Petit bonhomme vert en jupe, piscine Molitor et Mondial


Petit bonhomme vert en jupe, piscine Molitor et Mondial

ampelfrau berlin feux

Rouge et vert à Berlin

Sur proposition de sa municipalité social-démocrate, Berlin va bientôt révolutionner l’antisexisme. L’objet de cette novation ne sera pas l’enseignement du gender à la crèche (pas fous, les Teutons) ni la promotion des femmes au sommet de l’État (il semblerait que la CDU y ait pensé avant le SPD) mais les feux tricolores. Figurez-vous qu’on va adjoindre une femme à l’Ampelmann traditionnel, le bonhomme qui passe du rouge au vert pour donner aux piétons sages l’autorisation de traverser les rues.

Originaire d’Allemagne de l’Est, l’Ampelmann à petit chapeau est devenu, depuis la chute du Mur, un symbole fédérateur pour tous les habitants de la capitale: les designers le déclinent sous toutes les formes, du bouton de manchette à la besace de DJ (tous les Berlinois sont un peu DJ).[access capability= »lire_inedits »]

Bref, qu’on touche à cette icône fait râler pas mal d’indigènes, d’autant plus que le projet pourrait se révéler assez dispendieux – si bien que Martina Matischok-Yesilcimen, la patronne locale du SPD  qui porte ce relookage, déclare : « Ce serait bien de pouvoir généraliser cela à toute la ville, mais le coût engendré sera probablement trop important. » L’édile SPD rassure par ailleurs les plus conservateurs de ces concitoyens  en expliquant qu’il ne s’agit pas de « remplacer la représentation traditionnelle, mais de la compléter pour parvenir à l’égalité ». L’assemblée de la ville de Berlin devait décider de l’adoption définitive du projet le 22 mai, mais il semble que les élus locaux aient préféré le faire patienter quelque temps au bord de la route, c’est-à-dire dans des commissions ad hoc.

On y parlera sûrement du design de l’Ampelfrau à venir. Une piétonne rouge et verte a déjà été  adoptée par quelques bourgades allemandes comme Zwickau. Gross Problem, elle y est affublée d’une petite jupe et de couettes sixties, un look rétrograde qui révulse les féministes (toutes les Berlinoises sont un peu féministes). Martina a donc dû leur promettre que l’Ampelfrau berlinoise aurait des allures de femme libérée. Finalement, quoi qu’on en dise, on se ressemble des deux côtés du Rhin : jamais content(e)s !

Nicolas Routier

 

Molitor : pavane pour une piscine défunte 

 Inaugurée en 1929, la piscine Molitor, chef-d’œuvre Art déco de l’architecte Lucien Pollet, n’est plus qu’un souvenir. Après avoir enchanté plusieurs générations, jusqu’à sa fermeture en 1989 pour raisons de sécurité, et malgré son inscription à la liste supplémentaire des monuments historiques l’année suivante, ce superbe lieu, au lieu d’être restauré,  a été purement et simplement rasé avec la bénédiction de la Mairie de Paris. Comment donc expliquer que, depuis quelques jours, on ne parle que de la piscine et que l’on se pavane, petits fours et pince-fesses à l’appui, pour en vanter la renaissance ? C’est que, grâce aux priorités patrimoniales bien connues de Bertrand Delanoë et à l’évident désintéressement de ses amis du Groupe Accor, de Bouygues et du fonds d’investissement Colony Capital, la piscine a pu renaître de ses cendres. C’est sans doute pour cela qu’il fallait d’abord la détruire ! En réalité, à défaut d’un phœnix, on a désormais Molitor « tout court » et son concept « Pool, Art, Life » (sic).

Peu importe qu’il n’y ait rien de vrai dans ce Molitor-là, pastiche complet car il ne reste pas une pierre des bâtiments originaux malgré les discours alambiqués de ses dirigeants et le trémoussement des attachées de presse : façade de pacotille, portes de cabines factices qui donnent sur des murs aveugles, rambardes vaguement imitées, tout ici n’est que poudre aux yeux et pâle copie. On l’a compris, le but de l’opération n’a rien à voir avec la dévotion à l’architecture : les heureux bénéficiaire du bail emphytéotique complaisamment concédé par la Ville ont bâti un monstrueux hôtel pour parvenus et privatisé les deux bassins reconstruits, double scandale. Non seulement, la piscine qui n’existe plus reste inscrite monument historique, ce qui est surréaliste, mais par surcroît il faudra, pour y nager, adhérer par cooptation au « club exclusif et privé » et acquitter 3000 euros de cotisation annuelle (droit d’entrée non compris).

Le caractère éminemment social (on n’ose dire socialiste) du projet interpelle : jadis, on nationalisait les banques, aujourd’hui, on privatise les piscines municipales. Fort heureusement, « Pool, Art, Life » dispense une bouffée d’air « culturel » sur ce champ de ruines. Sur l’inénarrable site du nouveau Molitor, on vante un « héritage » qui ne demandait « qu’à être transmis ». À défaut d’un chef-d’œuvre de l’Art déco, on pourra donc fêter l’événement du moment : « Laissez entrer la Rolls ! ». Il s’agit d’installer à l’entrée des chambres de l’hôtel l’ancienne Rolls du footballeur Éric Cantona, jadis offerte à la Fondation Abbé-Pierre, puis « graphée » par « l’artiste Jonone » en direct (sans doute live !) sur le plateau du « Grand Journal » de Canal+, et ensuite vendue au profit des sans-abri. Tant d’art, de culture, de raffinement et de générosité impressionne. On a touché le fond.

 Jean-David Jumeau-Lafond

 

Mondial 2018 : L’été sera chaud

Vous l’aurez probablement remarqué, on parle beaucoup, ces temps-ci, de la Coupe du monde de foot 2014 qui se tiendra, si mes fiches sont à jour, au Brésil, à moins que le bas peuple des favelas, excédé par le coût de l’événement, n’ait fait basculer le pays dans l’anarchie totale d’ici le 12 juin − on peut toujours rêver…

On parle aussi beaucoup de la Coupe du monde 2022 qui, jusqu’à nouvel ordre, est censée se dérouler au Qatar, et c’est bien le problème. Soupçons d’achat de votes massif lors du scrutin qui a attribué le Mondial à l’Émirat, râleries des candidats évincés et cacophonie générale à la FIFA : huit ans avant le coup d’envoi, la grande fête du football a déjà tout d’une foire d’empoigne. Les dirigeants de la Fédération divergent notamment sur l’opportunité de déplacer, pour la première fois de son histoire, la compétition en plein hiver, certains experts ayant récemment découvert qu’il fait parfois chaud en été dans la péninsule arabique. Affaire à suivre.

Cela dit, 2022, c’est dans huit ans, et le Mondial se tient tous les quatre ans. Et devinez où se déroule l’édition 2018 ? En Russie ! Chacun sait que Vladimir Poutine est fan de sport. Après avoir décroché, en 2007, la timbale des JO d’hiver 2014 à Sotchi, il a aussi obtenu, le 22 octobre 2010, la 21e édition de la World Cup, sans que cela déclenche de polémique majeure, sauf bien sûr, les accusations rituelles de corruption des votants et les cris d’orfraie sur le manque d’infrastructures.

Mais tout ça, c’est de la petite bière à côté de ce qui nous attend d’ici quatre ans. Quand on lui a attribué l’organisation du Mondial, la Russie était considérée par tout le monde comme un pays fréquentable, presqu’au même titre que le Canada ou Saint-Marin. Depuis, certains événements survenus sur ses marches l’ont, semble-t-il, placée au ban des nations, et son chef avec.

Autant vous prévenir que les ONG, notamment US, sont sur les dents et qu’il y a du boycott dans l’air. On se souvient qu’en 1980, les JO de Moscou se sont déroulés en l’absence des Américains, des Allemands, des Japonais et des sportifs d’une cinquantaine d’autres nations pour cause d’invasion de l’Afghanistan. Néanmoins, ces Jeux ne furent pas un fiasco, grâce notamment aux nombreux athlètes des autres pays du camp socialiste. Mais en 2018, il vaudrait mieux ne pas trop compter sur eux…[/access]

Marc Cohen

*Photo: Wiki Commons/Germany/Matthew Gates

Juin 2014 #14

Article extrait du Magazine Causeur



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