La centaine de milliardaires que compte la France paie deux fois moins d’impôts que les autres contribuables. Ce tour de passe-passe fiscal prive le pays d’un pognon de dingue.
Cela paraît à peine croyable. À la lumière des travaux de l’économiste Gabriel Zucman – et de bien d’autres –, les ultra-riches ne paient pas, ou presque, d’impôt sur le revenu. Aussi, ils ne contribuent pas à la solidarité nationale au même titre que les autres catégories sociales.
Un premier chiffre : si tous nos milliardaires partaient s’installer demain dans un paradis fiscal, la perte de recettes pour le Trésor public ne serait que de 0,03 %. Vertigineux. Quand les ultra-riches se rémunèrent via des sociétés holdings pour faire écran à l’impôt, n’est-ce pas un séparatisme ? Face au principe d’égalité de tous face à l’impôt, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, comment caractériser une telle situation ?
Un second chiffre : sur les 2 440 milliards d’euros de revenu national en 2024, la puissance publique a prélevé 1 250 milliards d’euros en cotisations sociales, TVA, impôts sur le revenu et sur les sociétés, taxe foncière et autres impôts divers. Soit un taux de prélèvement obligatoire de 51 %. C’est le prix de notre choix de société pour les retraites, la santé, l’éducation et la solidarité nationale. Les classes populaires s’acquittent de 45 % environ de leurs revenus en impôts et cotisations. On atteint les 50 % pour les classes moyennes. Puis, pour les 10 % les plus riches, on dépasse légèrement les 50 %. Enfin, si l’on retire l’ensemble des prestations sociales du montant d’impôt payé, le taux d’imposition des classes populaires est de 30 %.
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Pour les milliardaires, et ils sont les seuls dans cette situation, le taux de prélèvement obligatoire s’effondre à 25 %. Ils nous privent d’un pognon de dingue. La centaine de milliardaires que compte notre pays paient donc proportionnellement à leurs revenus deux fois moins d’impôt que la moyenne des Français. L’impôt sur le revenu s’évanouit au plus haut sommet des fortunes françaises en ne représentant que 2 % du revenu. Certes, l’impôt sur les sociétés qui absorbe 23 % de leurs revenus vient légèrement corriger cette estimation. Mais insuffisamment.
Comme l’observe Gabriel Zucman, « la conclusion est simple : les milliardaires ne paient aucun impôt d’un montant significatif autre que l’impôt sur les sociétés dont s’acquittent les sociétés qu’ils possèdent ». Mais ces sociétés étant très internationalisées, la moitié de cet impôt est acquitté à l’étranger. Ainsi, la contribution des milliardaires aux finances publiques ne s’élève pas à 25 % de leurs revenus, mais à seulement 13 %. Soit un taux inférieur à celui de toutes les autres catégories sociales.
Cette méga-optimisation est rendue possible grâce aux sociétés holdings. Elles reçoivent les revenus des milliardaires, principalement des dividendes. Et ces dividendes ne sont quasiment pas fiscalisés, quand un actionnaire ordinaire s’acquitte d’un impôt forfaitaire (flat tax) de 30 %.
Mettre fin à cette inégalité n’est en rien une « joie mauvaise » dirigée contre les super-riches, mais simplement l’exigence, fiscale et morale, de rétablir le principe républicain d’égalité devant l’impôt. Qui est pour ? Qui est contre ? Répondre à cette question va permettre une indispensable clarification politique. Si la société française est devenue une véritable cocotte-minute, c’est aussi au regard de cette réalité : les inégalités se creusent dramatiquement. Dangereusement. Notre peuple est un peuple politique. La passion française pour l’égalité constitue un pan essentiel de notre identité. La messe n’est pas dite.





