Georges Lang, le guide du couche-tard


Georges Lang, le guide du couche-tard

collection georges lang

À tous les amateurs d’artistes prolifiques, tenez-vous le pour dit : Prince est un petit joueur, Johnny ne tient pas la corde, et Jean-Louis Murat… du pipi de chat avec son album annuel. Non, ce qu’il vous faut, c’est du sérieux, du costaud, du constant : Georges Lang ! Le bonhomme sort rien moins qu’un quadruple album tous les ans, et de qualité en plus ! Qui dit mieux ?! Ce nom est désormais une marque de luxe, une garantie de premier choix musical. Georges Lang (Djordge Laeng pour les intimes), le routard de la radio, le DJ conteur, la voix de la nuit jusqu’au plus profond de notre lit, le fou d’Amérique qui ne s’en cache pas, le Major Tom des ondes de RTL depuis décembre 1971 veille sur nous et les insomniaques en proie à la suave mélancolie nocturne. « Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit », ruminait Léo Ferré dans sa chanson « Richard ». Pour tous les Richard en puissance que nous sommes, avec des problèmes d’hommes, de mélancolie, l’ami Georges est là, toujours dispo : « Encore un p’tit pour la route ? Ecoutez cette démo d’Elvis surgie de la nuit des temps, captée à Nashville-Tennessee dans le studio B de RCA, sans air conditionné en plein mois d’août… ce pur bonheur musical me donne des frissons, je suis complètement addict ! ».

Le credo de l’animateur : la radio est un outil merveilleux pour rêver. On peut lui faire confiance pour nous fournir notre dose de rêve éveillé toutes les nuits. Alors que les politiques au pouvoir cherchent en toutes circonstances à nous rassurer, comme si nous n’étions que des touristes dans un pays en perpétuelle convalescence, seul Georges Lang parvient à nous rassurer réellement depuis 40 ans, sans en faire un artefact de communication faisandée. Pourtant, il a fait partie de la fameuse charrette RTL de 1999 pour cause de floraison dans les médias d’un jeunisme interchangeable, avant d’être réintégré sur ordre des auditeurs quelques mois après son éviction, comme Philippe Bouvard.

Aujourd’hui, l’animateur à la voix de velours paraît indéboulonnable : ses compilations se vendent par wagons et il est devenu à lui seul un symbole de liberté face à la concurrence prisonnière de la hype et de sa frigidité. « On ne m’a jamais rien imposé, c’est dans mon contrat. J’improvise complètement, sauf pour les Sagas », se félicite-t-il. Ce que j’ai dit ici de Francis Zégut  et ses goûts éclectiques est valable pour l’homme des Nocturnes : pop, rock, folk, country, soul et blues – dans la plus large acceptation des termes – cohabitent sans ambages dans ses programmations.

Georges Lang s’est inspiré des DJ américains historiques (Robert W. Morgan, Jim Ladd, Wolfman Jack, George Oxford, etc.) et des anglais des radios pirates pour l’habillage et le ton de ses émissions : jingles, anachronismes intemporels, ardeur, complicité dévotionnelle avec ses auditeurs et invités, tout transpire l’âge d’or du rock insouciant. Et chaque soir, l’animateur nous démontre qu’il a réussi à imposer en douceur, sur la durée, par la musique, une vérité scientifique qui sonne désormais comme une évidence : la Californie est le berceau de l’humanité ! Mais attention à ne pas se méprendre, notre vétéran californiaphile ne regarde pas uniquement dans le rétroviseur lorsqu’il conduit ses émissions : il diffuse aussi des nouveautés. Ainsi, entre Ray Charles, Janis Joplin, Tom Waits et autres Doors, on trouve Coldplay, la jeune Alex Hepburn ou encore Antony & The Johnsons sur ce Volume 3 de La Collection. De même, à ses débuts, il a été le premier à passer Cat Stevens et Elton John en France, pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait pas d’émission rock à l’époque.

Parmi les perles de cette compilation à s’infuser dans les oreilles, citons « Illumination » de Jonathan Wilson, « When Winter Comes » de Chris De Burgh, « Moondance » de Van Morrison et « Captured » de Gov’t Mule. Le contenu du coffret est aussi traversé de nombreuses reprises, davantage encore que sur les précédents, car Georges Lang apprécie particulièrement cet exercice : son premier album des Beatles acheté, Beatles For Sale, l’a été pour les reprises qui y figurent.

Au bout de l’écoute des 4 CD, toute notre vie a défilé dans la tête, on sait maintenant que cette impression n’arrive pas seulement à l’article de la mort, merci Georges !

En 2023, pour fêter les 50 ans des Nocturnes, l’homme méritera bien un hommage à la hauteur de l’évènement : une SAGA Georges Lang, racontée par lui-même évidemment !

En attendant, si vous voulez emballer et surtout, si vous voulez conclure cet été, une seule solution : le nouveau coffret de La Collection, jusqu’au bout de la nuit !

*Photo: DANNY MOLOSHOK/NEWSCOM/SIPA.SIPAUSA31245293_000009



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est l'auteur de nombreux ouvrages biographiques, dont Jean-Louis Murat : Coups de tête (Ed. Carpentier, 2015). Ancien collaborateur de Rolling Stone, il a contribué à la rédaction du Nouveau Dictionnaire du Rock (Robert Laffont, 2014) et vient de publier Jean-Louis Murat : coups de tête (Carpentier, 2015).

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