La place du futur ennemi numéro un d’Israël serait-elle à prendre ? Le Jihad islamique palestinien apparait comme l’organisation la mieux placée pour prendre la tête du terrorisme palestinien à la place du Hamas en cas de neutralisation de ce dernier. Analyse.
La libération des 20 derniers otages vivants retenus dans la bande de Gaza le 13 octobre dernier a constitué un immense soulagement que l’on doit en grande partie à Donald Trump. Dans la poursuite de sa quête avouée d’obtenir le prix Nobel de la paix, le Républicain a actionné tous les leviers à sa disposition pour aboutir à un résultat qui paraissait difficilement envisageable ; permettant ainsi de paver la voie à une possible cohabitation pacifique entre Palestiniens et Israéliens. Néanmoins, le plan Trump comprend plusieurs incertitudes.
Angles morts
Si l’on part du postulat que le Hamas acceptera de déposer les armes, ce qui semble par ailleurs hautement improbable, le danger que constituent les nombreux autres groupes terroristes disséminés dans l’enclave se situe dans un des angles morts du plan.
La plupart des factions armées palestiniennes, ayant jusqu’ici bénéficié de l’ombre projetée par le Hamas, sont toujours actives et présentent des modus operandi qui nécessiteront des approches différentes pour les neutraliser. Si le scénario d’un désarmement du Hamas venait à se concrétiser, il est évident que ces nombreuses organisations continueront de faire planer une menace sécuritaire d’envergure sur Tel Aviv ; le Jihad islamique palestinien reprenant alors le rôle du Hamas comme élément le plus en vue du terrorisme palestinien.
Le Hamas, partie émergée de l’iceberg ?
Dès que les premières images des attaques terroristes du 7 octobre 2023 furent diffusées, le narratif quasi-unanimement proposé par les médias occidentaux laissait à penser que seuls les hommes de la branche armée du Hamas, les brigades Izz al-Din al-Qassam, avaient participé aux atrocités commises ce jour-là. Bien qu’orchestré par Yahya Sinwar, chef de la branche armée du Hamas, le « déluge d’al-Aqsa » a en réalité impliqué au moins cinq autres groupes palestiniens selon Moussa Abu Marzouk, l’un des responsables du Hamas[1].
L’un des ouvrages de Mohamed Sifaoui, spécialiste du terrorisme islamiste, a révélé que le pogrom du 7 octobre faisait l’objet d’une préparation minutieuse remontant à 2020 sous la direction d’un organe appelé « chambre des opérations »[2]. A l’exception notable du Fatah, cette chambre servait d’outil de communication et de coordination entre toutes les factions impliquées, ces dernières ayant mis de côté leurs divergences politiques ou religieuses pour se rassembler en son sein. Les brigades Abou Ali Mustapha, branche militaire du Front populaire de libération de la Palestine d’orientation marxiste-léniniste, ont ainsi participé aux attaques du 7 octobre.
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Il en va de même pour les brigades An-Nasser Salah al-Din, faction de la bande de Gaza qui contribue également aux forces de police officiant dans l’enclave. Sa collaboration avec le Hamas n’est pas nouvelle puisque c’est à cette brigade que l’on attribue l’enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit en 2006. Ce dernier sera libéré en 2011 en échange de plus de mille prisonniers palestiniens dont Yahya Sinwar[3]. Les Brigades des Martyrs d’al-Aqsa, qui comptaient 5 000 hommes avant les attentats du 7 octobre, autrefois associées au Fatah mais partageant l’idéologie islamiste du Hamas, ont aussi contribué aux attaques. Tout comme les Forces du martyr Omar al-Qassem, branche armée du Front démocratique de la libération de la Palestine qui ont revendiqué leur participation aux attaques et continuent d’émettre des communiqués établissant leur responsabilité dans d’autres opérations terroristes via des canaux tels que l’agence de presse yéménite Saba.
Dès lors, on voit bien qu’attribuer les attaques terroristes du 7 octobre aux seuls militants du Hamas est une lecture très incomplète des évènements qui permet indirectement aux autres factions terroristes impliquées de rester dans l’ombre. Il résulte de ces éléments que le simple fait de neutraliser le Hamas ne suffira pas à assurer la sécurité d’Israël, la menace terroriste s’en accommodera et changera tout simplement de visage.
Le Jihad islamique palestinien, futur ennemi numéro un d’Israël ?
Considérée comme la deuxième organisation terroriste la plus influente de la bande de Gaza, le Jihad islamique palestinien pouvait s’appuyer sur 10 000 combattants avant le 7 octobre 2023. Bien qu’émanant également des Frères musulmans, il se distingue du Hamas en ce qu’il lui reproche une approche insuffisamment islamique de la gouvernance de l’enclave. Il refuse par ailleurs catégoriquement tout rôle politique, une absence d’ambition politique qui permet aux deux groupes de collaborer. Cette organisation terroriste apparaît aujourd’hui comme la mieux placée pour prendre la tête du terrorisme palestinien à la place du Hamas en cas de neutralisation de ce dernier.
Fondé en 1981 par Fathi al-Shiqaqi, le Jihad islamique palestinien s’est signalé aux yeux du grand public par une série d’attentats suicides perpétrés afin d’enrayer la mécanique de paix enclenchée par les accords d’Oslo signés en 1993. A l’inverse du Hamas, ils refusent d’envisager toute négociation, y compris dans le but de mener à un cessez-le-feu. Ses militants se distinguent par des attaques au couteau et bien entendu par des attentats-suicides à la bombe, signature du groupe.
Contrairement au Hamas, la distinction entre branches politique et militaire n’a aucun sens pour le Jihad islamique palestinien. L’organisation en tant que telle se confond avec sa branche armée, les Brigades al-Qods, qui perpétue et revendique les attentats commis en son nom. La communication de ces Brigades, effectuée via leur site internet se confond avec celle du Jihad islamique palestinien qui met à profit ses propres médias[4].
Les ambitions pour l’enclave du groupe désormais dirigé par Ziad al-Nakhalah sont également plus radicales d’un point de vue religieux que celles du Hamas, de quoi laisser craindre un système d’endoctrinement encore plus prononcé que celui mis en place par le Hamas depuis sa création puis son élection. Si tous deux souhaitent une Palestine indépendante, le Jihad islamique palestinien entend en faire un État religieux plus proche de ce que fut le califat de l’État islamique en Irak et en Syrie. Sa propension à embrasser sans réserve les intérêts de Téhéran en fait par ailleurs un allié plus fiable aux yeux du régime des mollahs que le Hamas[5].
Enfin, contrairement au Hamas, le Jihad islamique palestinien dispose d’hommes en Cisjordanie. Le groupe accuse fréquemment Israël de vouloir annexer le territoire[6] et oblige Tsahal à devoir garder un œil sur les agissement du groupe terroriste depuis la Cisjordanie. Une récente opération menée par l’armée israélienne dans le nord de la Cisjordanie ayant permis la neutralisation de deux membres du Jihad islamique palestinien illustre que ce dernier peut frapper depuis l’ensemble du territoire palestinien[7].
La disparition du Hamas serait certes une première victoire d’importance, mais la guerre contre le terrorisme palestinien n’en serait donc pas achevée pour autant.
[1] https://www.bbc.com/afrique/articles/c99ezy1r55lo
[2] Mohamed Sifaoui, Hamas : plongée au cœur du groupe terroriste, 2024, p. 255.
[3] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/yahya-sinwar-attentats-7-octobre-liberation
[4] https://www.nationalsecurity.gov.au/what-australia-is-doing/terrorist-organisations/listed-terrorist-organisations/palestinian-islamic-jihad
[5] https://fr.timesofisrael.com/liran-au-jihad-islamique-vous-avez-prouve-que-vous-pouvez-ecraser-lennemi
[6] https://www.lefigaro.fr/international/cisjordanie-le-djihad-islamique-accuse-israel-de-vouloir-annexer-le-territoire-occupe-20250224
[7] https://www.longwarjournal.org/archives/2025/09/israeli-operation-kills-2-palestinian-islamic-jihad-terrorists-in-west-bank.php




