Mes nuits avec Valérie, Nicolas, François et les autres


Mes nuits avec Valérie, Nicolas, François et les autres

hollande trierweiler royal

Ils ont voulu déballer ? Tant pis pour eux, déballons. Déballons tout. Étaler le sanctuaire de son intimité sur tous les murs de la ville, rien de plus nauséeux. À quel degré de déchéance ne faut-il pas dégénérer pour s’avilir à ce point ? Mon grand-père, qu’Allah ait son âme, m’avait inculqué un précepte : notre nom ne doit apparaître dans les gazettes que trois fois, à la naissance, au mariage, au décès. J’ai retenu, je m’y suis tenu. Mais là, plus possible. Ils l’auront voulu, ils s’en repentiront. Je ne citerai aucun nom, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

J’ai fait connaissance de Valérie T. en reportage au Darfour. Elle travaillait pour Paris M. Son 4 × 4 était en panne au bord de la piste sablonneuse. Le mien, fonçant tel un bolide, s’arrêta pour la dépanner. Elle m’a supplié : je suis seule et j’ai peur, prenez-moi, par pitié. N’écoutant que mon cœur, je l’ai accueillie à bras ouverts. Sans moi, que serait-elle devenue ? Prise en otage. En chemise orange, égorgée sous les caméras. Pleurée sous tous les cieux. Des épreuves pareilles, on a beau dire, ça crée des liens. Pour nous remettre des nos émotions, nous avons fait un crochet sur une plage du Darfour célèbre pour son vin rosé et ses paillotes de passe.

Engagée avec cette ferveur, l’aventure a tourné à l’idylle dès notre retour à Paris. J’étais marié, elle aussi.[access capability= »lire_inedits »] Pour tout dire, je n’avais nullement l’intention de sacrifier mon train-train familial pour une amourette qui passait par là. Elle, elle était raide dingue de moi. J’avais beau lui faire valoir que son époux, plus beau, plus riche, plus intelligent que moi, avait les dents plus longues que les miennes, elle ne voulait rien entendre. Elle préférait les dents courtes et même les « sans-dents ». (C’est elle qui a inventé cette formule idiote, pas moi.) J’étais l’homme de sa vie, nous devions refaire notre vie. Elle a gagné, les femmes gagnent toujours. Nous avons emménagé dans un petit mais bel appartement rue du Faubourg-Saint-Honoré.

Ne voilà-t-il pas qu’un soir, à la terrasse d’un café du Marais, nous rencontrons un homme d’âge mûr qui justement avait ses bureaux dans la même rue où il travaillait président de je ne savais quoi. Président d’un business jadis florissant mais ces temps-ci en capilotade. L’affaire était si pourrie que François H., comme on l’appelait, était tombé dans un état de dépression avancée. Lui et moi, nous nous sommes retrouvés dans le backroom. (J’avais promis que je lâcherais tout, je tiens parole.) Les backrooms, les garçons, c’est pas mon genre. Mais ce coup-là, son visage désespéré m’a fait fondre.

Nous avons retrouvé Valérie sur la terrasse, l’air de rien. Elle s’est tout de suite doutée de quelque chose. L’instinct féminin ! Retour à la maison, elle me fait une scène. Je suis sûre que… Mais non, ma chérie, qu’est-ce que tu vas imaginer ? Moi ? Ça ? Jamais ! J’ai rien contre, mais je déteste. Tu mens, je vois que tu mens. Me tromper avec un homme, c’est pire qu’une femme. Comment veux-tu que je m’aligne devant un truc pareil. Je vois bien comment faire mieux qu’une gonzesse, mais mieux qu’un mec, c’est pas possible. J’aurais beau essayer, j’y arriverais jamais.

Elle sanglota dans mes bras toute la nuit. Je finis par admettre que j’avais un peu flirté avec le président, rien de plus. Je te jure mon amour, rien que par pitié, il était si malheureux. Elle m’a pardonné en se persuadant qu’un garçon, finalement, c’était moins grave qu’une fille.

J’ai revu François, revu encore et encore. Jamais je n’avais éprouvé telle passion. Il était fou de moi. Je l’avais dans la peau. Il était très accaparé, tout le temps en voyage d’où il me bombardait de SMS. Valérie nous espionnait sans répit et volait mon téléphone pour recopier les 728 SMS. On se retrouvait dans un studio rue du C. où il arrivait sur le siège arrière de son garde du corps, dont j’étais un peu jaloux. Un jour, un photographe, dépêché par elle, a pris un cliché qu’elle m’a brandi en éructant. C’en était trop. Le soir même, d’un texto en 325 signes, je lui ai signifié la rupture. C’est là que le drame commence.

La notoriété de François H. s’étendait assez largement. Il comptait même parmi les peoples favoris du moment. Valérie entreprit de communiquer à la presse toute notre histoire à doses progressives. Chaque jour nous étions à la une des journaux, à l’ouverture des JT. Quand ils apprirent que j’étais un homo, comme ils disent, mes enfants bondirent de joie. Mes parents se sentirent déshonorés. Tu n’es plus notre fils. Au boulot, mes ex ricanaient, les autres m’approchaient.

 

Tous se demandaient pourquoi Valérie mettait tant de rage à se venger. L’explication par le fric ne leur convenait pas. Pourquoi ? Le doyen du bureau, un vieux monsieur qu’on aurait dû envoyer à la retraite depuis longtemps, fit entendre sa voix tonitruante : « Vous ne comprenez donc pas qu’elle souffre à en mourir. Le seul remède à sa douleur c’est de faire souffrir l’autre, qu’il en bave autant qu’elle. Que le mal vienne d’elle ou d’ailleurs, elle s’en contrefout. Pourvu qu’il déguste. Qu’il meure de préférence. Si elle était sûre de ne pas finir en prison, elle le tuerait, c’est sûr. Il faut que sa présidence tombe en ruine, que ses amours se déchirent, qu’il se retrouve dans le ruisseau sans un sou, qu’il implore les passants. Là, elle ira le secourir, elle lui pardonnera et elle le laissera tomber pour qu’il gémisse encore et encore. Autant qu’elle aujourd’hui, plus qu’elle. Tant qu’il ne sera pas supplicié, elle crèvera de douleur. N’y voyez aucune vengeance, seul l’habite le besoin d’apaiser son propre mal. »

Pour François, ce fut terrible. J’appris finalement qu’il était vraiment président, président de la présidence. Ça ne m’a pas ému, je pensais bien qu’il me cachait un détail. Les journalistes se déchaînèrent. Pas tant pour les mœurs que, disaient-ils, pour les faiblesses de caractère que sa vie privée révélaient. Un homme incapable de décider. Les actions de Nicolas S. grimpèrent au plus haut. Mais François avait plus d’un tour dans son sac.

Un reporter de Mediapart fut invité à l’Élysée où un attaché de cabinet lui confia qu’en 2008 le président avait eu une affaire avec Nicolas S., lequel avait brutalement mis un terme à la liaison. Ce fut pour se venger que François se lança dans la présidence. Un incident dans un hôtel new-yorkais lui fut propice. Alors là, le boucan que ça fit, je vous dis pas. Redoublement de scandale lorsqu’on apprit, photos à l’appui, que François H. et Nicolas S. s’étaient un jour aimés. Denis Maniouchan, inconnu au bataillon, fut élu.

Le vieillard, au fond de la salle de rédaction, éleva de nouveau la voix : Churchill et Hitler, même chose. Comme souvent, les choses ont mal tourné. Staline et Trotski. Mme Thatcher et de Gaulle. Golda Meir et Nasser. Kennedy et Marilyn. César et Cléopâtre. Ne savez-vous donc pas que tout le monde couche avec tout le monde ? C’est notre condition humaine. La vie a besoin de toucher la vie. Si on en parle tant c’est que personne n’a encore trouvé le moyen de bien le faire.[/access]

*Photo : Francois Mori/AP/SIPA. AP21505858_000001.

Octobre 2014 #17

Article extrait du Magazine Causeur



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Guy Sitbon, ex-journaliste au Nouvel Obs, est chroniqueur à Marianne.

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