Comment réagir face aux rumeurs persistantes concernant la prétendue transidentité de Brigitte Macron ? Huit hommes et deux femmes de 41 à 60 ans sont actuellement jugés à Paris pour harcèlement en ligne et encourent jusqu’à deux ans de prison. Parmi eux, un publicitaire, une médium, un prof d’EPS, un informaticien… La fille de Brigitte Macron, Tiphaine Auzière, est attendue à la barre aujourd’hui. Elisabeth Lévy explique pourquoi cette affaire est selon elle terrifiante.
Le procès de dix cyberharceleurs de Brigitte Macron se poursuit aujourd’hui à Paris. La fameuse affaire dite Jean-Michel Trogneux, du nom du frère de l’épouse du président de la République. Depuis quatre ans, rien n’y fait : la rumeur délirante enfle. Des millions de messages, de vidéos et de montages prétendent que Brigitte Macron est un homme. En prime, ils la traitent de sataniste et de pédophile (en raison de la différence d’âge avec son mari). Et quand elle proteste, certains militants LGBT l’accusent de transphobie.
Dans une longue enquête, Olivier Faye, dans Le Monde1, repère les débuts de cette rumeur en 2021 sur le compte d’une certaine Natasha Rey, proche de certains gilets jaunes. Elle s’acoquine ensuite avec un plumitif d’extrême droite et une médium. Les sites russes s’en emparent. La machine est lancée.
En mars 2024, l’influenceuse MAGA, l’Afro-Américaine Candace Owens, courtière en conspirations, lance ce qu’elle qualifie de « plus grand scandale politique de l’histoire humaine ». Becoming Brigitte cartonne. Les Macron portent plainte.
À Paris, parmi les huit hommes et deux femmes qui comparaissent pour propos malveillants sur le genre et la sexualité de Brigitte Macron, figurent des complotistes professionnels comme Zoé Sagan (dont le compte Twitter a été fermé) ou Amandine Roy. Mais aussi des gens comme-vous-et-moi, tel ce professeur d’EPS sympathique et penaud. Ils invoquent l’esprit Charlie et la nécessité de se moquer des puissants. Mais ce qui transpire de toute cette usine à rumeurs, c’est surtout la haine et la volonté de salir.
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Est-ce qu’un procès ne risque pas de relancer les rumeurs qu’on veut éteindre ? Dans un monde normal, on balaierait ces divagations malveillantes d’un revers de main. On ricanerait dans les bistrots et puis stop. Mais le monde est malheureusement devenu un immense bistrot où toute ânerie répétée des millions de fois devient une vérité pour un nombre considérable de gogos. On en connaît tous qui croient dur comme fer à ces bobards.
Il n’y a pas de bonne solution. Au-delà des dommages privés, Brigitte Macron ne peut plus faire un déplacement à l’étranger sans qu’on lui en parle. Il n’est pas sûr que le procès de Paris soit utile. Une cour d’appel a déjà estimé que ce n’était pas malveillant de dire qu’elle est un homme, l’idée étant qu’il ne faut pas être « transphobe ». En revanche, si Candace Owens est condamnée aux États-Unis, cela fera du bruit et changera peut-être la donne. Mais avant cela, avant toute éventuelle condamnation, cela ne rigolera pas : le procès ne sera pas une partie de plaisir. Brigitte Macron devra répondre aux accusations, produire des photos, jurer qu’elle n’a pas touché le président avant l’âge légal. Devant les caméras du monde entier.
Cette affaire, qui de prime abord semble mineure, est en réalité terrifiante. Elle montre notre impuissance face à des discours échappant totalement à la raison. Avec les gens qui croient dur comme fer que Mme Macron est un homme, comme avec les adeptes de la théorie des chemtrails, il n’y a plus de monde commun. Nous devons désormais vivre avec la bêtise et la calomnie industrialisées.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
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