Refusant toute sélection à l’entrée de l’Université, les étudiants en lutte d’avril 2018 entendent retrouver le souffle de Mai 68. Mais leur gloubi-boulga gauchiste mêle égalitarisme abstrait et revendications islamo-différentialistes qui auraient glacé d’effroi leurs aînés. De Nantes à Toulouse, tour d’horizon des facultés.
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Saint-Denis, Tolbiac, Toulouse, Avignon, Nanterre, Strasbourg, Montpellier, Rouen, Nantes, Rennes… La contestation étudiante contre la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (ORE), promulguée le 8 mars touchait mi-avril une dizaine d’universités, à des degrés divers. Point de cristallisation du mouvement, les dispositions instaurant une forme de sélection à l’entrée du supérieur. Les opposants à la réforme y voient un détricotage profondément inégalitaire de la loi Faure de novembre 1968, arrachée au pouvoir par la contestation étudiante de l’époque.
La référence à Mai 68, à cinquante ans exactement d’intervalle, est omniprésente dans le mouvement actuel. Une main anonyme a tagué le slogan le plus connu de Mai, « Sous les pavés, la plage », sur les murs de l’université parisienne de Censier. Paris-Plage démarrant dans dix semaines, la formule a désormais le potentiel subversif d’une affiche de marketing territorial. Ce n’est pas la seule différence entre les deux printemps. Les reporters de Causeur se sont promenés dans quelques universités. Loin d’être un mouvement de masse, comme celui de 1968, l’effervescence actuelle repose sur une base fort étroite : quelques dizaines d’étudiants par site bloqué, quelques centaines, tout au plus, pour des universités comptant parfois plus de 50 000 inscrits.
Pour le droit à la séparation des sexes
Les revendications centrales sont diamétralement opposées. Les étudiants du siècle dernier réclamaient des changements, ceux d’aujourd’hui se battent pour le statu quo. En Mai 68, la jeunesse universitaire se dressait contre les mandarins. En 2018, 63 présidents d’université publient une tribune dans Le Monde pour appeler le gouvernement à concéder des aménagements à la loi. Sans parler de ceux qui délivrent des « cours alternatifs » dans les amphis occupés.
Mai 68, selon la légende, a commencé quand les étudiants de Nanterre, représentés par Daniel Cohn-Bendit, ont demandé le droit de pénétrer dans la cité U réservée aux étudiantes. Cinquante ans plus tard, à Saint-Denis Paris-VIII, un « atelier d’autodéfense non mixte féministe » est programmé par les contestataires, ainsi que des soirées « sans mecs cis-hétéro ». Le « collectif féministe racisé.e.s » de l’université de Nantes organisait le 12 avril une réunion interdite aux hommes blancs.
Les bourrasques de Mai 68 mélangeaient tout. Le mouvement actuel tente de redonner une modernité aux clivages les plus archaïques. Du reste, rien n’indique que cette logique séparatiste séduise une frange significative d’étudiants. Selon nos informations, les conférences non mixtes ont surtout provoqué la colère et les rires, au moins à Tolbiac. Combien d’étudiants, du reste, prennent réellement ce mai 2018 au sérieux ? En définitive, la vraie vedette du blocus de Tolbiac (26 mars-20 avril), le plus haut fait d’armes de ce morne printemps, aura été le « Chien Guevara » et son compte Twitter parodique, presque aussi amusant que l’Internationale islamo-situationniste (IIS) de Saint-Denis.
Un nouveau venu dans le paysage militant apprécie sans doute modérément l’humour de l’IIS : le syndicat des Étudiants musulmans de France (EMF). À l’université d’Orléans, le 27 mars, cette association se référant explicitement à l’islam et défendant le port du voile a remporté 20 % des suffrages. Elle siégera au conseil d’administration. On peut y voir une conséquence de la déliquescence de l’UNEF, mouvement gavé de subventions, sans troupes et sans idées. En dehors des groupes de parole non mixtes et de l’écriture inclusive, le « refus de la sélection » aura été le leitmotiv de l’ex-grand syndicat. Preuve que celui-ci est résolument hors-sol, déconnecté de la réalité des étudiants.
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