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Projet de loi douanes: le «very bad trip» des douaniers

Une tribune libre du député Alexandre Sabatou (RN)


Projet de loi douanes: le «very bad trip» des douaniers
La douane lutte contre le trafic de tabac à la frontière espagnole, en décembre 2022. © PASCAL RODRIGUEZ/SIPA

Dans cette tribune, Alexandre Sabatou, ancien ingénieur attaché à la douane, estime qu’en enjoignant, lors de leurs fouilles, les douaniers à justifier de « raisons plausibles de soupçonner la commission d’infraction », on les empêche de remplir leur mission.


« La lutte contre le trafic de drogue est plus que jamais la mère de toutes les batailles », affirmait Gérald Darmanin, en avril dernier. À ce coup de menton de plus, les dealers répondent par un coup de kalach’ de trop. Trop de drogue, trop de consommateurs, trop de morts. Le trafic de drogue pèse plus de trois milliards d’euros, emploie « officiellement » 21 000 personnes[1] et ne cesse de s’étendre de plus en plus, répandant sa spirale d’ultra-violence, y compris dans des villes moyennes jusque-là épargnées comme Cavaillon, Valence et récemment Nîmes où une médiathèque a été contrainte de fermer ses portes. Les zones de non-droit pullulent, n’en déplaise au ministre de l’Intérieur qui nie leur existence.

Mexicanisation en marche

Mais, face à cette mexicanisation en marche de la France, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de présenter un projet de loi qui vient encadrer le droit de fouille des douaniers. Le texte, qui arrive en séance publique à l’Assemblée ce lundi 19 juin et pour lequel je suis l’orateur pour le groupe RN, suit l’avis du Conseil constitutionnel qui, en septembre dernier, avait remis en cause l’article 60 du Code des douanes, article qui autorise le contrôle libre et sans contrainte des marchandises et des personnes. L’argument avancé : ce droit de contrôler menace les libertés fondamentales d’aller et de venir…

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Sous prétexte de donner plus de moyens aux douaniers – de la formation à l’usage de drones -, le gouvernement, aux excès orwellien, s’apprête en réalité à démanteler toute une profession qui représente 18 000 agents responsables d’une grande partie de la saisie de drogue en France. En effet, l’une des mesures phares de ce texte est d’obliger les douaniers à justifier des « raisons plausibles de soupçonner la commission d’infraction » en amont des contrôles effectués à plus de 40 km de la frontière (par exemple aux péages, sur des départementales…) ce qui rend de facto impossible les contrôles aléatoires pratiqués selon le « flair » du douanier et qui sont au fondement même de leur métier. C’est en contrôlant au hasard que les douaniers ont pu aussi découvrir des techniques de dissimulation opérées par les trafiquants comme l’utilisation des « mules ». Cette obligation de rendre compte des raisons plausibles revient à ouvrir la porte aux contentieux avec des trafiquants qui pourront toujours contester la légitimité du contrôle. À cause de ce texte du gouvernement, le délinquant va donc pouvoir se réfugier derrière le droit contre les douaniers. Rappelons que la douane est l’un des services les plus actifs dans la lutte contre le trafic de drogue, notamment international, en réalisant 50 à 70% des quantités saisies chaque année[2].

On n’a pas encore vu de « go fast » en calèche !

Après la limitation du droit de contrôler, vient la limitation d’intervenir, avec la réduction du périmètre d’action des douaniers qui sera désormais fixé à 40km de la frontière au lieu de 60km aujourd’hui. Peu importe si les distances sont parcourues plus rapidement que dans le passé. Les 40km autorisés se rapprochent ainsi des 20Km, périmètre instauré à la création des douanes en 1791, sachant qu’à l’époque les calèches n’allaient pas à la vitesse d’un Hummer ou d’un Cayenne en opération go fast !

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Enfin, la douane qui était jusqu’à présent autonome et qui a toujours travaillé en amont de la procédure judiciaire, va être mise sous la tutelle du procureur de la République. Avec ce projet de loi, les douaniers devront dorénavant informer le procureur de tous leurs contrôles et ce dernier pourra s’y opposer sans aucune justification. Alors que leur métier nécessite d’aller vite, le gouvernement répond par la bureaucratie. Cas concret : si les douaniers saisissent deux kilos de stups, sans information au préalable du parquet, la marchandise ne suffira pas pour sceller la procédure. En arrivera-t-on au point où ce sont les douaniers qui devront déclarer avant ceux qu’ils sont censés contrôler ? Dans le genre inversion des valeurs, on ne fait pas mieux. Ce projet de loi transforme ainsi les douanes en une usine à gaz administrative, dépossède les douaniers de leurs prérogatives de contrôle et de fouille et les prive d’une présence plus grande sur le terrain. Les trafiquants peuvent donc continuer à dormir sur leurs deux oreilles, l’État veille sur eux, puisqu’au nom du droit, les zones de non-droit déjà très nombreuses, risquent encore d’augmenter.

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[1] Chiffre cité par Stéphanie Cherbonnier, directrice de l’Office anti-stupéfiants (OFAST), même si certains experts, comme le journaliste Frédéric Ploquin, évoquent carrément des chiffres de l’ordre de 240 000.

[2] Source : La guerre de l’ombre de Claire Andrieux



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Député Rassemblement national de l’Oise. Co-fondateur de l'Avenir français

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