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L’esprit du 18 juin à l’heure du Covid-19

Le Général a encore bien des choses à nous dire...


L’esprit du 18 juin à l’heure du Covid-19
Emmanuel Macron au Mont-Valerien à Suresnes, ce matin © Ludovic Marin / POOL / AFP

Entre la débâcle de 1940 et la triste situation française au lendemain du confinement, la comparaison est vite faite. On peut s’en agacer, ou effectivement y voir une analogie pertinente. 


Les cadres supérieurs se confinent dans leurs résidences secondaires ? C’est l’exode. Celui-ci dénonce un voisin réfractaire au confinement ? C’est un collabo. Celui-là dénonce la main d’un laboratoire derrière telle étude ? C’est un résistant. 

Toutes ces comparaisons sont fantaisistes, mais il est frappant de voir à quel point la sémantique de la Seconde Guerre Mondiale a imprégné la crise que nous venons de vivre.  Pour qualifier l’abîme, 1940 reste notre imaginaire de référence. Une preuve de plus, s’il en fallait une, que la cicatrice est encore vive, et qu’il reste du chemin à parcourir pour dépasser cette épreuve, dans une France qui semble avoir renoncé à s’aimer.

Nous ne sommes pas en guerre. Mais puisqu’on commémore aujourd’hui les 80 ans de l’appel du 18 Juin, il peut être utile de revenir sur la geste du Général de Gaulle, qui porte en elle des valeurs-clés pour guider nos élites en ces temps troublés.

De l’audace, d’abord

Quand le Général arrive à Londres, il se retrouve dans une position atypique : parmi les pays défaits par le Reich, la France est la seule puissance de premier rang. Mais c’est aussi la seule qui ait choisi de négocier avec lui: les gouvernements des autres pays occupés sont à Londres, en exil.

Il ne se limite pas pour autant à organiser la participation, qu’on aurait imaginé honorifique, de quelques rescapés français à la suite du combat. Général depuis trois semaines, sous-secrétaire d’État pendant dix jours, son appel revient à préempter la continuité de l’État, face à « l’autorité de fait » restée sur le territoire français. Sont ainsi posés en quelques heures, les actes qui permettront à la France de s’asseoir à la table des vainqueurs.

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Dans les premières semaines, ces efforts ne récoltent qu’un succès relatif, comme en témoigne l’ambivalence du Royaume-Uni, qui soutient de Gaulle mais maintient le contact avec Pétain. De son côté, Vichy ne laisse pas traîner le dossier: au cours de l’été, de Gaulle sera dégradé, puis mis à la retraite d’office et déchu de la nationalité française, avant d’être condamné à mort et de voir ses biens confisqués. C’est peu dire qu’en prononçant son appel, de Gaulle ne se sera pas soucié de son « risque pénal » !

Du pragmatisme, ensuite

L’appel du 18 juin ouvre une séquence politique de trente ans, qui par-delà le conflit, aura bouleversé la France. Un demi-siècle après son départ, de Gaulle continue d’inspirer ceux qui s’engagent, et sur un spectre politique de plus en plus large avec le temps. Étonnant consensus, pour un monarchiste de cœur, dénoncé par la gauche comme trop proche de l’Action Française, y compris pendant la guerre.

On place souvent le Général dans les pas de Colbert, pour sa politique industrielle, et de Napoléon, pour sa politique d’indépendance. Il incarnerait ainsi les traits d’un État centralisé et tout-puissant. Mais c’est aussi sous sa présidence que se structure la construction européenne et se lance le mouvement de déconcentration.

Ce qui frappe, c’est sa capacité constante à diriger la France à la boussole de sa continuité historique, sans pour autant se laisser enfermer dans les recettes venues d’avant-hier, pas plus que dans celles venues d’ailleurs: tout est imaginable pour la France, tant que sont garantis ses intérêts vitaux et son indépendance.

De la résilience, enfin

On a parfois laissé entendre que si Pétain, nommé Président du Conseil en remplacement de Paul Reynaud, avait envisagé de maintenir de Gaulle au gouvernement, les ondes de la BBC seraient restées silencieuses.

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Quoiqu’il en soit, quand il arrive à Londres, de Gaulle croise bon nombre d’officiels français, échoués là par la débâcle, et qui décident de rentrer en France sitôt l’armistice signé. À 49 ans, il fait le choix de tourner le dos à une carrière militaire brillante, méticuleusement construite depuis Saint-Cyr, pour « entrer dans l’aventure, comme un homme que le destin [jette] hors de toutes les séries »

La pandémie consacre le retour du tragique, comme une réponse qui claque à l’arrogance de notre époque. Nous ne sommes qu’au début de la crise: au cortège des victimes sanitaires va suivre celui, bien plus fourni encore, des victimes économiques. A nous de ne pas la laisser nous submerger. « Dans l’action, dans le sacrifice et dans l’espérance », nous dirait le Général.

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