Pierrefitte : Ils ont touché à leur pote!


Pierrefitte : Ils ont touché à leur pote!

camp rom grigny

Notre président a déclaré sans le moindre « heu… », à propos du lynchage d’un jeune voleur rom par une dizaine de jeunes en colère de la cité des Poètes : « Ce crime est innommable et injustifiable. »  Voyons-nous une page de notre histoire se tourner sur la culture de l’excuse ? Les agresseurs seraient traités comme des Français à part entière de responsabilité ? Ni le racisme, ni les jeux vidéo, ni le chômage, ni la télé, ni les provocations de la police, ni l’exclusion, ni la décrépitude de l’habitat ne sauraient cette fois-ci rendre justice à ces jeunes dont les comportements indignent jusqu’au sommet de l’État. Y aurait-il du progrès à la tête des progressistes ? On peut l’espérer, même si quelques-uns définitivement-de-gauche rendent encore responsable la misère des pauvres. Le sociologue Éric Fassin accuse le président de la République Sarkozy et le ministre de l’intérieur Valls d’avoir guidé les pas et armé les poings des agresseurs par leurs déclarations stigmatisantes sur les roms, Valérie Trierweiler dénonce le climat politique délétère, à Canal+ et France Inter on déplore l’ambiance médiatique nauséabonde qui autorise les opinions à faire un amalgame entre les vols et les voleurs. On prie le ciel de faire pleuvoir et de n’autoriser à l’avenir que de bons sentiments et on en reste là.[access capability= »lire_inedits »]

Parce que la justice est indépendante, on ne demandera pas leurs explications aux juges qui ont relâché, une fois ou dix fois de trop, un voleur bien et défavorablement connu des services de police, au moins autant que ses bourreaux, connus pour être dangereux et qui ne sont ni enfermés, ni repentis. Parce que les traités européens de libre circulation sont sacrés, on ne s’interrogera pas sur l’opportunité de laisser passer et de laisser faire des populations volontiers cleptomanes. Parce que l’antiracisme veille et musèle, on ne se demandera pas comment des cultures violentes deviennent dominantes dans certaines zones urbaines préoccupantes. On peut se demander pourtant comment on en est arrivé là et peut-être comment on peut en revenir.

Arrivé en Union européenne avec ses trente parents, Darius s’est vite fait une certaine idée de la France, généreuse patrie des droits de l’homme, et des Français qui toléraient, tant bien que mal − car la tolérance semblait être leur religion, mais les prêcheurs  commençaient à fatiguer tout le monde − qu’on les vole personnellement et collectivement sans opposer de riposte dissuasive. Il est donc resté ou devenu, en arrivant sur notre sol, par le poids de sa culture, la force du destin, la faiblesse de notre justice et l’absence de nos frontières, un voleur. Aucune condamnation morale dans la culture de la famille ou du clan, aucune condamnation pénale du pays « d’accueil » n’ont freiné son habitude de l’effraction et du chapardage. Bien sûr, il connut les convocations chez les gendarmes et peut-être un passage au tribunal assorti d’un rappel à la loi mais,  jusque-là, il en était toujours sorti bien vivant. Parce que trop impuni, Darius s’est bientôt senti intouchable, invincible, insaisissable, libre comme celui qui observe les autres quand ils partent travailler, heureux comme un Rom au pays des lois Taubira, sur le continent où veille Viviane Reding.

Quand sa famille s’installa dans une maison vide devant la cité des Poètes, en banlieue de Pierrefitte-sur-Seine, l’adolescent continua de faire ce qu’il faisait encore le mieux, à la roulotte ou à domicile, à l’étalage ou dans les poches : voler. Il ignorait sans doute, comme un journaliste borgne du Nouvel Obs, que la Seine-Saint-Denis, c’est encore la France, mais que la République ne règne plus dans toutes ses banlieues. Aurait-il multirécidivé dans cette Zone (de sécurité prioritaire ?) s’il avait compris qu’il ne pourrait compter, en cas de pépin, ni sur la protection qu’offre le commissariat de police et l’État de droit, ni sur cette civilité observée chez d’autres Français qui, ailleurs, se contentent d’aller porter plainte comme on va voter, sans grande conviction ni grands résultats. En réalité, aux abords d’une cité du « 9-3 », en plein quartier populaire et sensible, le pauvre Darius s’est cru très loin de son pays d’origine où, paraît-il, des paysans racistes chassent les romanichels à coups de fourches. Il s’est cru en France, dans la même douce France que celle traversée pour arriver en Seine-Saint-Denis. Même les reporters excusistes de Canal+ ou de France Inter, qui recrutent des « fixeurs » quand ils s’aventurent dans les cités,  ne se trompent plus depuis longtemps. Cette erreur  lui fut fatale.

À Pierrefitte, dans la cité, on comprend pourquoi cette affaire fait tant de bruit, mais on n’est pas inquiet. Si la loi du silence est respectée, et elle le sera sûrement car les jeunes recherchés ont agi dans l’intérêt général de leur bande ou de leur communauté, ils ne seront pas plus dénoncés que Karadzic ne le fut par le bon peuple serbe de Bosnie. Depuis la promesse de « Kärcher » faite par Sarkozy, on a compris, en banlieue, ce qu’est une manœuvre électorale et on n’a plus peur du gendarme au pays où la justice se méfie de la prison : alors, les menaces ministérielles et les garanties de répression, on s’en « bat les couilles », comme on dit à la cité des Poètes. On a bien vu ce qui s’était passé dans les quartiers Nord de Marseille, en juin 2009, quand des riverains  avaient mis le feu à un camp de Roms après les avoir chassés, ou encore près du Stade de France, en juillet 2013, quand, selon la police « une expédition punitive menée par une quinzaine d’individus de type africain et nord-africain, armés de barres de fer, de battes de base-ball et munis de casques » avait attaqué un campement, faisant un blessé grave. On avait surtout vu, de Saint-Denis à Marseille, que, malgré l’indignation générale, il ne s’était rien passé : les habitants étaient rentrés chez eux et les Roms avaient foutu le camp.

Ce n’était pas la première fois, dans cette cité ou dans d’autres, qu’on séquestrait et qu’on torturait dans une cave pour le « bizness », ou qu’on tabassait à dix, parfois pour se marrer, un malheureux qu’on laissait en sang sur le trottoir. Dix contre un, c’était une habitude, un truc de clan, de tribu, de famille, ça choquait les gens, ça provoquait la terreur et la fuite. Ça se savait et ces déchaînements de coups qui pouvaient  tuer les uns rendaient les autres plus forts. Les flics disaient que ça ne se fait pas. Parle pour toi et nique ta race ! C’est par la terreur et la violence qu’on se fait respecter et, pour obtenir le respect ou la soumission, il n’y a pas de limites. On était bien placé pour savoir que les voleurs ne s’arrêtent que quand on les arrête, pour de bon, pas après quelques heures au chaud en présence de leur avocat. Quand le Rom bien connu des services de police a dépassé les bornes, on n’allait pas faire les victimes comme « les Français ».

Les jeunes « poètes », comme le Rom tabassé, ne sont pas des déviants ou des marginaux en rupture avec leur milieu, mais des individus attachés à des cultures, des habitudes et des modes de vie hors-la-loi en France mais qu’aucune force républicaine ne vient contrarier. Aussi, quand des Français fiers de leur diversité, venus de pays où on lynche les voleurs de pommes, ont des ennuis avec un voleur de poules, il y a lynchage. Des Français qui ne s’intègrent plus, des Roms qui n’ont rien à faire là, des gens qui vivent en France loin de la République, de ses valeurs et de ses lois, qui volent et qui cognent comme on respire, voilà ce que le mélange explosif des immigrations incontrôlées et l’impuissance de la justice ont laissé dans la cité des Poètes et ailleurs. Mélenchon déplorait, en découvrant la position du Front national, que la question ethnique dépasse aujourd’hui la question sociale. Tous les républicains aussi. Antiraciste jusqu’à l’absurde, la gauche s’obstine à refuser que l’on nomme ce que son peuple voit, à entraîner les Français dans son rêve de vivre-ensemble avec des voleurs et des assassins, et quand les plus lucides de ses représentants pleurent sur les conséquences de leur échec, ils continuent d’en chérir les causes. L’ouverture des frontières et des prisons, l’abandon des exigences d’intégration restent plus que jamais d’actualité. Aucun Français, de droite ou de gauche, de souche ou issu de l’immigration, n’a envie de vivre  entre des « poètes » et des Roms. La gauche antiraciste et laxiste qui reste aveugle et sourde à cette inquiétude, à ce refus, à ce rejet,  porte cette dérive vers la violence que le peuple redoute pour la France. Pour tous, élection après élection, elle devient l’accompagnatrice des communautarismes et des condamnés en milieu libre, elle incarne la promesse d’une jungle multiculturelle  et garantit la paix en proposant des peines alternatives. Pour avoir perdu le bon sens, la gauche perd le peuple et sans lui, elle pourrait bien mourir. Sa mission était d’organiser une humanité pacifiée par un ordre juste, où la question sociale aurait ramené la question ethnique à un tendre folklore. Le ratage pourrait rester pour ses partisans, et pour longtemps, injustifiable.[/access]

*Photo: THE TIMES/SIPA.00668084_000006

Eté 2014 #15

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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