Si aujourd’hui la cuisine italienne est portée aux nues, la notion d’une grande tradition de gastronomie péninsulaire semble plutôt une invention récente – comme tant d’autres traditions modernes.
Le 3 décembre 2025, la cuisine italienne est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, première cuisine au monde reconnue dans son intégralité. L’UNESCO consacre ainsi non seulement la richesse d’un répertoire culinaire célébré dans le monde entier, mais aussi l’idée d’une « cuisine italienne » conforme à l’imaginaire contemporain, avec pizza, pasta, risotti, tiramisù et espresso. Pourtant, cette unité gastronomique est une construction récente.
En 1881, lorsque Carlo Collodi publie Les Aventures de Pinocchio, l’Italie politique vient à peine de s’unifier et son identité culinaire n’existe pas encore. Le repas de l’Osteria del Gambero Rosso en témoigne : truite à l’huile, sardines en carpione, poulet « à la manière du pays », raisins secs et noix. Rien qui évoque la cuisine italienne d’aujourd’hui, mais un reflet fidèle de traditions locales profondément enracinées dans leurs terroirs — poissons d’eau douce alpins, marinades piémontaises, volailles rustiques, desserts de fruits secs.
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La même année que Collodi, Giovanni Verga publie I Malavoglia, récit d’une famille de pêcheurs siciliens. Là encore, la nourriture est un révélateur social plutôt qu’un marqueur identitaire. Poissons séchés au vinaigre, pain noir dur, légumes bouillis, soupes épaisses d’herbes sauvages, pâtes grossières réservées aux occasions : rien n’annonce les icônes gastronomiques qu’un siècle plus tard l’Italie offrira au monde. Le XXᵉsiècle aura été celui où l’humanité atteindra le sommet de sa capacité de production, y compris dans l’art d’inventer ses propres traditions.
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