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La curiosité vagabonde

Samuel Brussel publie « Feuilleton en noir et blanc » aux éditions La Baconnière (2025)


La curiosité vagabonde
Samuel Brussell © D.R.

De Milan à Lausanne, de Paris à Trieste, des grottes de Catulle jusqu’à la maison de Pétrarque, Samuel Brussell poursuit une errance lettrée pleine de surprises. Un vrai Feuilleton en noir et blanc.


Samuel Brussell, trop méconnu, est un écrivain baroque, c’est-à-dire d’une irrégularité bizarre. Il est attentif à l’inattendu. Dans son Métronome vénitien (Grasset, 2013), il voyait en Saint-Marc un possible « centre métabolique » aux trois Rome. Toujours dans la Sérénissime, « avant-poste de l’Empire romain d’Orient », et depuis son Campo Santo Stefano, il observait la lune qui « se réfugiait dans les nuages comme dans le turban d’Allah ». Ses livres ne sont rien d’autre que lui-même – et le dernier ne fait pas exception ! Ses fantômes sont immuables dans son œuvre : Gasparo Gozzi, Stendhal, Averintsev, Brodsky, Ruskin, Byron, Robert Walser, Fellini… Dans Soliloques de l’exil (Grasset, 2014), notre nomade « philosophe » sur la question du capital avec un agent de la finance, à Lausanne, au Café Romand ; à Paris, il plaide pour « un socialisme messianique qui se moque des partis, des slogans et des foules ». Partout, il « goûte à la volupté d’être raisonnablement dans les marges ». Partout, il est, comme l’a dit quelqu’un, la matière de ses livres ; à l’instar de l’auteur des Promenades dans Rome, Brussell croit vraies toutes les anecdotes qu’il entend. Certains dilettantes ont un charme fou. Surtout, parmi eux, celui qui ne se regarde pas écrire : « L’écrivain ne cligne pas de l’œil à son lecteur, ni même à lui-même. Il est le lecteur étranger perpétuellement surpris par son double, son semblable. »

Feuilleton en noir et blanc est tissé de souvenirs, d’historiettes, de conversations, d’anecdotes, de réflexions et donc de surprises. La vie, au hasard ordonné, place sur le chemin de notre pèlerin singulier des saynètes qu’il recueille, qu’il consigne – elles sont autant de rendez-vous : « On se trouve parfois devant une rencontre magique : il suffit de laisser parler, de cueillir une à une les répliques et la créature sort vivante de la glaise. » D’une certaine manière, Brussell, comme un Grec de l’Antiquité, est attentif aux signes des dieux et des déesses : « À l’oratoire de Sainte-Catherine de Sienne, dans une échoppe, je trouve un recueil de lettres de la sainte adressées aux “Autorités politiques, militaires et civiles”. J’entrevois un rai de lumière qui éclaire le dialogue du monde. »

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De Milan à Lausanne, de Paris à Trieste, des grottes de Catulle à Sirmione jusqu’à la maison de Pétrarque dans les monts Euganéens, Brussell pérégrine, ne tient pas en place, voyage dans le temps, ses valises sont ses soldats. Dans les trains, les cafés (il prend des verres de contact) ou les hôtels, il traque un bon mot, réveille un songe, feuilletonne (le titre de son livre est bien choisi). D’un décor l’autre, il change d’humeur comme de chemise, se fond dans le paysage, note l’instant, le sentiment du temps lui-même. 

Vous verrez (comme c’est curieux) : lisez ce petit livre d’une traite et vous aurez la sensation d’avoir engagé une conversation à bâtons rompus avec son auteur devenu un ami.

Samuel Brussel, Feuilleton en noir et blanc, La Baconnière, 2025, 160 pages.

Feuilleton en noir et blanc

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écrivain et critique littéraire

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