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Clichy sa mère !


Clichy sa mère !
En 2010, Cameron Mackintosh a donné à Paris une nouvelle version de la comédie musicale Les Misérables.
En 2010, Cameron Mackintosh a donné à Paris une nouvelle version de la comédie musicale Les Misérables.
En 2010, Cameron Mackintosh a donné à Paris une nouvelle version de la comédie musicale Les Misérables.

De Libération au Figaro, les grands journaux commémorent le cinquième anniversaire des émeutes d’octobre 2005. Tous ou presque rivalisent de génuflexions face à la sacro-sainte « question des banlieues ». Troquant l’immigré contre le prolo, l’immense majorité des médias se polarise sur les banlieues pour dessiner le visage d’une France qui souffre. C’est pourtant faire peu de cas de la réalité sociale, dixit Christophe Guilluy, géographe émérite qui n’hésite pas à braver les Goliath de la victimisation sélective.

Dans Fractures françaises, loin des clichés germanopratins, il peint la France des classes populaires précarisées. Qui n’habitent pas Clichy-sous-Bois et n’incendient pas de gymnase sous les yeux des caméras. Vae victis.[access capability= »lire_inedits »]

Itinéraire d’un mal-cherchant

L’homme avait déjà fait grand bruit à un colloque de la Fondation Res Publica en révélant que plus de 80 % de la pauvreté et du chômage en France se situaient hors des banlieues, essentiellement dans des zones pavillonnaires et rurales peu prisées par le Landerneau. Il faut dire qu’hormis Jean-Pierre Pernaut et son JT en carton-pâte, les mass media desquament le paysage français de ses peaux mortes rurales. En témoigne la carte des Zones d’éducation prioritaire (ZEP) qui ne coïncide que partiellement avec celle des zones socialement défavorisées. Dans les faits, l’administration pratique d’ores et déjà la discrimination positive sur critères ethniques. Accusée à tort de parquer les populations d’origine immigrée dans des ghettos, elle ethnicise sciemment les rapports de classes en assistant prioritairement les zones d’immigration récente. Après avoir proposé un maillage plus rigoureux aux pouvoirs publics, Guilluy s’était vu rétorquer : « L’objectif du ministère de la Ville n’était pas de traiter de la pauvreté ni du chômage… » (sic)

Contre le mythe de la banlieue

Un chiffre à méditer : les Zones urbaines sensibles (ZUS) n’abritent que 7 % de la population française. Ce qui n’empêche pas Guilluy de reconnaître la malheureuse conjonction entre un taux de chômage de 8 points supérieurs à la moyenne nationale et une insécurité à la fois physique, culturelle et sociale. Si l’on s’en tient au brouhaha médiatique, la banlieue serait le réceptacle des « jeunes » depuis trente ans, comme si elle demeurait le seul espace où l’on ne vieillissait pas ! Quant au mythe des banlieues-ghettos, il ne tient pas lorsqu’on examine les chiffres du taux de mobilité. À plus de 60 %, il en fait les zones les plus mobiles de France.

Et pour cause : si la banlieue cumule les difficultés, c’est avant tout en raison d’un grand banditisme et d’une délinquance quotidienne qui minent le bon fonctionnement de l’Etat de droit. Même la droite sarkozyste, chantre de la RGPP, favorise les cités au détriment des campagnes dans l’offre de services publics. Guilluy précise qu’on est mille fois moins bien pourvu en équipements publics à Verdun que dans certaines banlieues parisiennes réputées « défavorisées ».

Si les banlieues affichent un tel taux de mobilité, si l’immigration récente fait tout pour la fuir sitôt qu’elle en a les moyens, quitte à sacrifier son pouvoir d’achat en achetant une petite maison de campagne, c’est bien que malaise il y a. L’insécurité physique et la dégradation des services publics par de jeunes sauvageons déstructurés ne doivent pas cacher le vrai fond du problème : un malaise dans la culture.

Le multiculturalisme des riches

Nos élites restent désespérément « croyantes mais non pratiquantes » en un multiculturalisme idéalisé. À l’image du navrant Raphaël crachant le peuple, la générosité tous azimuts est d’autant plus facile à défendre pour ceux qui n’en subissent pas les conséquences. Bien lotie en centre-ville, l’hyperclasse mondialisée extrapole sa vision biaisée de l’immigration. En trente ans, la classe ouvrière a déserté les villes, chassée par la désindustrialisation et la spéculation immobilière. Cet exode urbain laisse les grandes métropoles entre les mains de la bourgeoisie et d’une population d’immigrés récents qui lui fournissent une main-d’œuvre précaire, parfois illégale, souvent corvéable à merci.

Dans un « boboland » comme le XXe arrondissement de Paris, il n’est pas rare de voir juxtaposés des immeubles bourgeois et des taudis d’immigrés, les sans-papiers servant régulièrement de nounous payées au black. De là, rien d’étonnant à ce que l’électorat bourgeois de gauche idéalise la coexistence avec des groupes d’implantation récente. Nulle concurrence sur le marché du travail parisien, nulle cohabitation dans un même immeuble : au sein du voisinage, les sphères de vie restent séparées et les moutards bien gardés. À Ménilmontant, les bars branchés voisinent avec des librairies islamiques, mais pour combien de temps ? Dans dix ou quinze ans, si l’Etat continue à perdre du terrain, parions que les bobos hédonistes voteront pour un(e) Geert Wilders français(e).

Du rouge au bleu Marine : un destin inéluctable ?

Dans les ex-banlieues rouges, les ouvriers du tertiaire fuient le multiculturalisme tant vanté par ceux qui ne le subissent pas. Il n’y a aucun racisme là-dedans. Ni caricature à évoquer l’islamisation rampante de quartiers entiers où les voiles et boucheries musulmanes font florès, au grand dam des immigrés assimilés et autres libres-penseurs.

D’où, selon Guilluy, la transhumance de l’électorat populaire sur les terres du vote frontiste : « La perte de crédibilité de la gauche en milieu populaire est pour partie la conséquence de son incapacité à prendre en compte la demande de catégories populaires de plus en plus sensibles à l’insécurité sociale mais aussi culturelle, provoquée par la mondialisation économique et son corollaire, l’intensification des flux migratoires. »

N’en déplaise aux antifascistes de broussaille, le succès du site Fdesouche ou la popularité de Marine Le Pen s’expliquent avant tout par l’incurie des partis traditionnels qui persistent dans une stratégie de l’orfraie. À gauche, n’importe quel tribun qui dénoncerait les ravages de la mondialisation et de son pendant multiculturel raflerait la mise. À bon entendeur…[/access]

Novembre 2010 · N° 29

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste.

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