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L’Algérie acceptera-t-elle la main tendue par le roi du Maroc?

Maroc-Algérie : une offensive diplomatique inattendue


L’Algérie acceptera-t-elle la main tendue par le roi du Maroc?
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, assiste à la cérémonie de remise des diplômes des officiers cadets à l’Académie militaire de Cherchell, 11 juillet 2025 © apaimages/SIPA

Mohammed VI surprend et prend le peuple algérien à témoin.


Les relations entre le Maroc et l’Algérie sont difficiles depuis plusieurs années. Les frontières sont fermées depuis 1994, en raison notamment de la question sahraouie, sensible pour la monarchie chérifienne. Du reste, la reconnaissance par la France, en 2024 à la même période, de la souveraineté marocaine sur cette région a provoqué l’ire du régime algérien.

Comme chiens et chats

Les petites avanies sont d’ailleurs récurrentes, déclenchées notamment lors de compétitions sportives ou de sommets internationaux. Ainsi, en 2022, Alger accusait le Maroc d’implication directe dans les feux de forêts ayant touché le nord du pays…

Cela avait même conduit le président Abdelmajid Tebboune à demander une « révision radicale » des relations ainsi que l’envoi de patrouilles à la frontière. Lors de la Coupe du monde de football de la même année, où le Maroc atteint une historique place en demi-finale, première pour un pays africain, la télévision algérienne ne diffusa pas les résultats. Des faits bien moins anecdotiques qu’ils n’y paraissent, révélateurs d’une profonde inimitié et d’une intense opposition géostratégique entre les deux puissances d’Afrique-du-Nord. Des cas plus graves sont aussi à rappeler, à l’image des touristes franco-marocains tués en mer alors qu’ils se promenaient en jet-skis et s’étaient perdus dans les eaux territoriales algériennes.

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Peu d’observateurs s’attendaient donc à ce que Mohammed VI « tende la main » à l’Algérie, au plus fort des tensions. Il l’a pourtant fait en disant : « Le peuple algérien est un peuple frère, que des attaches humaines et historiques séculaires lient au peuple marocain. » Il a aussi indiqué avoir « constamment tendu la main en direction de nos frères en Algérie ». C’est une manœuvre habile qui pourrait d’ailleurs aider la France, actuellement en grandes difficultés dans ses relations avec le régime algérien qui détient notamment le journaliste sportif Christophe Gleizes et l’écrivain Boualem Sansal dans ses geôles.

Depuis le mouvement du Hirak, le régime algérien s’est crispé. Le fait que le Roi du Maroc joue la détente est donc intelligent. Ahmed Azizar, directeur de la recherche de l’Institut marocain d’intelligence stratégique décrit la situation avec une certaine acuité : « Le timing de cette main tendue du Roi Mohammed VI est contre-intuitif. C’est précisément au moment où le Maroc a clairement distancié l’Algérie sur le plan économique et diplomatique que Mohammed VI choisit d’appeler à nouveau au calme et à la réconciliation, en prenant le peuple algérien à témoin ».

Gérontocratie algérienne

La stratégie algérienne est souvent inverse. Le pouvoir désigne dans ses médias des dérivatifs et des boucs-émissaires à la colère d’une jeunesse frappée par le chômage endémique et des conditions de vie de plus en plus difficiles, voire liberticides. En tête ces derniers temps la France, mais le Maroc n’est jamais loin derrière. Il s’agit pour Alger de trouver des motifs d’énervement autres que la politique menée actuellement, le peuple ayant légitimement la tenace impression d’être gouvernée par une gérontocratie aux objectifs anachroniques, multipliant les provocations diplomatiques et les sorties de route.

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En réalité, le Maroc positionne ici la « réconciliation » entre sa monarchie et la république voisine comme un objectif régional, voire civilisationnel, bien plus que comme une exigence conjoncturelle. En effet, Rabat n’a pas besoin de renouer ces liens de manière artificielle, n’entretenant pas de dépendance économique avec son voisin ni n’ayant besoin de son appui dans ses zones d’influence. La stratégie diplomatique marocaine marche. Sur la question du Sahara, le royaume vient d’obtenir les soutiens explicites du Royaume-Uni et du Portugal à sa proposition d’autonomie.

Le discours de la fête du trône dévoilait aussi des objectifs ambitieux en matière de développement territorial ainsi que de mise à niveau sur les questions d’éducation et de santé. Se voulant puissance régionale tournée vers l’Afrique, et entretenant des rapports de bonne intelligence avec la France ainsi que l’essentiel des pays européens, le Maroc montre la voie à l’Algérie. Abdelmajid Tebboune saisira-t-il cette opportunité ? Il est permis d’en douter.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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