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Lettre à Fadela


Lettre à Fadela

Sincèrement, au départ, je n’avais aucune sympathie pour toi, Fadela. Je te tutoie parce que tu tutoies tout le monde, et pas par manque de respect pour tes fonctions ministérielles. Seulement, mes élèves de Roubaix qui te ressemblaient par leur mélange de niaque, d’arrogance, d’intelligence, d’énergie et au bout du compte, de tendresse, je les vouvoyais. Je n’étais pas agent de la BAC, tu comprends, j’étais prof.

Que l’anti autoritarisme simpliste de certains bien-pensants nous aient mis dans le même sac, flics et profs, c’était de bonne guerre. Si Sarkozy, ton idole, a vu trop de flics qui ressemblaient à des profs, j’ai vu, moi, trop de profs qui ressemblaient à des flics. Des flics du pédagogisme libéral-libertaire, mais des flics tout de même. Pires peut-être, dans leur genre.

Fadela, si je n’avais pas trop de sympathie pour toi, ce n’était pas simplement pour ton ralliement avec armes et bagages au sarkozysme. Et encore, te retrouver un temps, dans le même gouvernement et même dans le même ministère qu’une Christine Boutin, ce n’est pas ce que tu as fait de pire. Les médias ont voulu opposer la fille des banlieues à la défenderesse des valeurs catholiques. Sauf que Christine Boutin, tu vois, je me suis senti plus souvent proche d’elle que de toi. Oui, moi, l’athée marxiste, j’entendais davantage ce discours sur une culture de la vie, sur le refus de considérer les détenus comme des sous-hommes, sur l’économie au service de l’homme et non le contraire, sur ses sympathies pour Attac.

En revanche, tu vois, que tu aies accepté d’entrer dans un gouvernement où un ministre avait et a toujours, même si le titulaire a changé, dans l’intitulé de ses fonctions « L’identité nationale », ça, ça ne passe pas.

Fadela, toi tu arrivais avec l’aura de « Ni putes ni soumises ». Un combat indispensable sur le fond et désastreux sur la forme : un scoutisme sexuel qui renvoyait les hommes à une saloperie métaphysique de bousculeurs de gonzesse par essence, tandis que, comme tous les analphabètes en matière du marxisme, vous refusiez de poser problème en termes de classes, et dire tout simplement que si le prolo dominé a encore une prolette à dominer, c’est la beurette.

À mon avis, c’est cet analphabétisme marxiste (tu venais du PS, c’est normal…) qui a facilité ton entrée au gouvernement. Tu étais la sociétale idéale puis que tu ne parlais jamais de social. En plus, tu rassurais tout le monde. Ce que j’ai pu détester ton « parler banlieue », alors que mes quelques collègues encore républicains tentaient d’expliquer, précisément « qu’on ne parle pas comme ça », surtout si on veut s’approprier les codes des dominants, que « parler banlieue », c’est parler comme on attend que vous parliez pour rassurer le bourgeois sur l’ordre des choses. À se demander désormais, vieux problème de la poule et de l’œuf, si c’est le TF1 qui donne la parole au Zyva ou si c’est le Zyva qui imite TF1 parlant le zyva.

Bon, Fadela, tout ça pour te dire que je vais cesser de faire la fine bouche et soutenir tes déclarations sur la burqa : « La France, patrie d’un islam progressiste, se doit de combattre la gangrène, le cancer que représente l’islam radical qui déforme complètement le message de l’islam. La burqa ne représente pas simplement un morceau de tissu mais la manipulation politique d’une religion qui réduit les femmes à l’esclavage et va à l’encontre du principe d’égalité entre les hommes et les femmes. »

Tu vois, parfois, ce n’est pas compliqué, le courage. D’une part, tu dis que l’islam n’est pas intrinsèquement pervers, enfin pas plus que toutes les autres religions qui sont un genre de publicité théologique, ou, pour reprendre les termes du Vieux, l’opium du peuple. Et de l’autre, tu réaffirmes clairement ce qu’il faut réaffirmer : la République ne transige pas avec l’égalité.

Et tu as remarqué ? Tu l’as fait en parlant français, pas zyva.

Tu commencerais à te rendre compte des pièges dans lesquels les communautarismes voudraient te faire tomber que ça ne m’étonnerait pas.

C’est le métier qui rentre.

Et sur ce coup-là, je te souhaite bonne chance.

En attendant, camarade ministre, de vous retrouver au Front de gauche.

Septembre 2009 · N°15

Article extrait du Magazine Causeur



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