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Le prix de notre liberté ou le gouvernement par la peur


Le prix de notre liberté ou le gouvernement par la peur
Site Gazprom à Novy Ourengoï, Russie © Zucchi Uwe / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP

La guerre russo-ukrainienne a bon dos… L’inefficacité des sanctions économiques contre la Russie est un excellent prétexte permettant à nos dirigeants politiques de tuer dans l’œuf toutes les contestations, et prépare les citoyens à de futures restrictions de toute façon prévisibles. Analyse.


La France vit un été particulièrement chaud, mais c’est déjà l’hiver qui est dans tous les esprits en raison de l’envolée des prix de l’énergie et du risque de pénurie qui se profile.

Au commencement était le gaz

Le contrat à terme du TTF néerlandais, référence du marché européen du gaz naturel, cote au-dessus de 300 euros le MWh. Un prix multiplié par 15 depuis 2020. Certes, la guerre russo-ukrainienne y est pour quelque chose, mais cela ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Les conditions de la hausse étaient réunies depuis longtemps avec : 1) une baisse de l’offre de gaz naturel en provenance des États-Unis ; 2) une demande mondiale en hausse tirée par la volonté de réduire les émissions de dioxyde de carbone, le gaz naturel étant moins polluant que le charbon et le pétrole. Par conséquent, la balance offre/demande est si serrée que se profile même le risque de pénurie. Force est de constater que le marché essaie de corriger ce scénario catastrophe en faisant monter les prix, de telle sorte que la demande se réduise (de force). Ainsi, les entreprises fabriquant des fertilisants (comme Yara) et grosses consommatrices de gaz réduisent en ce moment leurs capacités en fermant des usines en Europe, au risque de provoquer des pénuries d’engrais, éléments clefs dans la fabrication de produits agricoles et donc alimentaires, textiles… on voit bien l’effet d’enchaînement que cela va provoquer.

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À titre d’exemple, les brasseurs pourraient réduire ou arrêter la production de bière en raison d’un manque de livraisons de dioxyde de carbone, sous-produit de la fabrication d’engrais. Enfin, de nombreuses centrales thermiques utilisent du gaz pour produire de l’électricité, et le prix de gros qui sera livré en 2023 a franchi la barre des 1000 euros le MWh (contre 85 euros il y a un an). Le journal L’Echo a calculé un coût mensuel de 660 euros par mois pour un foyer belge. Les consommateurs européens sont donc victimes des conséquences des sanctions contre la Russie. Mais ces sanctions sont-elles efficaces, au moins ?

L’inefficacité des sanctions

Début mars 2022, Bruno Le Maire pérore : « nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe ». Quelques semaines plus tard, Emmanuel Macron ajoute : « l’économie russe est en cessation de paiement. » Des provocations inutiles et mensongères, démontrant une totale méconnaissance de l’économie russe. La Russie est une nation vivant en quasi-autarcie. Elle produit sa nourriture et son énergie localement. Certes, depuis la mise en place des sanctions, certains produits sont plus difficiles à obtenir, mais il ne faut pas oublier que de nombreux pays n’ont pas sanctionné la Russie (Chine, Inde, Brésil, Mexique…) et que la Russie a des accords bilatéraux avec ces pays. Ce qu’achète la Chine aux pays occidentaux, elle peut le revendre ensuite à la Russie.

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De plus, la Russie est l’un des rares pays à avoir un budget équilibré et un niveau de dette faible. Selon Statista, le niveau de dette/PIB devrait être de 17 % en 2022 (contre 112 % pour la France) et le déficit budgétaire de -4 % (contre -5,6% pour la France). La Russie possède plus de 82 millions d’onces d’or, soit l’équivalent de 150 milliards de dollars. La vigueur de la devise russe est à souligner, le rouble continuant de s’apprécier face à l’euro (passé de 150 début mars à 60 aujourd’hui). Et ce ne sont pas les entreprises encore présentes sur le territoire russe qui s’en plaindront, comme le brasseur danois Carlsberg qui a enregistré une croissance de ses revenus de près de 44% au premier semestre 2022 (grâce à l’effet change).

La guerre russo-ukrainienne a bon dos

L’économie russe, loin de s’effondrer, tient bon. En revanche, les européens s’appauvrissent. Aussi lorsque le président Macron déclare que nous devrons « accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs », de qui se moque-t-on ? Surtout après avoir autant restreint les libertés durant le Covid ? En mars 2020, il entonnait sur un air martial : « nous sommes en guerre ». Deux ans plus tard, on entend le même refrain : « la guerre est sur notre sol». Les Russes ont remplacé le coronavirus. Emmanuel Macron a une technique bien rodée: le gouvernement par la peur. Dans quel but ? Soumettre, empêcher les contestations et annoncer de futures restrictions. Car la rentrée sera chaude. Les souffrances à venir seront grandes (en raison du poids de la dette et de la hausse des taux d’intérêt).

François Bayrou annonce même la « crise la plus grave depuis la guerre ». Le sage a parlé. Le « quoi qu’il en coûte » est terminé. La « fin de l’abondance » pour les dix millions de pauvres en France. Place désormais à la « sobriété énergétique ». Et c’est un fan de jet-ski qui vous le dit.




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