Bygmalion: la guerre Sarkozy-Copé est déclarée


Bygmalion: la guerre Sarkozy-Copé est déclarée

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Chez les Républicains, la guerre est vraiment déclarée. Nous n’évoquerons le duel entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ni même l’affrontement entre Nicolas Sarkozy et François Fillon. Non, c’est d’une autre guerre qu’il est question ici. Elle est judiciaire et elle oppose Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé.

Nicolas Sarkozy a été entendu par la police au sujet de l’affaire Bygmalion. Rappelons que cette affaire avait provoqué le départ de Jean-François Copé et la nouvelle élection du président de l’UMP, à laquelle l’ancien président de la République s’était finalement présenté, précipitant son retour dans l’arène politique. A l’époque, l’avocat de l’un des associés de Bygmalion avait reconnu que son client avait été contraint de facturer des fausses prestations à l’UMP afin de compenser la non-facturation sur le compte de campagne de Nicolas Sarkozy (campagne 2012), maquillant ainsi un dépassement de dix-huit millions d’euros du plafond des dépenses autorisées par la loi. Le bras droit de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux, qui était aussi directeur-adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, avait confirmé le lendemain à la télévision.

Depuis lors, deux thèses s’affrontent, ou plutôt trois. La première, c’est celle de Maître Maisonneuve, avocat de Guy Alves, qui co-dirigeait Bygmalion, confirmée par Jérôme Lavrilleux, que nous venons de détailler. La seconde, c’est celle du « trésor de guerre de Copé ». Lavrilleux mentirait et les dix-huit millions facturés à tort à l’UMP auraient été détournés  afin de financer les projets de carrière de Jean-François Copé, grâce à la complicité de ses amis de Bygmalion. La troisième thèse serait un savant mélange des deux précédentes dans des proportions qui resteraient à déterminer.

Il faut préciser que Jérôme Lavrilleux n’a jamais accusé Nicolas Sarkozy d’être au courant du système de fausse facturation qu’il décrit. Il a visé son directeur de campagne, le préfet Guillaume Lambert. Quant à Jean-François Copé, il a toujours dit tomber des nues. Nicolas Sarkozy n’a pas les pudeurs de Lavrilleux et Copé. Il a toujours laissé entendre qu’il ne croyait pas au dépassement des frais de campagne ; ce qui valait implicitement adhésion à la thèse du « trésor de guerre ». Mais lors de l’audition dont la presse s’est fait l’écho mercredi, il est entré dans le domaine de l’explicite. Il a chargé Copé, cet homme qui « a toujours travaillé avec Bygmalion », et s’est étonné que l’ex-secrétaire général de l’UMP « était tenu informé de [son] compte de campagne par Jérôme Lavrilleux ». Et surtout, il a soutenu son directeur de campagne Guillaume Lambert, dont la responsabilité était pointée par Lavrilleux. Pour Nicolas Sarkozy, il n’y a pas pu avoir de dépassement des frais de campagne. La fausse facturation de dix-huit millions d’euros a donc profité à d’autres causes qu’au financement de sa campagne électorale. Suite aux révélations de L’Obs, Jean-François Copé a dit ne pas vouloir croire que Nicolas Sarkozy avait pu tenir de tels propos devant la police. Après tout, il n’a jamais mis en cause l’ancien président. Que ce dernier le charge devant la police, c’est un coup très rude.

Trois questions se posent désormais.

Primo, quelle va être l’attitude de Jean-François Copé ? Après tout, la société Bygmalion a été liquidée. Cela ne colle guère avec une entreprise qui collecte un trésor de guerre. Si ce dernier existe, où est-il ? On ne sait malheureusement pas où en est l’enquête sur l’existence d’un tel détournement. A-t-elle seulement débuté ? Si ce n’est pas le cas, Nicolas Sarkozy vient en tout cas de conseiller aimablement à la justice de le faire… Toujours est-il que l’accusation de détournement de fonds d’un tel montant va sans doute amener Copé à contre-attaquer. Il a déjà démontré en d’autres circonstances (souvenons-nous de la guerre avec Fillon) qu’il n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Quant à Jérôme Lavrilleux, ce n’est pas pour rien qu’il a été qualifié de « grenade dégoupillée » par certains pontes de l’ex-UMP. Le fait que Nicolas Sarkozy apporte son soutien à Guillaume Lambert et renvoie Lavrilleux et Copé à leurs affaires avec Bygmalion a dû être ressenti comme une humiliation suprême. De toute évidence, ces deux-là ne demeureront pas inertes.

Deuxio, quelles répercussions sur la primaire cette affaire aura-t-elle ? Tout dépendra d’abord de l’avancement de l’enquête. Et si comme cette fois, les PV d’audition arrivent sur la place publique au gré de l’intérêt des différentes parties, cela risque de ne pas être triste. Il y a quelques jours, commençait à bruisser la rumeur d’une candidature de Jean-François Copé. Nous n’y croyons pas une seconde. En revanche, son ralliement à Juppé et son retour définitif dans le giron chiraquien historique semble davantage crédible. Pas sûr, d’ailleurs, que le maire de Bordeaux apprécie d’être bruyamment soutenu par une personnalité à l’image aussi abîmée.

Tertio, que vont devenir les « sarkopéistes » ? Cette catégorie était née lors de l’affrontement entre Copé et Fillon. L’ex-président avait soutenu le premier contre le second. Et on avait vu en première ligne des partisans zélés qui se présentaient comme autant sarkozystes que copéistes. C’était notamment le cas de Nadine Morano (qui semble depuis quelques mois prendre ses distances avec Nicolas Sarkozy, jusqu’à envisager une candidature à la primaire), sa collègue de Meurthe et Moselle Valérie Debord, Sébastien Huygue, aujourd’hui porte-parole de LR nommé par Sarkozy, ou encore Roger Karoutchi. Comment se positionneront tous ces gens quand la guerre fera rage ?

Qu’on le veuille ou non, Bygmalion demeure le plus gros caillou dans la chaussure de Nicolas Sarkozy dans sa route vers la reconquête. Sauf si on trouve l’éventuel « trésor de guerre » copéiste, la thèse du maquillage du dépassement de compte de campagne semble devoir être la piste privilégiée du pôle financier. Et même si on ne parvient pas à prouver que Nicolas Sarkozy était au courant de ce tour de passe-passe, il restera toujours un doute, renforcé par le fait que tout le monde connaît ses prédispositions en matière d’évaluation de ce que peuvent coûter des meetings, lui-même en ayant organisé des centaines pour d’autres que lui.

C’est certainement la raison pour laquelle il a décidé de déclarer la guerre à Copé qu’il n’a jamais porté dans son cœur, au risque de provoquer des dommages collatéraux importants et d’écorner son image toute neuve de gentil rassembleur des Républicains.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21573607_000001.



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