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Sanna Marin, la chute d’une icône progressiste

L’homme de droite Petteri Orpo pourrait lui succéder, en s’alliant aux « Vrais Finlandais »


Sanna Marin, la chute d’une icône progressiste
De gauche à droite, Riikka Purra (Parti des Finlandais), Petteri Orpo (Parti de la coalition nationale) et Sanna Marin (Parti social-démocrate), sur le plateau de télévision de la télévision publique YLE, Helsinki, 30 mars 2023 © Antti Aimo-Koivisto/AP/SIPA

Première ministre de centre-gauche de la Finlande, Sanna Marin a été finalement évincée du pouvoir au profit de l’opposition de centre-droit, au terme d’un scrutin très serré. Figure de proue des progressistes de tout poil, elle laisse derrière elle un bilan que nous qualifierons poliment de contrasté, et a permis aux nationalistes de devenir les «faiseurs de rois» de cette élection.  


Élue Première ministre social-démocrate de la Finlande en 2019, à peine âgée de 34 ans, Sanna Marin avait suscité de nombreux espoirs pour tous les progressistes du monde entier qui l’ont vite érigée au rang d’icône internationale. Appelés à renouveler le parlement, dimanche 2 avril, les Finlandais ont décidé de la sanctionner, reléguant son parti à la troisième place, tout juste derrière le centre-droit (parti de la Coalition nationale) et l’extrême-droite (les Vrais Finlandais). La défaite est d’autant plus amère pour Sanna Marin que quelques milliers de voix séparent à peine chacun des trois finalistes de ce scrutin qui a tenu en haleine ce pays d’Europe du Nord. 

Success story des fjords

Tout avait pourtant bien commencé pour Sanna Marin, illustration d’une « success story » à la nordique. Née au sein d’une famille pauvre, elle effectue de brillantes études tout en travaillant. Prise de passion pour la politique, entrée au mouvement jeune des sociaux-démocrates en 2006, elle gravit très rapidement les échelons de ce parti dont elle devient la vice-présidente quatre ans plus tard. Une ascension sociale qui fait alors l’admiration de tous. Conseillère municipale de Tampere, la ville où elle a grandi, Sanna Marin obtient un siège au parlement en 2015 avant d’être nommée ministre des Transports. Femme de caractère, charismatique, elle est choisie pour succéder au Premier ministre Antti Rinne, victime d’un vote de confiance au sein de la coalition qu’il dirigeait.

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Très vite, Sanna Marin impose son style et n’hésite pas à se mettre en scène avec sa famille. Encensée pour sa gestion efficace du Covid-19 où elle prend des mesures qui permettent de contenir efficacement le virus, cette féministe (qui a renforcé les lois pour l’égalité des sexes) n’hésite pas à secouer la diplomatie internationale. Le « commerce n’est pas une excuse pour ignorer les atrocités » déclare la Première ministre à propos de la minorité ouïghour persécutée par Pékin. À la tête d’une coalition dont la particularité est d’être composée de partis politiques qui sont tous dirigés par des femmes, Sanna Marin va jusqu’à s’attirer les foudres de Moscou lorsqu’elle annonce à la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, que la Finlande rejoindra l’OTAN. Une décision soutenue par 80% des Finnois et qui dessine un tournant historique pour le pays, réputé pour sa neutralité. Elle va même jusqu’à signer un accord de partenariat avec Kiev afin de l’aider à se reconstruire dès la fin de la guerre, véritable pied de nez au président Vladimir Poutine. 

Une fêtarde

Classée parmi les 100 personnes les plus influentes du monde, elle n’échappe pourtant pas aux polémiques. Au cours de l’été 2022, des vidéos fuitent et se retrouvent dans la presse et sur les réseaux sociaux. Elles montrent la Première ministre faisant la fête et dansant dans un appartement d’Helsinki, la capitale finlandaise, visiblement éméchée. La droite dure se rue alors sur la chef du gouvernement, contraint Sanna Marin à faire un dépistage de drogue (qui s’avère finalement négatif) et de se justifier publiquement. Une communication maladroite rappelle alors une autre affaire qui avait touché sa ministre des Finances quelques années plus tôt. Après avoir organisé un sondage sur Instagram afin de savoir si les femmes et les enfants de Daesh pouvaient être autorisés à se réinstaller en Finlande, Katri Kulmuni avait dû présenter ses excuses face au tollé que cela avait suscité de part et d’autre de la classe politique et de la société civile. Cette même ministre avait ensuite dû démissionner, en 2020, soupçonnée d’avoir touché des commissions de la part d’une société de conseil privé…

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Accusée d’avoir fait exploser la dette publique en dépensant sans compter, Sanna Marin a concédé sa défaite et doit désormais expédier les affaires courantes avant qu’un nouveau gouvernement ne soit formé. Habituellement, c’est le vainqueur des élections qui accède au poste de Premier ministre si celui-ci arrive à réunir une majorité au parlement. Contre toute attente, Petteri Orpo, le leader du centre-droit, a annoncé qu’il était prêt à gouverner le pays avec les Vrais Finlandais et un petit parti mineur. Bien que ce ne soit pas la première fois que ces deux partis gouvernent ensemble (2015-2019), cette nouvelle coalition pourrait mettre à mal les relations que la Finlande entretient avec Bruxelles. Bien que dirigé par une ancienne écologiste (Riikka Purra), et bien qu’il ait changé sa position vis-à-vis de l’OTAN (proposant que l’adhésion à l’organisation atlantiste soit soumise au référendum), le mouvement national-conservateur finlandais ne cache pas son hostilité à l’Union européenne, à toute politique migratoire et aux idées LGBT. Un échec cuisant pour Sanna Marin.




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Journaliste , conférencier et historien.

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