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« Payer » ou « guérir », un casse-tête allemand

Des réparations qui ne disent pas leur nom


« Payer » ou « guérir », un casse-tête allemand
© BERND VON JUTRCZENKA/dpa Picture-Alliance via AFP

Malgré sa courte histoire coloniale, l’Allemagne a eu le temps de commettre des actes qui lui valent aujourd’hui des demandes de réparations de ses anciennes colonies.


« En Allemagne, nous avons vécu trop longtemps dans l’illusion que […] notre ère coloniale avait été trop courte pour causer des préjudices durables. » Ainsi parlait Michelle Müntefering, la ministre d’État pour la politique culturelle internationale, dans une déclaration faite devant le Bundestag. Certes, l’Allemagne est venue au colonialisme (qu’elle a appelé Weltpolitik) avec un retard relatif par rapport aux autres puissances européennes, faisant l’acquisition dans les années 1880 de territoires en Afrique qu’elle a perdus au cours de la Première Guerre mondiale. Mais pendant cette courte période, elle a eu le temps de commettre des atrocités qui s’apparentent à des crimes contre l’humanité et pour lesquelles les États qui ont succédé aux colonies exigent des indemnisations.

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Depuis 2015, Berlin est en négociation avec la Namibie, appelée Sud-Ouest africain à l’époque coloniale, au sujet de sommes à verser pour compenser les massacres commis sur les peuples Héréro et Nama entre 1904 et 1908. Les deux États sont encore loin de trouver un accord, non seulement sur le montant, mais aussi sur le vocabulaire employé pour désigner la transaction. S’il s’agit pour les Namibiens de « payer des réparations », les Allemands préfèrent parler de « guérir les blessures du passé ».

En février, l’ambassadeur de Tanzanie a réclamé que Berlin ouvre des négociations en vue d’indemniser cette autre ex-colonie pour la répression brutale d’une rébellion entre 1905 et 1907. Berlin n’a pas donné suite à cette demande qui n’est pas officielle. D’autres États européens auraient fait part au gouvernement d’Angela Merkel de leurs craintes qu’une indulgence excessive de sa part crée un précédent dangereux. D’ailleurs, si des musées allemands s’apprêtent à rendre au Nigeria des bronzes du Bénin, c’est justement en suivant le précédent créé par la décision de restituer des biens culturels au Sénégal et au Bénin prise par la France, décision toujours pas suivie d’effet.

Juin 2021 – Causeur #91

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste , conférencier et historien.

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