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Liberté, égalité… « adelphité »: une instance officielle veut effacer la « fraternité »

Le Haut conseil à l'Egalité femmes-hommes veut une Constitution inclusive


Liberté, égalité… « adelphité »: une instance officielle veut effacer la « fraternité »
Lyon, mars 2017. Photo: JEFF PACHOUD / AFP

Une instance officielle, le Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE), a fait, le 18 avril, neuf recommandations pour réviser la Constitution. Parmi elles, l’idée de remplacer le terme « fraternité »… 


« Adelphité ». Le correcteur orthographique de mon MacBook bugue, il ne reconnait pas ce mot. Comme moi, il reste perplexe devant cet inconnu qui fleure bon la Grèce antique. Lorsque la technologie offline montre ses limites, ne reste que Google pour sauver les cerveaux en détresse. Je demande définition à notre intelligence partagée et obtiens :

Adelphe, adelphie : « Mots tirés du grec et qui signifient union, frère. Cette expression s’applique principalement aux filets des étamines lorsqu’ils sont réunis en faisceaux. »

Concernant l’adelphité, aucune définition établie par un dictionnaire de bon aloi, ne pope. Seulement, dans les premiers résultats de ma recherche un article des Chiennes de garde au titre annonciateur : « Entre fraternité et sororité, l’adelphité, un sentiment qui s’invente entre des femmes et des hommes libres et égaux. »

Le programme a l’air formidable mais je choisis de demander plutôt à Larousse ce qu’il en pense. Rien. Il n’en pense rien, le mot ne siège pas en son sein. Quant au Littré il m’explique :

Adelphe (adj.) : terme de botanique. Qui a les filets des étamines soudés ensemble.

Difficile dans ces conditions de bien comprendre la volonté du Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans un avis, publié le 18 avril, il fait neuf recommandations de modification de la Constitution et veut notamment « conduire une réflexion sur l’usage du terme ‘fraternité’ » dans la devise de la République. Le HCE propose des alternatives comme « adelphité » ou « solidarité ».

L’étreinte de l’égalité

Si cet effet de mode n’est pas le point d’orgue de ce rapport, il en établit l’essence : notre actuelle perte de repère nous fait inventer des lois étrangères à nos manières de vivre. Plus encore, il souligne la propension de l’Etat à nous imaginer friands des effets de mots. Au prétexte de « garantir » et non plus « favoriser » l’égalité entre les hommes et les femmes, la capacité d’auto-détermination de chaque individu s’amenuise. Quant au sacrifice du mot fraternité sur l’autel de l’égalité des sexes, il laisse affleurer une certitude du législateur : les femmes auraient besoin de mots faits par et pour elles pour se sentir enfin Femme dans l’État de droit.

Ce Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes propose notamment de fonder trois nouveaux droits fondamentaux qui sont exemplaires en la matière :

– Le droit à la contraception et à l’avortement

Rien de plus beau que la liberté de disposer de son corps et s’en être assuré. Est-il pourtant nécessaire de rappeler l’iniquité physiologique des hommes et des femmes à l’endroit même où l’on veut les garantir égaux ? L’homme n’ingurgite pas de pilule mais peut également craindre les thromboses et les embolies pulmonaires. De même, il ne peut porter la vie au creux de ses reins. Ce droit est donc un droit exclusif tant que l’on ne reconnait pas dans le même élan les personnes transsexuelles ou celles qui refusent de s’assigner une identité de genre. On souhaite faire montre de notre bienveillance à l’égard du « sexe faible » mais l’on discrimine par là même tous les individus n’entrant dans aucune des civilités établies légalement.

– Le droit à une vie sans violence sexiste et sexuelle

Rien de plus légitime pour tout individu ayant incorporé les règles du savoir-vivre en société que de se prémunir de la violence sexiste et sexuelle. Mais l’affirmer au plus haut de la hiérarchie des normes, n’est-ce pas mélanger les brutalités ? Au cœur de ce texte qui établit comme violence légitime, les droits du chef des armées à garantir l’intégrité du territoire national, devons-nous intercaler les violences quotidiennes et de fait ouvrir la porte à une coercition qui apparaît hors-contexte ? Le mélange des échelles ne servira pas la réussite de ce vœu pieux. Au lieu de transformer le droit qui nous fonde en tant que nation, ne devrions-nous pas avoir, plus simplement, le courage de donner dans nos écoles des cours d’éducation civique qui soient enfin des espaces d’apprentissage de l’altruisme et de l’empathie ? La violence ici citée est une réaction, une peur actée qui brise les règles de la vie en société. Ce n’est pas le droit qui l’arrêtera, ce sont plutôt les voix. Celles de ceux et celles qui veulent protéger notre bien commun en faisant usage de leur conscience plutôt que d’une police des mœurs.

– Le droit de bénéficier à égalité des financements publics de l’État et des collectivités territoriales

Rien de plus intéressant que cette assertion qui pourrait passer pour évidente. Elle révèle pourtant la faiblesse de l’État et sa fragilité dans l’application des lois qu’il édicte en matière d’égalité. Bien sûr, il y a de l’humain dans l’administratif, mais établir dans la Constitution ce droit ferait perdre à l’État toute crédibilité en matière de gestion budgétaire. Si tant est que les citoyens lui en conservent un peu, il apparait évident que cette proposition souligne sa défaillance. Dans ces conditions, comment demander aux individus de faire de l’égalité parfaite une norme quand l’organe censé la définir et l’assurer a besoin d’un acte constitutionnel pour s’y mettre ?

Cette proposition de réforme constitutionnelle, sous couvert « d’adelphité », inquiète. À force d’égalité, elle resserre son étau sur chacun de nous. Des femmes qu’elle est censée élever à hauteur d’homme, elle restreint un peu plus la liberté. Quel besoin d’être par le droit en capacité d’égalité quand dans chaque interstice de nos sociabilités se révèle la force des différences ? Bien plus que de l’égalité en tout, aspirons au libre-arbitre.



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