Y aura-t-il de la neige à Noël ? On comprend que cette question taraude les chaumières de l’Hexagone. Visionner sur Netflix, au soir supposé de la Nativité, la série L’Eternaute, proposée depuis le mois de mai par la plateforme, reste le meilleur émollient propre à distraire, sinon apaiser vos angoisses météorologiques. De fait, il neige sans discontinuer durant ces presque six heures de suspense glaçant qui vous transportent en Argentine, justement alors que la naissance du petit Jésus se fait toute proche. Adaptation, au succès phénoménal, d’une BD culte signée Héctor Germàn Oesterheld et Francisco Solano datée 1957, la série mérite d’être revue dans l’actuelle montée des frimas.
Fin décembre, soit au cœur de l’été austral, une tempête de neige toxique s’abat brusquement sur Buenos Aires. Elle refroidit, au sens propre, les portenos par milliers, transformant en un clin d’œil la mégalopole en un immense cimetière à ciel ouvert : en tenue légère de saison, les citadins, pris au piège (comme furent jadis happés par les cendres du Vésuve les habitants de Pompéi), restent congelés dans la posture qu’ils avaient à l’instant fatal. Mais, gracias a Jesus, il reste des survivants : les moins cons ont vite compris que s’exposer une seconde aux flocons revient à signer illico son arrêt de mort. Juan Salvo (dans le rôle, l’illustre Ricardo Darin), vétéran de la guerre des Malouines et par ailleurs père exemplaire, entreprend, avec femme et amis, de partir à la recherche de sa fille adolescente, laquelle s’est égarée dans le chaos ambiant. Cuirassés de masques à gaz ou de protections de fortune, harnachés jusqu’aux extrémités, les survivants hantent ainsi la ville assiégée par l’averse blanche. Ils ne sont pas au bout de leurs peines.
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Pour ceux qui, probablement rares parmi mes indulgents lecteurs, n’auraient pas visionné ce feuilleton dès sa sortie printanière – captivant d’un bout à l’autre, n’hésitons pas à le dire !- , qu’il me soit permis de taire ici ce qui, à partir de l’épisode 4, fait contre toute attente basculer le scénario du registre de l’anticipation post-apocalyptique (allègrement nourrie de nos inquiétudes climatologiques) vers le terrain de la belligérance sous ombrelle SF – entre Starship Troopers (Verhoeven, 1997) et Invasion of the Body Snatchers (Don Siegel, 1956), références avancées sans cuistrerie aucune, vraiment, je vous assure.
À part ça, sur le plan formel, L’Eternaute se démarque avec une remarquable rigueur de tous les poncifs et rabâchages hollywoodiens : une bande-son extraordinairement retenue, aucun nappage polyphonique, non plus que ce bruit de fond continu qui, dans le cinéma d’aujourd’hui, vient en appui de l’action dramatique comme la platitude d’un lieu commun. Ici, on y échappe avec une constance qui vaut d’être soulignée. Cerise sur le gâteau, une inventivité scénaristique qui autorise à l’intrigue, d’épisode en épisode, les bifurcations les plus imprévisibles. On attend la saison 2 pour l’hiver prochain. D’ici là, couvrez-vous bien, il semblerait que les grands froids s’annoncent.
En diffusion sur Netflix.
Durée : 6x 55mn




