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Laurence Bloch demande à Radio France de «rattraper» les ploucs et autres culs-terreux…

La chronique médias de Didier Desrimais


Laurence Bloch demande à Radio France de «rattraper» les ploucs et autres culs-terreux…
L'ancienne patronne de France Inter Laurence Bloch photographiée en 2016 © CHAMUSSY/SIPA

L’ancienne patronne de France inter postule que  «le jour où l’audiovisuel public ne sera plus là, ce pays sera plus difficile à vivre». Elle enjoint à la patrouille médiatique progressiste de «rattraper les CSP–, c’est-à-dire ces gens qui n’ont pas un patrimoine culturel suffisant pour être en tranquillité avec ce monde»…


À l’occasion de la sortie de son livre Radioactive, l’ancienne directrice de France Inter, Laurence Bloch, était reçue le 21 octobre par Benjamin Duhamel dans la Grande matinale de… France Inter. Elle est très heureuse, dit-elle, de se retrouver à côté de Patrick Cohen: « Je trouve que la chronique de Patrick, ça dit tout de l’audiovisuel public, c’est-à-dire que nulle part ailleurs vous n’avez cette profondeur de champ. » Dans le monde de Mme Bloch, la superficielle bien-pensance de gauche est appelée « profondeur de champ ». S’il est vrai que Patrick Cohen « dit tout de l’audiovisuel public », ce n’est sûrement pas dans le sens qu’elle imagine.         

Écoutez la déférence

Benjamin Duhamel habite le même monde que Mme Bloch. Monde de mensonges, de contre-vérités, d’affabulations victimaires. « Pourquoi n’y a-t-il pas de grandes voix pour défendre le service public ? », ose-t-il demander à l’ancienne directrice de France Inter qui, sachant qu’elle n’a à redouter aucune contradiction, dénonce vigoureusement l’absence de soutien et « la lâcheté des politiques, des intellectuels et du monde culturel ». Curieux ! La grande majorité des susnommés prennent régulièrement leur courage à deux mains pour dénigrer les « médias bollorisés » et défendre mordicus l’audiovisuel public mais Mme Bloch juge vraisemblablement que cela est encore insuffisant.

Dans ce monde parallèle où la réalité est inversée, les propos extravagants de Mme Bloch sont accueillis comme paroles d’évangile : « Si tout d’un coup, les voix de France TV et de Radio France s’arrêtaient, où est-ce qu’on pourrait trouver toutes ces émissions qui nous donnent le sentiment d’être un peu plus à l’aise dans ce monde qui est compliqué ? Où est-ce qu’on retrouverait des émissions d’économie, des émissions géopolitiques, des émissions de science ? Nulle part ailleurs. » Heureusement que le ridicule ne tue pas. Encouragée par la silencieuse approbation du jeune journaliste fraîchement france-intérisé – notons que celui-ci, héritier d’une puissante tradition familiale médiatique, semble doué d’une exceptionnelle capacité à s’adapter aux idéologies en vogue et à interviewer ses invités avec rudesse ou déférence selon qu’ils sont considérés, d’après des critères qui lui sont propres mais qu’on peut aisément deviner, comme des adversaires ou, au contraire, comme de potentiels alliés à la seule cause qui vaille à ses yeux : sa carrière – l’ex-directrice de la stratégie éditoriale de Radio France affirme que l’audiovisuel public « se bat pour les faits, le réel et pas la reconstruction idéologique de la réalité. » Un monde parallèle, vous dis-je.

Médias Bolloré : mais pourquoi sont-ils aussi méchants ?

Bien entendu, une émission de France Inter évoquant les médias ne saurait éviter de dénigrer Vincent Bolloré et CNews. Mme Bloch y va donc de sa charge : « Il y a une technique de marketing qu’est utilisée par un groupe privé, très très très fort, et beaucoup trop portée par les autres médias, en particulier la presse écrite. (sic)» Les succès de CNews, d’Europe 1 et du JDD restent en travers de la gorge de leurs contempteurs. Ces médias n’hésitent pas à aborder de front les sujets qui importent aux Français et que délaissent les médias autorisés se contentant de relayer les dépêches orientées de l’AFP et autres organes officiels de propagande. CNews attire de plus en plus de téléspectateurs qui, intrigués par les propos dépréciatifs des employés de l’audiovisuel public, de Libé, de Télérama et du Monde, ont commencé à y jeter un coup d’œil par simple curiosité, puis se sont aperçus que les journalistes et les intervenants soulevaient des questions primordiales, qui les touchaient directement, sur l’immigration, l’insécurité, la déficience des services publics, la dégringolade économique, l’impéritie de notre classe politique, la pénétration conjointe et paradoxale du wokisme et de l’islamisme dans les milieux universitaires, politiques et associatifs, etc.

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Au fur et à mesure que les mois passent, CNews accroît son audience. Les gens qui constituent son public sont des personnes ordinaires dont la perception du monde, reposant sur de simples notions empreintes d’histoire et de transmission, de vie commune et de liens traditionnels, est très éloignée des divagations alambiquées de la nouvelle classe dominante qui a pour objectifs principaux l’effacement du passé et la transfiguration du réel. Si ces gens ordinaires échappent à l’attraction de Radio France, c’est qu’ils sont bêtes, pense Mme Bloch. Ne cachant pas son mépris pour certains Français, elle demande aux journalistes france-intériens de tout faire pour « rattraper les CSP, c’est-à-dire ces gens qui n’ont pas un patrimoine culturel suffisant pour être en tranquillité avec ce monde ». Derrière cette novlangue, il est facile de deviner le fond de la pensée de Mme Bloch : il faut, par tous les moyens possibles, attirer dans les filets de la radio publique ceux qu’elle considère être des Français subalternes, les artisans, les employés, les ouvriers et les paysans encore attachés à quelques métiers et traditions qu’elle juge archaïques, et les abrutir jusqu’à ce qu’ils respectent et adorent, à la place de leur véritable patrimoine, celui, faux, superficiel, abstrait, du nouveau monde radieux qu’elle et ses congénères appellent de leurs vœux. Le programme d’endoctrinement du peuple et d’effacement du réel établi par la caste médiatico-culturelle au pouvoir est diffusé sur les ondes de Radio France, établissement public que Mme Bloch a façonné pendant des années à cette seule fin. Ce programme prévoit le remplacement de la langue par la novlangue, de la vérité par le mensonge, de la mémoire par l’oubli, de la science par le wokisme, du savoir par la croyance, du temps par l’immédiateté, de la proximité par l’éloignement, de l’enracinement par l’hyper-mobilité, du local par le global. Pour, comme dit Mme Bloch dans sa langue dégradée, « être en tranquillité avec ce monde» – monde qui n’est en vérité que celui souhaité par les élites – les gens ordinaires devraient gober le catéchisme progressiste et woke diffusé sans relâche sur les ondes et les écrans de l’audiovisuel public, ce à quoi ils se refusent de plus en plus. La moindre résistance est qualifiée d’extrême droite et le moindre résistant est accusé d’être un suppôt de Bolloré, voire pire. Mais peu importe, résistance il y a. Même Mme Bloch est obligée, à sa manière tordue, d’en convenir. Il lui faut donc, dans le style absurde et outrancier qui lui est habituel, en rajouter encore un peu, jusqu’à atteindre ou dépasser, chacun jugera, les limites du ridicule.

L’ex-directrice de France Inter pare l’audiovisuel public de toutes les vertus – « utilité », « pluralité », « exceptionnalité » – et, envisageant le pire, continue de divaguer sous l’œil attendri de Benjamin Duhamel : « Le jour où l’audiovisuel public ne sera plus là, ce pays sera moins tranquille et plus difficile à vivre. »

Un journaliste même moyennement compétent aurait sans doute réclamé quelques éclaircissements, quelques précisions, quelques exemples d’intranquillité ou de difficulté à vivre dans le cas, pour le moment malheureusement improbable, où l’audiovisuel public viendrait à disparaître. Benjamin Duhamel, qui s’est rapidement adapté aux manières affables du journalisme de salon france-intérien, surtout lorsqu’il s’agit de promouvoir l’ouvrage d’une figure de Radio France, ne s’aventure pas de ce côté-là. De toute manière, personne n’est dupe, ce n’est pas demain la veille que l’audiovisuel public sera mis en péril – et Mme Bloch aura sûrement l’occasion d’y revenir faire la leçon aux Français récalcitrants, aux ploucs, aux beaufs et aux culs-terreux qui ne comprennent décidément rien à « ce monde »…

Radioactive

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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