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Tous à poil au Liban, Alzheimer, lancer de nains…


Tous à poil au Liban, Alzheimer, lancer de nains…

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Tous à poil, au Liban aussi

Miracle du monde mondialisé : une skieuse libanaise a défrayé la chronique lors des récents Jeux olympiques d’hiver. Un buzz planétaire que la slalomeuse Jacky Chamoun, 22 ans, ne doit pas uniquement, hélas pour elle, à ses exploits sportifs.

En pleins Jeux de Sotchi, une vidéo a surgi sur la Toile montrant la belle athlète seins nus, dans la station libanaise de Faraya, le spot de neige préféré de la bourgeoisie beyrouthine. Horreur et damnation ! La ravissante Jacky a beau répéter que les images incriminées n’auraient jamais dû quitter la caméra de leur auteur, l’emballement médiatique démarre. Très en pointe du parti des prudes, le ministre libanais des Sports, Fayçal Karamé, crie au scandale et diligente une enquête interne de la Fédération de ski afin, dit-il, d’éviter que soit « entachée » l’image du Liban, et pour « protéger la sportive»… Tartuffe, es-tu là ?

L’affaire suscite une vague d’indignation populaire, mais pas exactement celle qu’attendait le ministre. Un élan de solidarité déferle sur Internet, avec, par exemple, la création d’un groupe Facebook appelé « I’m not naked », pour rigoler de la pudibonderie gouvernementale. On y voit toutes sortes de skieurs amateurs poser en petite tenue, leurs Moon Boots et bonnets ne cachant guère les objets du délit.

Résultat, à défaut de médaille olympique − elle n’a fini qu’à la 47e place du slalom de Sotchi − Jacky a brillamment remporté la bataille de la com’ et finit blanchie de tout soupçon d’activités pornographiques.[access capability= »lire_inedits »] Moins heureux, l’enquiquineur de ministre des Sports a perdu son maroquin à l’issue du dernier remaniement. Comme quoi, tout arrive au Liban, même des miracles, le moindre d’entre eux étant qu’un zigue comme moi se soit intéressé au ski, alors que son balcon du premier étage lui donne le vertige. Et puis surtout, grâce à Jacky, et à la vogue actuelle du fact checking, on peut enfin glisser légitimement dans Causeur une photo de petite femme nue.

 Daoud Boughezala

 

Une Pythie moderne

La maladie d’Alzheimer efface nos souvenirs à la façon d’un aspirateur en partant des plus récents pour atteindre progressivement les plus anciens. On dit que c’est un « triple naufrage », pour le patient, l’entourage et la société. On préfèrera le terme de « voyage », moins dramatique, qui peut contribuer à soulager l’entourage. Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre des Jésuites, qui voulait positiver la maladie, parlait du service que les malades peuvent rendre à ceux qui les soignent en leur révélant des vérités qui les dépassent.

J’ai reçu un jour en consultation une voyante qui était malheureusement atteinte d’une maladie d’Alzheimer avancée. L’oubli du passé n’affectait cependant en aucun cas sa mémoire du futur et ses capacités prédictives demeuraient prodigieuses : sa clientèle n’avait jamais été aussi développée et l’on y relevait nombre de célébrités, artistes ou hommes politiques, inquiets de l’accueil d’une future production ou du résultat de prochaines échéances électorales.

Chacun y trouvait son compte, relevant dans les conseils énigmatiques de la sibylle une réponse à ses désirs et à ses attentes, recréant ses paroles en les répétant avec les mêmes mots, mais transformés par la projection de leur personnalité et de leurs espérances, donnant une cohérence apaisante et salvatrice au chaos dans cette oeuvre ouverte que constitue un oracle.

C’est en ce sens qu’une oeuvre d’art est semblable à une prophétie, une révélation, pour celui qui la contemple et se projette à l’intérieur. C’est aussi dans cette optique que l’on peut parfois considérer la maladie d’Alzheimer non comme une malédiction mais comme une élection, cela étant valable pour d’autres affections neuropsychiatriques.

 Pierre Lemarquis

 

 

Les journalistes, ces grands enfants ? 

Cette fois-ci, nous sommes en mesure de vous l’annoncer : oui, la théorie du genre entre à l’école. De journalisme. C’est l’une des bouleversantes novations du projet de loi sur l’égalité femmes-hommes, adopté le 28 janvier en première lecture à l’Assemblée. Son article 16 bis prévoit en effet que « les formations à la profession de journaliste […] comprennent un enseignement sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes. » On respire déjà mieux, non ? On savait que les jeunes cerveaux étaient la priorité des ministres préposés à la fabrication de l’homme nouveau. Pas fous, ils entendent aussi enrôler les journalistes pour modeler les reins et les coeurs. Les enfants et les journalistes, esprits influençables et influents, seraient donc les deux bataillons d’élite de la guerre déclarée contre les vieux stéréotypes fondés sur l’idée que l’on est homme ou femme.

Non, je n’exagère pas. La conscientisation de la profession est l’objectif explicite de Marie-Anne Chapdelaine, la députée PS d’Ille-et-Vilaine à l’origine de ce fameux article 16 bis, qui l’explique de façon limpide : « Il ne s’agit pas de stigmatiser telle ou telle profession : il s’agit au contraire de viser celle dont l’audience donne capacité à former l’opinion et à être prescriptive de représentations publiques, afin qu’elle soit sensibilisée à un degré très élevé. »

Sauf que chercher à endoctriner les journalistes par la loi est un peu périlleux. C’est qu’ils sont susceptibles. S’ils aiment bien donner des leçons, ils détestent en recevoir. D’ailleurs, la Conférence des écoles de journalisme s’est fendue d’un communiqué indigné où elle appelle les sénateurs à supprimer l’article litigieux. Mais surtout, cette censure légale est totalement inutile. Sensibiliser les jeunes journalistes aux dogmes progressistes en vogue, c’est un peu comme donner des cours de judo à Teddy Riner ou apprendre le caté au pape François …

Eugénie Bastié

 

Jeu de nains, jeux de vilains

Dans deux cents ans, les historiens qui se pencheront sur notre siècle retiendront du mois de février 2014 la formidable mobilisation populaire en faveur d’un chaton, nommé Oscar, qui a atteint la notoriété planétaire après avoir été victime d’un internaute « lanceur de chat ». La Justice s’est mobilisée et le tortionnaire a été écartelé en place publique, à moins qu’il ait été empalé en direct sur YouTube, je ne sais plus. Je sais en revanche que ce genre de maltraitance a été une pratique en vogue dans toute l’Europe. Le lancer de renard était fort prisé à la cour de Prusse jusqu’au XVIIIe siècle. Depuis, il a rejoint le javelot à deux mains et la nage avec obstacles dans la longue liste des sports disparus.

La modernité, elle, a inventé, le lancer de nain. Née aux États-Unis, cette attraction, qui se pratique essentiellement dans les boîtes de nuit genre Macumba Club du Minnesota, consiste à envoyer le plus loin possible un… heu, pardon, une « personne-de-petite-taille » coiffée d’un casque ad hoc.

Ce sport se pratique de manière plus ou moins organisée dans divers pays, notamment anglo-saxons. Les projectiles humains sont bien sûr consentants. Et en redemandent. Heureusement, la France est terre de dignité. Le lancer de nain y a donc été interdit.

Hélas, cette prohibition a gâché la vie de nombreux performeurs. Le quotidien Vosges Matin a récemment publié un portrait intitulé « Petite taille et grande rancoeur». Manuel W., de Sarreguemines, y dit toute son amertume : il se morfond depuis que le Conseil d’État a fait interdire son métier, le lancer de nain, en 1995, pour « atteinte à la dignité humaine ».

La récente décision de cette même haute juridiction au sujet du spectacle de Dieudonné, s’appuyant sur « sa » jurisprudence, n’a fait que rouvrir la plaie. « À raison de trois spectacles par semaine en moyenne, Manuel W. sillonnait alors la France et les hôtels de long en large, drainant, par sa notoriété, la foule de curieux venue le voir se faire projeter contre des matelas avec son 1,18 m et son poids de mouche. » Jadis, explique-t-il, c’était la gloire.

Depuis, c’est l’ennui. On compatit volontiers. Mais quand c’est de dignité humaine qu’il s’agit, est-il bien raisonnable de ramener le problème à sa petite personne ?

 François-Xavier Ajavon

 

Moins d’ouvriers, plus de prolétaires

Dans Le Monde du 15 février, Florence Aubenas nous fait découvrir le « pays des gosses qui font des gosses ». Ça se passe à deux heures de route de Paris, en Thiérache, dans l’Aisne. Dans ce coin autrefois ouvrier surnommé « Chômeurland » par ses propres habitants, de plus en plus de lycéennes voire de collégiennes se lancent dans des maternités précoces. On sent bien que notre consoeur, qui en a pourtant vu d’autres, est interloquée. Même le responsable de la Fédération des centres sociaux de l’Aisne, pourtant natif du coin et vétéran de « missions humanitaires dans des contrées déchirées », est sidéré face à cette abondante gestation adolescente. Le plus étrange étant que les jeunes mères interviewées ont toutes l’air de bien vivre leur situation. L’une d’elles résume son choix de façon limpide : « À une époque, les filles comme nous devaient se cacher, la honte. Aujourd’hui, c’est l’inverse : on compte pour quelque chose quand on a un enfant. »

Ces jeunes filles qui ne croient guère à l’utilité des études et des diplômes, se bricolent des apprentissages plus rudimentaires. Ainsi ces ados-mères se retrouvent chez McDo, où l’on peut échanger entre filles et éduquer les bambins, comme jadis à côté du puits ou du lavoir : « Les mères sérieuses viennent ici, c’est éducatif. Manger un hamburger proprement, ça doit s’apprendre tout petit », soutient l’une d’elles. Et pourquoi pas ?

Quant à la famille, elle est multi-générationnelle : les jeunes mamans envisagent cette institution comme la continuité de l’adolescence, sous le toit de leurs propres parents. Les pères adolescents sont réduits au rôle de géniteurs : bonjour, au revoir et merci !

Pour le lecteur amateur d’histoire, ce reportage en Thiérache est aussi un voyage dans le temps. Dans la République romaine, les citoyens les plus pauvres, exemptés d’impôts et qui n’avaient que leurs enfants (proles, en latin) comme biens à déclarer étaient appelés proletarii, « ceux qui ne possèdent que leurs enfants ». Au milieu du XIXe siècle, Karl Marx a donné une nouvelle signification à ce terme : ses prolétaires à lui ne possèdent que leur force de travail − ce qui ne les empêchera pas de devenir bientôt dictateurs. Le sens de l’Histoire étant volage, aujourd’hui, c’est le retour à l’étymologie originelle, les bras des pauvres n’ayant plus d’autre vocation que tenir un bébé…[/access]

Gil Mihaely

*Photo: DR.

Mars 2014 #11

Article extrait du Magazine Causeur



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