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Face à Zemmour, Pécresse décoche toutes ses flèches

Un débat attendu très tendu


Face à Zemmour, Pécresse décoche toutes ses flèches
Valérie Pécresse et Eric Zemmour invités au 20 heures de TF1, débat animé par Gilles Bouleau et Ruth Elkrief, 10 mars 2022 © Laurent VU/SIPA

Le débat entre Valérie Pécresse et Eric Zemmour sur TF1 était plutôt de mauvaise tenue, la candidate LR en difficulté s’étant montrée particulièrement querelleuse. 


Hier soir, les deux candidats de droite se sont affrontés lors d’un face-à-face télévisé très attendu et très tendu. En réponse aux attaques de Valérie Pécresse, le candidat de “Reconquête!” a dit qu’il la suspectait de vouloir appeler à voter Macron dès 20h02 au soir du premier tour. Selon les zemmouriens, la candidate LR ne serait pas vraiment une femme de droite.

Femme, femme, femme fais-nous voir le ciel

Depuis la première candidature d’Arlette Laguiller à l’élection présidentielle de 1974, la France guette et espère l’arrivée d’une femme à l’Élysée. Marianne, l’emblème de notre belle République, cela ne nous suffit plus. 

À gauche, débordée par Jadot, Roussel et Mélenchon, Anne Hidalgo est bien partie pour nous offrir une candidature de témoignage. On se souvient du naufrage d’Eva Joly, il y a quelques années. La native de Grünerløkka avait enchainé les bévues pendant sa campagne en 2012, proposant par exemple d’annuler le défilé du 14-Juillet. L’ancienne troisième Dauphine à Miss Norvège avait terminé à 2,31% dans les urnes. Hidalgo n’en est pas là, mais… En 2007, Ségolène Royal et sa bravitude étaient parvenues à se hisser au second tour, mais on se souvient aussi qu’elle s’était ensuite fait laminer par Nicolas Sarkozy. Là aussi, c’était encore raté pour la « France présidente » ! Et si Marine Le Pen peut encore croire en ses chances, elle a reconnu mardi sur France 2 que la présence d’Eric Zemmour l’avait considérablement affaiblie. « Nous pourrions être très puissants sans sa candidature » s’est lamenté la candidate qui se définit comme ni de droite ni de gauche. Tout ça pour dire que les Français ne sont pas franchement assurés de se retrouver demain matin dirigés par une représentante du beau sexe. Quant à Valérie Pécresse, croit-elle encore vraiment en ses chances ? 

Les programmes de télépoubelle de TF1 sont moins cacophoniques !

Forcément, on a regardé TF1 hier soir pour le savoir, où les deux candidats qui s’assument de droite étaient donc réunis. Le premier entendait garder son calme quoi qu’il lui en coûte, et ne surtout pas apparaitre comme agressif. Face à sa rivale, il s’est employé à faire la démonstration que lui avait une vraie vision politique. L’objectif fixé par ses communicants était avant tout de rappeler aux électeurs de droite que la candidate LR serait une « Macron-bis » ou pire, une vulgaire « gestionnaire ». La candidate LR, en chute libre dans les sondages, jouait gros de son côté. À un mois du scrutin, elle est très nettement distancée par Marine Le Pen, et un sondage récent l’a même placée derrière Jean-Luc Mélenchon

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À Poissy lundi soir, le président sortant Emmanuel Macron a affirmé qu’il ne comptait pas faire de débat avec ses concurrents, car « aucun président en exercice ne l’a fait » et qu’il « ne [voyait] pas pourquoi [il] dérogerait à la règle ». Mais il se méfie du peuple français, réputé très politique, qui peut parfois réserver des surprises. En tout cas, toute cette populace soi-disant passionnée était présente en nombre devant l’écran hier pour le premier vrai débat, Médiametrie ayant annoncé ce matin que l’émission avait été suivie par plus de cinq millions de téléspectateurs. Mais si l’audimat était haut, le niveau des échanges l’était en revanche beaucoup moins. 

Eric Zemmour a gardé ses nerfs et n’a pas qualifié Gilles Bouleau de « connard » en quittant le plateau, certes, mais on a en revanche assisté à une discussion immédiatement très pénible au cours de laquelle Valérie Pécresse interrompait sans cesse le candidat de « Reconquête », comme pour le pousser à bout. Le débat a vite pris des allures de pugilat.

Inhumanité contre technocratie

La présidente de la région Ile-de-France a notamment dénoncé « linhumanité » de Zemmour face à la détresse de l’Ukraine, et un « esprit munichois » face à Vladimir Poutine. Selon elle, les déclarations pro-Poutine passées de son adversaire sont la démonstration qu’il n’est « pas patriote ». Pire, elles l’auraient « décrédibilisé pour diriger la France ». Alors que Zemmour tentait d’expliquer une nouvelle fois ses positions mal comprises sur les réfugiés ukrainiens ou le Kremlin, elle s’est emportée: « vous mentez ! » Prenant à partie les téléspectateurs, elle a dénoncé : « Eric Zemmour sest trompé sur Poutine, sur lOTAN et sur lEurope ! » 

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Un peu plus tard, après avoir rappelé des contradictions et des revirements de Pécresse en matière de géopolitique, l’ancien journaliste du Figaro l’a qualifiée de « gaulliste de pacotille » et a expliqué en quoi tout projet de défense européenne à la sauce Macresse ou Pécron était pour lui « une chimère ». Mais c’est lors des échanges sur l’immigration qu’il a eu les mots les plus durs envers la candidate LR. « Tout est bidon chez vous » lui a-t-il assené. Pas franchement aimable ! Mais il est vrai que si Zemmour peut se retrouver dans l’embarras avec la guerre déclenchée par Poutine, Valérie Pécresse s’est d’elle-même mise dans la panade en évoquant en meeting le « grand remplacement », avant de se dédire tout de suite après. 

On passera rapidement sur bien d’autres mots doux échangés entre les deux candidats ensuite. Sachez si vous n’avez pas vu l’émission que les boules puantes envoyées à l’un et à l’autre mobilisaient entre autres joyeusetés le nazisme ou Tariq Ramadan pour Zemmour et la collaboration, Rokhaya Diallo et l’islamo-gauchisme présumé de Jean-Christophe Lagarde pour la candidate investie par LR.

Ils ne partiront pas en vacances ensemble

Enfin, même si elle n’a pas joué à fond cette carte, Valérie Pécresse ne s’est tout de même pas privée à un moment de rappeler ô combien son adversaire avait un terrible problème avec la gent féminine, conformément au dogme bien connu. Extrait : 

Pécresse : Vous dites immigration zéro, c’est bien cela ? Cela veut dire que l’on n’a plus de chercheurs étrangers qui viennent dans nos laboratoires ? Cela veut dire que l’on n’a plus d’ouvriers agricoles qui viennent…

Zemmour (ironique) : oui, ou Neymar ! c’est un « immigré » Neymar, vous avez raison…

Pécresse (haussant le ton) : Excusez-moi, ne m’interrompez pas s’il vous plait. J’ai le droit aussi de m’exprimer !

Zemmour : Mais je vous en prie.

Pécresse : Les femmes ont le droit de s’exprimer.

Zemmour : Oh, je l’attendais celle-là !

Pécresse : Vous l’attendiez ? Pourquoi l’attendiez-vous ? 

Zemmour : Je l’attendais parce que vous êtes tellement prévisible.

Pécresse : Vous l’attendiez car vous avez dit tellement d’horreurs sur les femmes. Vous aussi vous êtes tellement prévisible ! 

Cet échange était effectivement attendu, et Pécresse est facilement parvenue à piéger son concurrent sur le terrain du féminisme. Mais il n’est pas certain qu’un tel argument fasse encore mouche auprès de l’électorat conservateur que Pécresse et Zemmour convoitent tant. 

Les électeurs conservateurs, depuis plusieurs années en effet, n’en ont-ils pas suffisamment soupé des jérémiades féministo-misandres d’Alice Coffin, Caroline de Haas et leurs amies ? Quoi qu’il en soit, ce sont eux qui décideront. Ils sont appelés aux urnes le 10 avril pour séparer définitivement nos deux chiffonniers. Alors qu’on leur posait la question en fin d’émission, Zemmour et Pécresse ont l’un comme l’autre convenu qu’il leur serait impossible de travailler ensemble dans le futur. L’union des droites tant espérée semble bien loin, et l’électorat malheureux évoqué plus haut n’a plus que ses yeux pour pleurer !




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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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