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Boomers contre zoomers: c’est Nicolas qui paye?

Bernard, Chantal, la dette publique et la guerre des générations


Boomers contre zoomers: c’est Nicolas qui paye?
Image d'illustration DR.

Après les propos du Premier ministre Bayrou, le débat national s’anime sur la responsabilité des « boomers » dans le creusement de la dette…


« Vous vivez comme si vous étiez destiné à vivre éternellement ; aucune pensée pour votre fragilité ne vous vient à l’esprit, vous ne tenez pas compte du temps qui s’est déjà écoulé », disait Sénèque. Dans le conflit générationnel entre les « boomers » et les générations qui les ont succédé, se faisant jour au plus fort d’une crise de la dette prévue et prévisible de longue date, l’un des principaux reproches fait à ces derniers est qu’ils ont profité d’une vie plus clémente, globalement plus agréable : plein emploi, immobilier accessible, criminalité modérée et autres joyeusetés. Ils en ont profité sans penser aux conséquences, sans même avoir à l’esprit qu’eux aussi allaient disparaitre. 

Loto générationnel

Il faut l’admettre, les boomers nous gonflent. Ils ont gagné au loto générationnel. Et par-dessus le marché, se montrent-ils égoïstes, jouisseurs, donneurs de leçons devant l’éternel. Étant désormais des « schnocks », comme l’excellente revue du même nom, ceux qui furent longtemps synonymes d’éternelle jeunesse sont devenus des morts en sursis, rejetés par leurs enfants et leurs petits-enfants. Ils sont même caricaturés en « Bernard et Chantal », moqués avec ce même humour cynique qu’ils ont utilisé pour pourfendre leurs propres parents, les détruire à l’aune de la fin de l’histoire qui repointe désormais son nez à la porte de la France.

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Il fut donc surprenant d’entendre François Bayrou s’attaquer ainsi frontalement aux « boomers », cette clientèle électorale si appréciée des partis politiques. Le Premier ministre, tel un condamné à mort assénant ses dernières vérités à un entourage familial sidéré, n’y est pas allé par quatre chemins en expliquant que « ce seront les plus jeunes des Français, qui devront payer la dette pendant toute leur vie » et que les seuls à ne pas le comprendre étaient au fond ces « boomers qui considèrent que tout va très bien » du haut de leurs pensions bien assises sur la multipropriété immobilière – que, bien sûr, ils rechignent à transmettre à leurs enfants qui hériteront à soixante ans largement passés.

Quelle époque

Si l’analyse est en partie exagérée, elle n’en recèle pas moins une large part de vérité. Mais les « boomers » n’ont pas fait seuls le choix des retraites par répartition, de la dépense publique massive, du système d’assistance, et, plus généralement, du corset fiscal qui emprisonne désormais la France. Tout au plus peut-on leur reprocher d’avoir participé au zeitgeist dépensier et irénique des années 80 mitterrandiennes qui ont conduit la France là où elle se trouve aujourd’hui : dans une zone de dangerosité extrême pour sa prospérité future. Reste qu’il ne suffit pas de pleurer sur le lait renversé, comme diraient les boomers. Il faut agir au présent. Et le présent impose, c’est vrai, de revoir de fond en comble le modèle de financement de l’État français… qui repose beaucoup trop sur « Nicolas » et ses indécentes contributions fiscales.

La levée de bouclier contre François Bayrou fut d’ailleurs massive. Pascal Praud ou Henri Guaino y sont notamment allés de leurs saillies rageuses. Sans compter, évidemment, les voix venues de la gauche. Les « boomers » sont particulièrement urticants pour la jeunesse d’aujourd’hui, sûrement plus prude et moins rêveuse – et pour cause. Ils ont évité les années Sida, rap, télé-réalité, terrorisme islamiste et influenceurs Tiktok. Il y a de quoi être jaloux. Dans les années 60 et 70, tout était moins cher. Une montre de luxe ne vous coûtait pas le quart de ce qu’elle vaut aujourd’hui. Quant à l’immobilier, n’en parlons même pas ; les classes moyennes pouvaient acheter un appartement dans Paris intramuros sans aucune difficulté particulière.

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Vu de 2025, se souvenir du pouvoir d’achat du passé semblerait presque irréel. Ils avaient de quoi être heureux nos braves « boomers », et leurs parents avec. Quelle époque aussi pour le masculin occidental… Une ère bénie des dieux qu’on pourrait résumer en une image, celle de Jean-Pierre Marielle jaugeant le superbe derrière de Jeanne Goupil dans Les Galettes de Pont-Aven. James Bond n’était alors pas encore un culturiste imberbe, et les sex-symbols des gamins jouant dans des séries télévisées de la Walt Disney Company ou des « instagrameurs » narcissiques.

Le « progrès » ne se conjuguait alors pas avec la violence aveugle et les restrictions, les privations, la chape de plomb du politiquement correct, le règne des imberbes et des tatouages, les lives de Jean Pormanove ou les débats stériles en boucle à la télévision. Il est d’ailleurs fort possible que les « zoomers » nous fassent regretter les « boomers ». Ces derniers avaient au moins pour eux de produire du bon cinéma et de la bonne musique. Pour autant, leur fin de règne médiatique a aussi quelque chose d’assez jouissif. Ils ont si longtemps confisqué tout débat, genre d’enfants-rois aux certitudes acquises par le mérite de la naissance, qu’il y a un parfum de vengeance bienvenu dans le petit théâtre médiatique qui se joue présentement.

Démagogique ? Sûrement. Mais il serait temps de penser de nouveau la société française autour de la transmission future et non plus à l’aune de ses intérêts immédiats. Ce fut la règle durant des millénaires. L’est-ce encore ? On peut en douter. En réalité, c’est la génération entre les boomers et les zoomers qui a déjà payé l’addition et continuera de la payer. Elle a été broyée.




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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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