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Chrétiens d’Orient : et maintenant, l’Iran !


Chrétiens d’Orient : et maintenant, l’Iran !

Après l’attentat d’Alexandrie, on a assisté ici en Occident à un bel exercice d’enfumage médiatique. Les articles se sont multipliés pour mettre en avant les « condamnations unanimes » de chacun des imams que l’on avait sous la main, et pour dédouaner les populations musulmanes de toutes formes de complaisance à l’égard des terroristes, ou plus largement des persécutions antichrétiennes. Peu importe que la discrimination à l’égard des chrétiens coptes soit systématique en Egypte depuis des années, peu importe que les terroristes se soient appuyés sur des mensonges répétés pendant des mois le jour de la prière dans de nombreuses mosquées égyptiennes à propos de la conversion supposée de deux femmes chrétiennes (un grand classique) prétendument séquestrées dans un monastère : les sociétés musulmanes sont une fois pour toutes indemnes de toute forme de complicité à l’égard de persécutions antichrétiennes, tandis qu’en France le moindre graffiti sur la porte d’une mosquée est le signe indélébile de l’islamophobie française, seul ingrédient avéré de ce qui constitue le fond de sauce de notre identité nationale.

Bien sûr, on ose espérer que l’immense majorité des musulmans égyptiens condamne avec la plus grande fermeté le massacre d’Alexandrie. Mais il n’en reste pas moins qu’une atmosphère de plus en plus ouvertement antichrétienne a pu faciliter l’action des terroristes, de la même façon qu’un climat antichrétien facilite l’action des terroristes en Irak aujourd’hui. Dans l’ensemble des pays musulmans, les chrétiens, en particulier lorsqu’ils sont convertis, sont dénoncés comme les vecteurs d’une pollution spirituelle occidentale qu’il faut éradiquer à tout prix. Ainsi en Iran, dans l’indifférence générale, ce n’est pas « Al-Qaeda » qui s’est rendu coupable d’exactions à l’égard des chrétiens mais bel et bien le pouvoir qui a procédé après Noël à une vague d’arrestation d’ évangélistes (« des douzaines » de chrétiens arrêtés selon le Wall Street Journal du 7 janvier) comparés par le gouverneur de Téhéran, qui parle « d’invasion culturelle de l’ennemi », à des « parasites », terme employé pour désigner les Talibans haïs par le pouvoir iranien. Mais à défaut d’aider l’Occident à lutter contre les Talibans en Afghanistan, l’Iran préfère s’en prendre à de pacifiques protestants évangélistes, spécifiquement visés parce qu’il s’agit pour la plupart de convertis de l’islam, contrairement aux petites communautés traditionnelles de chrétiens catholiques et arméniens qui interdisent d’elles-mêmes aux musulmans iraniens de culture perse d’entrer dans leurs églises. L’apostasie est en Iran passible de la peine de mort, même si elle n’a semble pas été appliquée pour ce motif depuis des décennies. CEpendant, au mois de juin dernier, un pasteur évangéliste a été condamné à mort, avant que cette sentence soit infirmée en appel.

Mais en Occident les évangélistes, plus encore que les catholiques, ne sont pas de bons clients sur le marché des victimes médiatiques. Ils sont au contraire l’alibi routinier de tous ceux qui chez nous refusent de voir la spécificité de l’intégrisme islamique. Regardez les en transe dans leurs églises, nous dit-on, et voyez à quel point le prosélytisme et l’intégrisme concernent toutes les religions. On connait la chanson. Pour ma part, je l’avoue, j’éprouve simplement de l’admiration pour ces chrétiens convertis qui osent défier la mort sans envisager de l’infliger à quiconque, et vivre leur foi dans le Christ dans des conditions extrêmes.

En terre d’islam, bien souvent, la persécution ne vient pas seulement des méchants mollahs ou des horribles ayatollahs, mais aussi pour une part de la population musulmane elle-même qui d’une manière générale paraît plus loin que jamais de se convertir à la démocratie à l’occidentale. Le bon Bernard Guetta, qui nous rejoue tous les matins la chute du Mur sur France Inter, a beau se réjouir bruyamment de « la modernité » des jeunes opposants à Ben Ali parce qu’ils utilisent Facebook, un tweet à Tunis ne fait pas le Printemps de Prague. Ce qui frappe dans les pays musulmans, c’est moins le triomphe d’une opposition moderniste que le besoin de purification de toutes les souillures que l’Occident inflige à l’islam. La répression contre les chrétiens orchestrée par le pouvoir iranien trouve un terreau favorable dans une mentalité persécutrice qui se développe actuellement dans la population. Les peuples ne sont pas indemnes des vices de leurs gouvernants. Sarkozy, c’est nous, écrivait justement David Desgouilles dans ces mêmes colonnes. On ne saurait mieux dire.



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Florentin Piffard est modernologue en région parisienne. Il joue le rôle du père dans une famille recomposée, et nourrit aussi un blog pompeusement intitulé "Discours sauvages sur la modernité".

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