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Mozart et son premier violon

Le billet de Dominique Labarrière


Mozart et son premier violon
© Yu-Gi-Oh

Alors que François Bayrou cherche désespérément 44 milliards d’euros d’économies, une idée fait son chemin: fiscaliser les pourboires des serveurs. Au risque d’attiser la colère d’un secteur déjà en crise. 71% des salariés de l’hôtellerie-restauration toucheraient des pourboires, mais 81% d’entre eux sont évidemment opposés à l’idée qu’ils soient imposés. 41% menacent même de quitter le secteur si la mesure voyait le jour. De son côté, Emmanuel Macron envisage de rejoindre les compétiteurs de « Yu-Gi-Ho »


Voilà bien que le « Mozart de la finance » envisagerait de faire les poches des garçons de café. Ou si ce n’est lui, ce serait notre futur ex-Premier ministre que les pythies les mieux armées dans l’art de la prédiction politique voient d’ores et déjà condamné à venir gonfler dès les calendes de septembre l’immense bataillon des boomers ordinaires, des retraités du commun, qui, je le suppose, lui feront un accueil triomphal.

Le projet « garçons de café » consisterait à faire passer leurs pourboires sous les fourches caudines de l’impôt. Quand je dis garçons de café il s’agit aussi, tout le monde l’aura compris, des serveuses z-et serveurs des restaurants, salons de thé, etc…

Ceux-là officient dans des secteurs qu’on nous dit en crise et où les employeurs rament comme des galériens pour trouver le personnel nécessaire en nombre suffisant et en qualité. Du côté du Mozart et de son futur ex-premier violon on se refuserait donc à considérer que plomber d’impôts les gratifications de ces personnes n’aboutirait au bout du compte qu’à compliquer le recrutement, à dissuader les potentiels candidats d’entrer dans la carrière. Il est vrai que, définitivement, le bon sens ne semble pas être la caractéristique dominante de leurs réflexions et décisions. Taxer le pourboire du serveur aujourd’hui, demain la sébile du SDF, après-demain le tronc de la basilique sainte Euphrosyne. Il faut des sous, il est vrai. L’homme, le prédicateur de Matignon bientôt en partance pour retrouver la riante vallée de Betharram nous l’a dit et redit dimanche dernier lors de son office dominical à l’heure des vêpres, à moins que ce ne soit celle des complies. Cela avait en effet un petit air, oui, de sermon, avec menaces des foudres de l’enfer en cas d’insoumission des brebis jusqu’alors égarées. Ne manquait à la liturgie le toujours très émouvant et édifiant mea-culpa. Vous savez, le « c’est ma faute, ma très grande faute ». Manifestement, cette humilité-là n’est pas dans le répertoire du servant du jour. Le pécheur, c’est l’autre. Les autres. Comme l’enfer chez Sartre, quoi. Ces débiles de Français qui toutes ces années ont voté les budgets de la dette. Car, c’est bel et bien ce qu’ils ont appris dimanche : ce ne sont pas l’orateur et ses disciples Modem qui, année après année, ont voté et creusé le gouffre mais vous et moi, les Français.

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Je suppose que si le Mozart évoqué avait assisté à la scène, il eût applaudi à tout rompre. Mais il avait mieux à faire. Il avait à s’occuper du salut du vaste monde, de cultiver le lopin de terre politique qui semble lui rester, l’international. Deux chantiers, en ce dimanche. Un sommet franco-allemand, une broutille, sans doute, et apparemment, d’une tout autre importance, la finale, chez nous en France, d’un championnat du monde d’un jeu de cartes très oriental, le Yu-Gi-Oh!  J’avoue ignorer totalement ce qu’est ce jeu de Yu-Gi-OH! en étant resté culturellement aux finales de championnats de belote coinchée à Pérouville-la-Feuillue et autres charmantes bourgades franco-françaises.

Je ne doute pas que cette discipline puisse avoir elle aussi son Mozart. Aussi, me dis-je que celui de la finance pourrait, le moment venu, libéré de ses harassantes obligations hexagonales, ambitionner le titre. Doublé historique, à n’en pas douter. Son ego y trouverait assurément son compte. Le gaillard s’est fait filmer en bras de chemise, saluant la manifestation, affirmant combien la France était honorée de l’accueillir. Ça, c’était pour les convenances. En fait, il tenait avant tout à exhiber sa carte – un dragon, me dit-on – histoire de bien faire comprendre aux compétiteurs que lui-même était chaud bouillant, qu’il s’apprêtait à descendre dans l’arène et qu’il allait falloir compter avec lui.

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Bref, je pense que, devant ces images dominicales, celles du Mozart et de son premier violon, ils étaient quelques-uns à se dire que, pour ce qui est de rejoindre les compétiteurs de Yu-Gi-Ho et les charmes de Betharram, le plus tôt serait le mieux.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

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