Accueil Édition Abonné Dans les travées du meeting parisien de Zemmour, qui entend encore créer la « surprise »

Dans les travées du meeting parisien de Zemmour, qui entend encore créer la « surprise »

100 000 citoyens se sont réunis hier pour l'écouter place du Trocadéro


Dans les travées du meeting parisien de Zemmour, qui entend encore créer la « surprise »
Trocadéro, 27 mars 2022 © Lewis Joly/AP/SIPA

Éric Zemmour a réalisé le plus grand rassemblement de la présidentielle, à Paris place du Trocadéro, hier. Mais la plupart des commentateurs préfèrent s’attarder sur l’incident des “Macron assassin” scandés par la foule. Causeur était dans les travées.


La météo était avantageuse. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais Éric Zemmour semble bien avoir réussi son pari. 100 000 citoyens se sont réunis au Trocadéro pour écouter le candidat de « Reconquête ». 100 000, du moins… selon les dires du candidat ! Assurément plusieurs dizaines de milliers en tout cas, la place étant largement pleine. Les sondeurs disaient sa campagne au crépuscule depuis plusieurs semaines, elle attendait une nouvelle aurore…

Éric Zemmour était précédé derrière le pupitre par ses soutiens Marion Maréchal, Nicolas Bay, Philippe de Villiers, Jacline Mouraud, Guillaume Peltier, Laurence Trochu et beaucoup d’autres. Une polémique médiatique est née après que quelques “Macron assassin!” aient été repris un instant par une partie de la foule. Nous allons bien sûr y revenir.

Une bonne droite

Nicolas Sarkozy avait réussi un rassemblement similaire au même endroit en 2012, et la droite s’y était également réunie autour de François Fillon en 2017. Le candidat de « Reconquête » a avant tout promis à ses supporters une « surprise à venir ». « Nous allons déjouer les pronostics », leur a-t-il assuré. « J’ai choisi le Trocadéro pour venir laver les affronts de la droite, les affronts du peuple qui a le sentiment légitime qu’on lui a trop longtemps volé son vote » promettait-il hier. « Nous sommes les seuls à être de droite dans cette campagne. Nous sommes les seuls héritiers d’une droite qui aime la France, le peuple, le travail, l’ordre et l’identité. » Pour réussir son pari, le candidat a renouvelé ses appels à l’aide à des figures politiques de droite qui pourraient se reconnaitre naturellement dans son discours, et les a fait applaudir par la foule : Eric Ciotti, François-Xavier Bellamy, Laurent Wauquiez, Nadine Morano et même Jordan Bardella.

À deux semaines du premier tour, le candidat s’est dit lassé de tous ceux qui trouvent son discours trop dur, trop martial : « certains s’indignent de ma fermeté. Ce qui m’indigne, moi, ce ne sont pas les mots, ce sont les drames quotidiens que vous subissez » s’est-il justifié, ajoutant : « la crainte de la fin de la France, c’est le malheur indéfinissable de se sentir étranger dans son propre pays, l’horreur devant les victimes qui se multiplient, le désespoir devant une classe politique si lâche. »

Catherine et Armelle, militantes issues de LR, se disent déçues par l’abandon des « valeurs sociétales par leur parti ».

A lire ensuite: Éric Zemmour: «J’arracherai la culture aux griffes de la gauche»

Les générations se rencontrent. Antoine, 18 ans, lycéen venu de Dijon, et Michel, ancien dirigeant de société vivant en banlieue parisienne échangent sur les raisons de leur vote. Le premier incrimine l’insécurité et l’immigration ; le second la perdition morale de la société. 

Dans les allées, personne n’est encore prêt à le lâcher. « J’y crois, je suis plutôt confiant. Cela faisait une décennie que je ne votais plus, la dernière fois c’était pour Sarkozy en 2007 » témoigne Alfred, ancien cadre d’Air France venu du Val d’Oise. Il ne se laisse pas décourager par la morosité des sondages : « Vous avez vu les sondages libres sur Twitter ? Les élections se font sur les réseaux sociaux désormais. Les grands médias ne sont plus aussi prescripteurs qu’autrefois » croit-il savoir. Un peu plus loin, le président du comité Trump France, Georges Clément  – lequel regroupe une centaine de supporters français de l’ancien président américain – veut croire à un coup de théâtre le 10 avril : « la situation de Zemmour me fait penser à celle de Trump en 2016, à l’observation notamment de deux éléments : les sondages ridicules qui le donnent balayé et l’ampleur des foules qui viennent l’applaudir. On pourrait revivre la même grande surprise »

On retrouve un peu partout ce mélange de confiance et d’assertivité. Un agrégé d’anglais et ancien directeur de lycée parisien nous détaille sa perception de la confection des sondages par le menu : « quatre électeurs sur 10 peuvent changer d’avis au dernier moment. Nous n’en sommes pas du tout au moment de la cristallisation électorale. Tout peut encore arriver ». Après avoir voté Mitterrand en 1981, Chirac en 1995 et Chevènement en 2002, son choix ne fait en tout cas pas de doute : pour 2022, ce sera Zemmour.

Macron assassin

Quand le candidat évoque les victimes de l’ensauvagement de la société dans son discours, nous avons effectivement bien entendu jaillir des cris « Macron assassin! » quelques instants depuis l’assistance. Comme bien d’autres observateurs présents, nous nous sommes alors retournés vers notre voisin (en l’occurrence, nous, vers Yannis Ezziadi) : « voilà qui est vraiment très con ! »

Plus tard, les journalistes repasseront la séquence en boucle. Sur BFMTV, Philippe Corbé dira : “Vous vous rendez compte de ce que cela veut dire, assassin ? (…) Cela signifie que la foule accuse le président français d’avoir prémédité la mort de Français ?” Derrière l’insulte malheureuse au monarque républicain, les commentateurs n’ont apparemment pas entendu le cri d’une foule excédée par la montée de la violence dans la société française, foule par ailleurs chauffée à blanc par les écrans géants du meeting où étaient diffusés des témoignages de proches de victimes soutenant Zemmour. 

Le candidat assure ne pas avoir entendu ces insultes depuis la tribune. Il écrit aujourd’hui : « Je n’ai pas entendu ce mot dont la presse parle et que je ne cautionne pas. Mais j’ai vu ce dont la presse ne parle pas : j’ai vu 100 000 Français enthousiastes, patriotes et fiers. J’ai vu des Français qui n’en peuvent plus des politiciens et de l’idéologie de gauche ! »

Trop dur sur l’assimilation ?

Il l’avait dit dans le numéro de novembre de Causeur, Zemmour tend toujours la main aux « musulmans qui s’assimilent ». Il a reprécisé dimanche pendant un long moment ce qu’il attendait exactement, et a procédé à un habile renversement accusatoire, rappelant que lui voulait un État qui ne distingue plus les citoyens selon leurs origines, leurs couleurs de peau ou leur religion, contrairement aux autres “politiciens”, notamment de gauche.

Alfred, ancien cadre chez Air France, doute de la valeur des sondages officiels : « J’y crois encore, l’élection se fait de plus en plus sur les réseaux, et de moins en moins sur les grands médias ».

Solennellement, il annonce : “On a souvent joué sur les peurs avec mes propos, alors aujourd’hui au Trocadéro je veux parler directement à nos compatriotes de confession musulmane. Car les journalistes et politiciens vous désinforment et vous mentent. Ils vous font croire que je veux vous empêcher de pratiquer votre religion, c’est faux. Je connais l’islam mieux qu’aucun de mes concurrents. Je connais l’islam comme vous. Vous êtes issus d’une culture que je connais bien (…) car mes ancêtres sont nés en Algérie. Vous venez d’une culture dans laquelle la franchise compte autant que la parole donnée. Alors je sais que vous attendez qu’on vous parle sincèrement, pas comme tous les autres hypocrites qui n’osent jamais vous dire vraiment ce qu’ils pensent. Alors je ne me cache pas et je vous le dis : il y a un problème avec l’expansion de l’islam aujourd’hui en France. Il y a un problème car nos politiciens ont reculé, car ils ont voulu que la France fasse des accommodements raisonnables avec l’islam au lieu de demander aux musulmans de faire des accommodements raisonnables avec la France !” De quoi parle Zemmour ? Pas d’abandonner la pratique de la religion, donc : “Rien ne vous empêche d’être de vrais Français et de vivre votre religion dans le respect des lois et dans la discrétion. Le choix que je vous propose, c’est d’embrasser la culture française, une langue, notre histoire, nos mœurs et notre art de vivre. Je veux croire que c’est possible. Beaucoup de nos compatriotes musulmans ont déjà fait le choix de l’assimilation, et, ceux-là, je le répète, sont nos frères.” En revanche, pour ceux qui n’aiment pas la France et sa culture, le candidat reste cassant : “Si vous ne souhaitez pas être Français, eh bien c’est votre droit. Mais assumez-le ! Je suis honnête avec vous, soyez le avec la France. Ce n’est pas à la France de s’adapter à votre culture, mais à vous de faire vôtre la culture française”.

Beaucoup de jeunes

Parmi ceux venus écouter Éric Zemmour au Trocadéro, certains ne sont même pas encore des électeurs potentiels, il s’agit des nombreux lycéens parisiens de 16 ou 17 ans venus entendre ce « mec » « qu’ils adorent ».

Un public plutôt jeune devant les sculptures de soldats morts pour la France, Trocadéro, 27 mars 2022.

Ou Amine, « de nationalité algérienne », qui se retrouve simplement dans une partie de son discours: « beaucoup de Français ou résidents d’origine maghrébine ne veulent pas être confondus avec l’islamisme ou l’attitude de certaines étrangers ». Le scepticisme n’est jamais avoué même si beaucoup de militants admettent rencontrer quelques difficultés à convaincre leur entourage, notamment chez les sympathisants de la droite conservatrice pur sucre – celle qui devait déjà figurer au Trocadéro pour soutenir François Fillon en 2017. Armelle et Catherine, sympathisantes LR retraitées ayant consenti à nous donner leur âge vénérable, 80 et 79 ans, se disent contrariées « que les LR abandonnent toutes leurs valeurs sociétales ». Leur adhésion est franche : « Zemmour croit en ce qu’il dit et appelle les choses par leur nom ». Incrimineraient-elles certaines convenances bourgeoises, une prudence de la bonne société à rejoindre cet homme par qui le scandale arrive ? « Beaucoup de gens ne disent pas pour qui ils votent. Il y a une grande prudence voire une certaine timidité chez nos amis. Il faut toujours faire « comme il faut ». Ils font de savants calculs électoraux et intellectuels pour justifier un vote raisonnable et ont peur de quitter les sentiers battus… » N’en demeure pas moins qu’on croise moult polos Ralph Lauren et pantalons rouges dans le meeting et dans les artères du XVIe arrondissement autour du Trocadéro, que l’on devine tout juste sortis du diner en famille.

« Dans mon milieu, on pense encore beaucoup aux situations acquises, à la conservation des affaires – un peu plus qu’à la France » regrette Michel, ancien patron de société qui a fait le déplacement depuis les Hauts-de-Seine.

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Un groupe de jeunes étudiants en BTS, venu de Lyon, tout en se disant convaincu par les propositions du candidat et excédé par l’insécurité dans leur ville – qu’ils attribuent à l’immigration et au laxisme de la municipalité – regrette que leur candidat se soit aventuré sur « le sujet des prénoms, du ministère de la remigration ou du refus d’accueillir les réfugiés ukrainiens » – propositions qui seraient à l’origine de son tassement dans les sondages. 

“Rien ni personne” n’arrête la “puissance française”

C’est déjà la conclusion du discours. Zemmour offre au public venu l’applaudir une dernière et belle envolée faisant vibrer les cœurs. Les sympathisants sont en plein soleil depuis plus de deux heures. Rappelant qu’”impossible n’est pas français” et annonçant qu’il va “tout donner dans les 14 jours qui le séparent du premier tour”, car 2022 est selon lui la dernière chance, le candidat s’égosille:

“Quelle belle et grande aventure, quelle énergie nous allons déployer dans les deux semaines à venir, quelle détermination je sens chez vous aujourd’hui. Français, nous avons fait en trois mois ce qu’aucun politicien n’avait jamais réussi à faire en quinze ans. (…) Allons-nous décider de notre avenir, allons-nous donner tout à la France ? Oui (…) parce que rien ni personne ne nous empêchera d’écrire le destin de notre pays. Rien ni personne ne nous volera cette élection, rien ni personne ne nous empêchera de nous battre (…) rien ni personne ne nous fera reculer ou baisser les yeux, parce qu’il faudrait nous arracher le cœur, et ils n’y arriveront pas. Le peuple qui décide de se lever et la surprise de cette campagne, c’est nous !“ La foule est ravie. En quelques mois, le polémiste, plutôt gracile et malicieux, s’est transformé en redoutable tribun en se servant de sa grosse voix. 

Le candidat de droite est désormais à la reconquête… de l’opinion !




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