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Delenda est Gaza


Delenda est Gaza
Des Palestiniens marchent au milieu des ruines de bâtiments et de magasins à la suite des frappes israéliennes à Gaza, 25 mai 2021 © SOPA Images/SIPA Numéro de reportage : 01021104_000012

On se souvient du cri par lequel Caton l’Ancien finissait tous ses discours : « Delenda est Carthago », il faut détruire Carthage. Au début du printemps 146 av. JC, Scipion Émilien décida de prendre au mot le vieil orateur mort trois ans auparavant et lança l’assaut final contre la cité carthaginoise. Les combats s’éternisant, et comme il ne disposait pas encore de la bombe atomique, le général romain fit incendier la ville. Plutôt que d’être esclave du vainqueur, l’épouse du chef carthaginois, un incapable du nom d’Hasdrubal qui quémandait merci, se jeta dans les flammes avec ses enfants.

Les Romains massacrèrent l’essentiel des habitants, et emmenèrent en esclavage ceux qui avaient survécu. Puis ils rasèrent la ville, répandirent du sel sur les ruines fumantes, et prononcèrent une damnatio memoriae, interdiction d’évoquer le nom même de la cité détruite, dont longtemps les archéologues cherchèrent la trace. L’historien Ben Kiernan y voit le premier exemple de génocide calculé.

Des intifadas qui se répètent

Après la guerre israélo-arabe de 1948-1949, près de 750 000 Palestiniens, sur 900 000, émigrèrent vers la Jordanie ou le Liban — exode connu sous le nom de Nakba. Les Israéliens n’ont pas vitrifié la région, ils ont laissé les revendications territoriales remonter, jusqu’à la guerre des Six jours. Là encore, alors qu’ils en avaient l’occasion, ils n’ont pas anéanti l’adversaire — une solution politique leur paraissait plus prometteuse. Résultat, une nouvelle guerre éclata en octobre 1973. Et là encore, les Israéliens eurent la victoire modeste. Sans doute le grand frère américain ne voulait pas se mettre à dos sa clientèle du Golfe. S’ensuivirent diverses intifadas en 1987-1993, puis en 2000, et enfin ces derniers jours. Israël a choisi chaque fois une solution politique.

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Le temps n’est peut-être plus aux solutions radicales à la romaine. Mais l’idée en revient chaque fois que des missiles sont lancés sur les populations civiles de l’État hébreu : ceux qui accusent Israël d’être un État fasciste, colonisateur, sioniste, totalitaire, devraient lire l’histoire romaine. Ils ont bien de la chance que Scipion Émilien ne soit pas à la tête de Tsahal. Évidemment, pour Israël, il est plus intéressant de mener des représailles mesurées, de façon à ne pas braquer les régimes arabes avec lesquelles l’État juif passe des traités bilatéraux, comme les récents Accords d’Abraham. Et lesdits pays arabes préfèrent à tout prendre négocier avec des Juifs que soutenir des mouvements terroristes qui sont des émanations des hezbollahs iraniens.

Les Palestiniens sont les dindons de cette farce politique. Ce ne sont d’ailleurs pas les Israéliens qui les ont prioritairement massacrés. Ce sont les Arabes. Les Jordaniens (avec lesquels les Palestiniens auraient pu s’entendre en 1949, s’ils avaient eu deux sous de jugeote) ou les Libanais en ont tué tant et plus — et bien davantage que l’armée israélienne.

Quid d’un État palestinien ?

Le miroir aux alouettes de ce poker menteur pour lequel quelques milliers de personnes meurent de loin en loin est l’établissement, toujours repoussé, d’un État palestinien qui ne correspond à rien, ni historiquement (il n’y a jamais eu d’État palestinien, les habitants de ces contrées ont toujours été sous obédience arabe, anglaise, ou française — ou turque) ni économiquement : Gaza est une enclave moribonde, une réserve d’indigènes que les Israéliens ont préservés au lieu de les éradiquer. Il y a un État israélien et des États arabes — quoi que l’on pense de la pertinence de la politique des uns et des autres, ou du rapport élastique à la démocratie de certains.

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Quant à ceux qui en Europe, et en France en particulier, s’en vont dans les rues aux cris de « Palestine vaincra », il est évident que leur agenda ne concerne pas les Palestiniens, mais qu’ils sautent sur l’opportunité de s’offrir un petit prurit antisémite aux frais des Gazaouites. Et, en période pré-électorale, d’affirmer encore une fois leur souci de ces communautés dont ils ont fait les nouveaux prolétaires — vu que les anciens prolos ont massivement viré vers le RN —, espérant fortifier leur implantation çà et là. Un beau calcul dont Jean-Luc Mélenchon et ses partenaires comptent faire leurs choux électoraux. Ainsi, l’inénarrable Danièle Obono a théâtralement quitté l’antenne quand un membre du Parti travailliste israélien, Laurent Cigé, lui a lancé : « Je crois que vous devriez rebaptiser votre parti, non pas La France insoumise, mais la France soumise aux islamistes (…) Vous représentez un parti qui n’est pas antisioniste, (…) mais carrément un parti antisémite. »  Il fallait que cela fût dit.

Des Palestiniens, tout le monde se fiche. Ils survivent de subventions qu’on finira bien par leur couper — avec l’eau potable. Un procédé d’éradication auquel n’avait pas pensé Scipion Émilien. C’est ça, le progrès.




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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