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Le mur des comptes

Les entrepreneurs ont encore le courage de soutenir l’économie française


Le mur des comptes
L'ancien ministre de l'Économie et des Finances Eric Lombard. DR.

Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


Il existe encore des entrepreneurs français qui créent de la valeur, malgré les nombreux obstacles que l’État et ses fonctionnaires mettent en travers de leur route. Dans notre pays, on dénombre ainsi plusieurs « licornes », ces start-up dont la valorisation dépasse le milliard d’euros : Mistral (intelligence artificielle ; 11,8 milliards d’euros), Doctolib (interface Web pour les soignants ; 5,8 milliards), Back Market (produits reconditionnés ; 5,2 milliards), Contentsquare (analyse de données numériques ; 5,1 milliards), Sebia (diagnostics médicaux ; 5 milliards), Quonto (banque en ligne ; 4,4 milliards). Formidablement inventives et dynamiques, elles savent affronter un environnement particulièrement hostile. Hélas, il n’est pas du tout sûr que cela dure.

D’autres entrepreneurs français, plus nombreux malheureusement, échouent. Deux exemples illustrent bien les difficultés rencontrées par les innovateurs désirant mener à bien leur projet dans notre pays. Ils sont particulièrement tristes, car ils ressemblent à l’échec commercial de Concorde. D’abord la société Carmat, créée dans les années 1990 par le professeur Alain Carpentier et le capitaine d’industrie Jean-Luc Lagardère. Elle produit 500 cœurs artificiels par an. L’homme d’affaires Pierre Bastid en est devenu récemment le premier actionnaire. Pour sauver l’activité, il a besoin de 150 millions d’euros. Comme il ne les trouve pas, il risque la liquidation judiciaire. Second exemple, la société VoltAero, pionnière de l’aviation légère hybride électrique. Son premier modèle, le Cassio 330, était arrivé à enregistrer 280 précommandes. Il devait être mis en service en 2026. Las, l’entreprise, créée par Jean Botti, ex-patron de l’innovation chez Airbus, est à présent en redressement judiciaire.

La déclaration d’économiste la plus stupide de la décennie a probablement été prononcée par Sandrine Rousseau, députée écologiste et ancienne enseignante-chercheuse à l’université de Lille, lorsqu’elle a indiqué en 2021 « préférer des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR » (on voit immédiatement qu’elle a tout compris à la question énergétique, en particulier la nécessité de disposer d’électricité nucléaire quand il n’y a plus ni vent ni soleil). Reste qu’Éric Lombard, qui vient de quitter le poste de ministre de l’Économie, n’est pas mal placé non plus au palmarès des déclarations stupides. Charles Gave, le président de l’Institut des libertés (et actionnaire principal de Causeur), en a sélectionné trois. La plus ahurissante : « Il va falloir que les entreprises françaises s’habituent à gagner moins d’argent. » La plus incompétente : « Le nombre de fonctionnaires n’est pas un problème. » La plus idéologique : « On n’est pas un pays libéral, on est un pays d’État. » Nassim Taleb, très grand auteur américain (à qui l’on doit Le Cygne noir) qualifie ce type de paroles d’ « educated yet idiot », ce qui en français signifie « diplômé mais bête ».

Emmanuel Macron s’est félicité que la France soit selon lui « un pays solide, doté d’une bonne solvabilité, qui génère d’excellentes recettes fiscales », dans les colonnes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 1er octobre. Il reconnaît toutefois que « nous n’avons pas encore résolu la question des finances publiques ». C’est bien normal puisque, à l’heure où les États-Unis et la Chine se livrent une bataille technologique et tarifaire de premier plan, nos dirigeants débattent de l’impôt Zucman.

La France ne devrait pas taxer davantage les « riches ». Telle est la position d’Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation iFRAP. Si on part du revenu disponible brut des ménages français, et que l’on fait la somme des impôts directs et des cotisations sociales qu’ils payent, on constate que le taux de prélèvement moyen qu’ils supportent est de 28,4 %. Pour les 10 % des contribuables les plus aisés, le chiffre est presque deux fois supérieur : 54,2 %. Pour les 0,1 % les plus riches, il grimpe à 55,2 %. Résultat, selon l’OCDE, les 10 % des ménages les plus riches du pays assurent à eux seuls 76 % de la recette annuelle de l’impôt sur le revenu, soit 63 milliards sur un total de 83 milliards. L’absence de débat sérieux sur un sujet aussi essentiel explique que de telles remarques, aussi stupides que fausses, soient proférées sur les bancs de l’Assemblée nationale. En attendant, la totalité des pays européens ont abandonné les taxes confiscatoires : l’Allemagne, la Suède, le Danemark, l’Autriche et les Pays-Bas. Mais en France, on préfère vivre dans la démagogie fiscale, relayée par La France insoumise et le Rassemblement national. Ces partis ont tort, car l’impôt n’a pas à être moral, mais utile et efficace.

Une dizaine de grands groupes du CAC 40 empruntent de l’argent sur les marchés financiers à des conditions plus favorables que les bons du Trésor. C’est le signe très clair de l’inquiétude grandissante des investisseurs devant notre politique budgétaire. Une inquiétude confirmée par la dégradation, le 17 octobre, de la note de la France par l’agence S&P. D’habitude, dans un pays donné, un État se finance pour moins cher que les entreprises, car il est considéré comme plus solvable et moins risqué. Sans surprise, la dizaine de sociétés tricolores qui parviennent à s’endetter à un taux plus bas que les pouvoirs publics ont un volume d’activité important à l’étranger. Il s’agit d’Airbus, Axa, Air Liquide, Euronext, Legrand, LVMH, Sanofi et Schneider Electric.

La France présente pour la première fois une balance agricole déficitaire (même en tenant compte des vins et spiritueux), alors qu’elle était le deuxième plus grand exportateur de produits agricoles au monde il y a trente ans. Quand le coût horaire moyen d’un salarié agricole s’élève à 12,80 euros en France, il est de 0,74 euro au Maroc. Ce n’est pas très compliqué de comprendre d’où vient le problème. Tous ceux qui insultent Bernard Arnault toute la journée devraient savoir que les exportations de LVMH représentent 50 % des exportations agricoles de la France.

La Ville de Paris pulvérise tous les ratios prudentiels. Les dépenses courantes progressent plus vite que l’inflation et, malgré la forte augmentation de la taxe foncière de 62 % ainsi que la hausse des droits de mutation, la dette de la municipalité atteindra le chiffre record de 11,6 milliards fin 2026. La Mairie ne cesse de gonfler ses effectifs (55 000 fonctionnaires contre 41 000 il y a vingt-cinq ans), alors que la population parisienne diminue. Pire encore, les subventions financent en partie des associations aux objectifs contestables, comme « Les ruches pour les femmes leaders à Tandjouaré » ou des officines d’activistes de gauche radicale, qui prônent la désobéissance civile. Il est temps de mettre fin à cette gabegie.

Les diplômés qui quittent la France sont de plus en plus nombreux. Selon Ipsos BVA, 9 % de nos jeunes ingénieurs partent travailler à l’étranger une fois leur diplôme obtenu. Et 21 % d’entre eux réfléchissent à l’idée de s’établir hors de France. Dans un pays où on a formé des armées de sociologues, il est curieux qu’aucun d’entre eux ne cherche à analyser convenablement la grande spécialité nationale qui consiste à exporter des bac +7 et importer des bac -7.

Novembre 2025 – #139

Article extrait du Magazine Causeur




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Vice-président de l'Institut des Libertés

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