Dans l’ouvrage collectif 7 octobre, une fracture française, dix-sept contributeurs interrogent les conséquences de cette journée fatidique sur la société française, démêlent les confusions régnantes concernant l’islam, l’islamisme, la cause palestinienne ou le djihad, et proposent des actions très concrètes.
Une terrible inversion accusatoire

Georges Bensoussan rappelle, dès la préface, qu’en 1939, le IIIᵉ Reich avait déjà inversé les rôles en accusant les Juifs d’avoir « déclaré la guerre à l’Allemagne ». Laurence Croix, maîtresse de conférences à l’université depuis trente ans, raconte son expérience au sein de l’institution et dit avoir lu, cinq jours seulement après l’attaque du Hamas, ces mots sur les murs de son université: « Israël assassin ».
Mais l’inversion victimaire peut également être chronologique, comme l’indique Michèle Tribalat: par exemple, lorsque la presse rapporte une riposte israélienne avant d’évoquer l’attaque terroriste qui l’a provoquée — quand elle n’oublie pas tout simplement d’en parler…
Le préfacier ajoute que si le crime a réellement eu lieu, c’est qu’il profite, dans ce cas, à sa victime. « Ici, l’inversion du réel entre dans une zone de folie collective qui ruine toute possibilité d’enseignement. » C’est pourquoi il estime essentiel de remettre à l’endroit « la stupéfiante réécriture “néocoloniale” de cette histoire », et commence par rappeler ce que signifient dhimmitude et djihad.
Nature et stratégies du djihad
C’est à cela que s’emploie Bat Ye’or : « À l’époque des grandes conquêtes, les armées bédouines musulmanes soumirent en un siècle des territoires s’étendant de l’Espagne jusqu’à l’Indus. » Juifs et chrétiens furent confrontés à ces deux réalités que sont le djihad et la dhimmitude pendant quatorze siècles. « Le djihad est une doctrine guerrière théologique qui prescrit des buts, des stratégies et des tactiques militaires structurés par une juridiction religieuse. Son but est d’imposer sur toute la terre la loi d’Allah et la suppression de la “mécréance”. » Parmi ses stratégies : « attiser ou instrumentaliser les conflits entre États chrétiens afin que le camp de la mécréance s’autodétruise de lui-même. » Cela passe naturellement par le refus de la culture du mécréant et, donc, par le refus de l’assimilation à celle-ci. D’autre part, « par le djihad, les musulmans se réapproprient les pays qui leur sont destinés mais que les nations mécréantes détiennent illégalement ». Les autochtones mécréants apparaissent dès lors comme des « occupants ». Ce qui faisait dire à Yasser Arafat que « la paix, pour nous, signifie la destruction d’Israël ». Bat Ye’or précise que ces interprétations du djihad sont présentes chez les théologiens et historiens musulmans dès le VIIᵉ siècle !
Statut du dhimmi
« Le mot dhimmitude vient, lui, du mot dhimmi, qui veut dire “protégé”. Protégé non par amitié, mais comme ennemi vaincu de guerre, échappant à la mort ordonnée par le djihad. Cette protection est conditionnelle à une soumission et peut être abrogée. » Cette protection, qui visait aussi d’autres populations, n’empêchait pas les pogroms d’avoir lieu et restreignait également les droits des minorités. Georges Bensoussan rappelle cette signification d’Israël, trop longtemps oubliée, pour les Juifs vivant en terre d’islam : l’émancipation de ce statut de dhimmi.
Frères musulmans et construction du « peuple palestinien »
Pierre-André Taguieff livre une genèse des Frères musulmans en rappelant qu’en 1937-1938, Hassan al-Banna, un des cofondateurs, n’hésitait pas à dire : « À une nation qui perfectionne l’industrie de la mort et qui sait comment mourir, Dieu donne une vie fière dans ce monde et la grâce éternelle de la vie à venir. » Et l’on lisait déjà, dans le point 5 du credo des Frères musulmans, entériné par le IIIᵉ Congrès des Frères en mars 1935 : « La bannière de l’islam doit couvrir le genre humain. » Il est montré par la suite comment, des Frères musulmans à des responsables politiques tels que Yasser Arafat, l’idée de nation fut d’une extrême ambiguïté, voire inexistante, sauf à être utilisée stratégiquement.
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Le chef de l’OLP déclarait le 26 janvier 2002 : « Nous ne défendons pas la Palestine en tant que Palestiniens. Nous la défendons plutôt au nom de la nation arabe, au nom de la nation islamique. » Ainsi se dévoilait nettement l’islamisation profonde de la cause palestinienne.
Et si le terme « nation » demeure encore, de manière résiduelle, la Oumma est appelée à le remplacer. Le philosophe en déduit très logiquement qu’il nous faut « sortir de la mythologie palestiniste, et pour cela reconnaître d’abord que les Palestiniens ne constituent pas un “peuple” en quête d’un État-nation indépendant et souverain. »
Du reste, Zaheir Muhsein, membre de l’OLP, le disait déjà le 31 mars 1977 : « Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un État palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’État d’Israël pour notre unité arabe. Ce n’est que pour des raisons politiques et tactiques que nous parlons aujourd’hui de l’existence d’un peuple palestinien. »
Islam et islamisme : questions et réponses
Matthias Küntzel, de son côté, enjoint à prendre la Charte du Hamas très au sérieux, à en voir les liens évidents avec le nazisme, et démonte méthodiquement l’interprétation selon laquelle le massacre du 7 octobre aurait été une réponse à cinquante-six ans d’occupation.
Alexandre Feigenbaum, quant à lui, montre comment certains intellectuels marxistes contribuent aux narratifs djihadistes.
Fadila Maaroufi et Razika Adnani témoignent de la violence intrafamiliale musulmane, qui se défoule sur un bouc émissaire et se transmet de génération en génération. Elles interrogent également la possibilité d’un « islam qui ne serait pas un islamisme », en y répondant chacune différemment.
Sonya Zadig les accompagne dans leur réflexion en estimant que le terme « islamisme » « n’est qu’un néologisme franco-occidental inventé pour adoucir la formulation et brouiller les cartes », et en appelle à considérer les musulmans comme des adultes : non des enfants à protéger et à défendre, mais des citoyens à part entière auxquels on peut légitimement poser des questions et demander des comptes.
C’est ce que fait, du reste, Daniel Sibony, qui propose, très courtoisement, une prière et un questionnaire en trois parties à adresser à nos compatriotes musulmans.
Propositions très actuelles
Dans la suite des propositions tout à fait concrètes, Didier Lemaire explique les actions de son association Défendre les serviteurs de la République. Gilbert Abergel indique qu’il existe un Comité Laïcité République et rappelle que la laïcité n’est pas une opinion mais un principe juridique — ce qui fait de la loi notre arme principale. Il est rejoint ici par Barbara Lefebvre, qui veut ériger « un mur de fer législatif », c’est-à-dire un retour à la loi assumée et appliquée, en commençant par l’interdiction du port du voile dans l’espace public, estimant que le voile est le maillon déterminant de tous ceux qui suivent.
Pascal Bruckner, pour sa part, préconise de désigner l’ennemi pour mieux le combattre et, pour cela, de ne pas utiliser le langage de celui-ci lorsqu’il est faussé.
Enfin, Martine Ghnassia et Jean-Charles Goldberg dressent la liste de tous les collectifs et actions nés du 7 octobre, auxquels le lecteur pourra se référer.
7 octobre, une fracture française, préface de Georges Bensoussan, aux Éditions les Umpertinents. 210 pages.




