son titre, et son refrain (Sex and drugs and rock n’roll are very good indeed) systématiquement vendus par les gazettes comme une sorte de manifeste générationnel et néo-hédoniste, ne sont en fait qu’une impitoyable moquerie de tous ceux qui, dans les milieux lancés, avaient érigé le sexe, la drogue et le rock en nouveaux piliers de la sagesse.

Coté punk, c’est très exactement le même naufrage interprétatif qu’on nous ressasse, de TF1 aux Inrocks à propos du God Save the Queen des Sex Pistols et plus précisément du No future qui le conclut. Là encore, on nous raconte en général n’importe quoi : il ne s’agit pas d’un manifeste, d’un credo nihiliste, ni même d’une sorte de hurlement pré-fukuyamien, mais d’un constat rageur et clairvoyant, sur la catastrophe qui attend les jeunes prolétaires de l’Empire une fois closes les Trente Glorieuses et donc les mines et les usines. Ce No Future n’est donc pas la traduction anarchiste de l’amusant Viva la Muerte[1. La citation intégrale est : « A bas l’intelligence, Vive La mort ! » et répondait aux velléités neutralistes du philosophe de centre-droit Miguel de Unamuno.], lancé au début de la Guerre civile par le général franquiste José Millán-Astray, mais son exact contraire, et pour tout dire, presqu’un mot d’ordre syndical…

Hisser ce No Future en étendard, comme le font certains révoltados crasseux est un bel exercice de crétinerie adolescente. L’ignorance de la langue anglaise – et de tout le reste – aidant, les mêmes finiront par croire que ce God save the queen là est vraiment un hommage à Sa très gracieuse majesté, voire une ode à Lady Di.

C’est donc vraiment une très bonne nouvelle de voir revenir en force une musique dominante inepte et malsaine, accompagnée de paroles idoines. Une musique suicidogène qui enfoncera dans la Crise ceux qui sont assez glands pour rêver s’y noyer. Ça fera de l’air pour les survivants ! Que renaisse le darwinisme rockistique ! Que règne le tri sélectif. On ne jettera plus mes perles à des pourceaux, No more margaritas ante porcos, comme disait saint Matthieu. Plus de squatters pouilleux dans mon jardin secret. Ce qui nous attend : une musique de crétins, adulée par des crétins avec des paroles de crétins commentées par des crétins. C’est bien.

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