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Français en Syrie : terroristes islamistes ou djihadistes républicains ?


Français en Syrie : terroristes islamistes ou djihadistes républicains ?

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Les deux adolescents toulousains récemment rapatriés en France ont eu plus de chance que Nicolas et Jean-David, deux autres jeunes toulousains qui ont trouvé la mort en Syrie, comme une vingtaine de djihadistes français, victimes d’une idéologie martyrologique. Selon François Hollande, ils seraient près de 700 jeunes français à se sacrifier pour la cause d’Allah et pour le triomphe des islamo-fascistes, y compris la jeune Nora, 15 ans, originaire d’Avignon. Par quels mécanismes psychologiques, idéologiques, ou culturels un jeune français de 15 ans, de « souche », ou issu de la « diversité », peut-il abandonner ses études, rompre avec sa famille et quitter son pays pour aller se faire exploser en Syrie ?

Parce que ce phénomène échappe à la rationalité cartésienne, certains ont inventé la notion d’auto-radicalisation. On a ainsi voulu banaliser la gravité et l’ampleur du phénomène en minimisant la dangerosité des candidats au djihad et au martyr, les considérant comme des individus isolés, non-structurés, non-idéologisés et indépendants de toute organisation terroriste. En somme, des électrons libres dans la galaxie de l’internationale islamiste. Avec les litanies victimaires habituelles, les apprentis terroristes passaient quasiment pour des victimes. Victimes de la société, victimes de la misère économique, victimes de la ghettoïsation, victimes du système scolaire, de l’exclusion, du racisme, de l’islamophobie, etc.

C’est effectivement le cas de certains d’entre eux, mais la plupart sont surtout victimes d’un certain laxisme de la justice, de la complaisance à l’égard des poussées identitaires et communautaristes. Ils sont victimes du philo-islamisme savamment entretenu par ceux qui en font commerce. Ils sont victimes de l’ignorance des valeurs essentielles de l’islam qui sont absentes des manuels scolaires jusqu’à l’enseignement universitaire. Ils sont victimes des représentants officiels de l’islam de France, beaucoup plus dans la realpolitik que dans l’orthodoxie quiétiste. Ils sont victimes de la métastase d’associations islamiques et islamistes financées par des monarchies du Golfe, qui ont fait de l’islam un business bien juteux.

Les adolescents qui ont pu être rapatriés en France grâce à la mobilisation de leurs familles sont également victimes de la politique étrangère française, tout aussi bien sous la présidence de Nicolas Sarkozy avec l’affaire libyenne, que celle de François Hollande avec le dossier syrien. Les dirigeants français n’ont pas encore saisi un fait majeur de la globalisation :  l’interaction entre politique intérieure et géopolitique mondiale. Pour être tout à fait clair, lorsqu’un pays tel que la France – qui compte près de six millions de musulmans, c’est-à-dire l’équivalent de la population libyenne, et plus que l’ensemble des émirats du Golfe- s’engage dans des conflits inter-arabes ou inter-islamiques, il doit s’attendre à des retombées sur son territoire.

Jacques Chirac l’avait compris lorsque George W. Bush a décidé d’envahir l’Irak sous le prétexte fallacieux d’éliminer des armes de destruction massive. Mais pas Sarkozy, qui a pris sans le cœur léger le risque d’envoyer des troupes françaises combattre, avec des djihadistes et des terroristes d’Al-Qaïda, pour « libérer » les Libyens. Tous savaient que l’opposition laïque libyenne était insignifiante par rapport à la nébuleuse islamo-terroriste. Tous savaient qu’Abdelhakim Belhaj, l’un des compagnons de Ben Laden dont le Qatar avait fait un « démocrate » respectable, avait une longue carrière de terroriste, du Soudan en Afghanistan en passant par le Pakistan et l’Irak.

Le cas de la Syrie n’est pas totalement différent du précédent libyen. Même si elle a été plus ou moins pacifique au départ, l’insurrection syrienne a été très rapidement une résistance armée et composée par des djihadistes offshore : des Tchétchènes, des Libyens, des Tunisiens, des Algériens, des Palestiniens du Hamas, des Saoudiens, des Jordaniens, des Irakiens, des Britanniques, des Américains…  et, bien évidemment, des Français. Le nombre des candidats au martyr a été longtemps minimisé en France : il y a à peine trois mois, le ministère de l’Intérieur l’estimait à une cinquantaine d’auto-radicalisés ! L’Elysée reconnaît aujourd’hui qu’il s’agit de 700 enfants de la République qui ont répondu à l’appel du djihad. Mais sont-ils vraiment des terroristes ?

Toute la question est là. Au regard des lois françaises et des conventions internationales, ils sont effectivement des terroristes. Mais, a priori, pas aux yeux du gouvernement français, qui soutient officiellement la résistance syrienne et appelle à lui fournir des armes, s’alignant ainsi sur les injonctions bellicistes du Qatar, de l’Arabie Saoudite et de la Turquie. Si l’on prend au pied de la lettre les positions du quai d’Orsay sur la Syrie, les jeunes islamistes français partis y combattre devraient être considérés comme des djihadistes de la République, des résistants qui combattent pour le respect des droits de l’homme et le triomphe de la démocratie en Syrie !

Quoique mineurs, les deux lycéens de  Toulouse viennent d’être mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Lucides sur le tard, François Hollande a déclaré qu’il est nécessaire de « protéger nos jeunes de France » tandis que Manuel Valls considère l’afflux de djihadistes français vers la Syrie comme  « le plus grand danger auquel nous devons faire face dans les prochaines années ». Encore faut-il agir en amont et protéger les valeurs de la République de toute contamination wahhabite ou islamiste. Que l’on accepte que Voltaire et la charia fassent bon ménage au lycée français de Doha, cela peut se comprendre. Mais que l’on propose de revenir insidieusement sur l’interdiction du port du voile dans les établissements scolaires en France, cela dénote une régression de la laïcité au pays de Jules Ferry.

Quant aux apprentis djihadistes,  ils gagneraient à écouter le message du Prophète de l’islam. Un jour, un homme vint voir le Prophète pour lui demander la permission de partir au djihad. Mohamed lui demanda : « As-tu des parents en vie ? ». Le candidat au martyr répondit « oui ». Et au prophète de répondre : « Ton jihad c’est de veiller au bien-être de tes parents. »

Voilà le véritable sens du djihad, outre le combat contre soi-même et ses propres tentations ; le combat de la transcendance contre l’immanence, de l’humanisme contre le fascisme vert, des Lumières contre l’obscurantisme, de l’amour contre la haine, du culte de la vie contre la culture de la mort.

*Photo : Euronews.



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Philosophe, ancien ambassadeur à l’UNESCO et président du Centre international de géopolitique et de prospective analytique, CIGPA.

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