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Le 21 juin, Riester maintient la fête du bruit

On attend l'avis du conseil scientifique...


Le 21 juin, Riester maintient la fête du bruit
Franck Riester à l'Assemblée nationale le 14 avril 2020 © Stephane Lemouton -POOL/SIPA Numéro de reportage: 00955965_000002

Il y a une très forte aspiration à reprendre une vie normale, mais programmer la Fête de la musique en juin apparaît en revanche comme particulièrement irresponsable.


Franck Riester est-il le digne fils spirituel de Jack Lang ? En tout cas, il en prend le chemin. Le placide ministre de la Culture est enfin sorti du silence assourdissant dans lequel le mettait son rôle de gratte-papier en chef, joué début mai, sur les planches élyséennes, lors du discours survolté du chef de l’État au monde de la Culture. Dégagé de l’éclipse jupitérienne, Franck Riester a donc repris la parole, vendredi dernier, pour annoncer le maintien de la sacro-sainte Fête de la musique qui aura bien lieu le 21 juin, comme tous les ans depuis 38 ans. Ouf ! nous voilà rassurés. 

Car après l’annulation de Cannes et d’Avignon, ces deux grandes messes culturelles virant à l’orthodoxie moralisatrice, de la série de tous nos festivals de musique, des Vieilles charrues à Rock en Seine en passant par les Solidays, et sans oublier la grande marche colorée des Fiertés, il fallait bien que résistât un événement festif, gravé dans l’agenda des bacchanales républicaines grandes annonciatrices de la période estivale. 

Le déconfinement du monde de la culture, quelle prise de tête ! Emmanuel Macron, en visioconférence avec les artistes, hier © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22453255_000004
Le déconfinement du monde de la culture, quelle prise de tête ! Emmanuel Macron, en visioconférence avec les artistes © Ludovic Marin/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22453255_000004

Jack est emballé!

Alors non le virus ne dilapidera pas le précieux héritage de Jack. Le père du grand tintamarre festif déguisé en célébration mondiale de la culture musicale, s’est d’ailleurs empressé de féliciter son disciple d’un tweet transpirant d’hédonisme fraternel :

« Bravo à @franckriester de préserver la #FeteDeLaMusique. Que mille idées surgissent partout dans le pays pour que la @fetemusique soit, plus que jamais, une fête de l’amitié et de l’espérance ! » 

Quel bel enthousiasme! On apprécie le zèle dont le Président de l’Institut du monde arabe a fait preuve en appelant à appliquer l’injonction présidentielle lancée en bras de chemise et cheveux en pétard, de « réinventer notre été et d’en faire un été apprenant et culturel

Quant à Franck Riester, il promet de « proposer quelque chose qui ait de la gueule, qui permette aux Français de chanter, de jouer de la musique, sans prendre de risques. »

Le 21 juin, les Français pourront donc s’unir avec tous les citoyens du monde pour casser leurs voix, tambouriner, mixer des sets et se défouler dans une atmosphère d’où il sortira la plupart du temps plus de bruit que de musique. Mais ne soyons pas trop rabat-joie. Après tout, pendant ces deux mois de confinement où, quotidiennement à 20h, les concerts de casseroles étaient organisés aux balcons, certains ont pu améliorer leur swing et leur mix. Le jeune DJ qui avait fait danser, un peu malgré lui, une trentaine d’individus en dessous des fenêtres de son logement parisien en avril dernier pourra de nouveau mettre à tue-tête « Laissez moi danser » de Dalida sans craindre de se prendre une prune. Et, il pourra même s’installer dans la rue puisque comme l’a suggéré le ministre, en dépit de la circulation toujours active du virus, la fête pourra bien se tenir à l’extérieur. 

En même temps irresponsable

Voilà encore une belle illustration de l’inquiétante schizophrénie macroniste telle qu’elle s’est déjà illustrée à la veille du confinement par le maintien du premier tour des élections municipales, ou plus récemment à la SNCF, laquelle condamne un siège sur deux dans le train alors que les compagnies aériennes peuvent faire vol plein. 

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Mais revenons à la Fête de la musique qui illustre le « en même » irresponsable de la politique macronienne. En effet, comment comprendre qu’on puisse interdire un rassemblement au-delà de dix personnes et la consommation d’alcool sur les berges de Seine, le canal de l’Ourcq et le canal Saint-Martin, et en même temps autoriser un événement qui commence toujours de façon bon enfant mais qui se termine irrévocablement par une beuverie généralisée? 

Comment faire respecter la distanciation sociale lorsque la fête se finit parfois en raves parties sauvages, où les fêtards relancent le son au-delà de l’heure autorisée en guise de rébellion? La fête sans débordement dans la plupart des grandes villes est quasi impossible en France, on le sait bien. 

Qu’en pense le conseil scientifique?

Et avec la fête de la musique on connaît la chanson, c’est écrit d’avance, il suffit de suivre la partition : à 18h, c’est apéro au rosé en famille, avec les gamins qui se courent après, devant un orchestre de jazz improvisé. La nuit tombant, les esprits s’échauffent et le cocktail alcool, joint, coke, et autres smarties hallucinogènes commence à faire son effet. Cette fête musicale du joyeux vivre ensemble se mue toujours en triste défaite, bien souvent assombrie par des bagarres et des noyades mortelles, comme l’an passé à Nantes

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Pour cette édition 2020 de la Fête de la musique, un invité de marque est à compter dans les rangs des possibles perturbateurs : il s’appelle Corona et pourrait faire des ravages !  À l’heure où la réussite du déconfinement est tributaire du civisme et de la responsabilité de chacun, organiser une fête dont on sait pertinemment qu’elle sera le prétexte à un défoulement propice aux chaînes de transmission du virus, est inconséquent. 

On ne peut qu’être étonné du silence radio de Jérôme Salomon et du conseil scientifique pourtant si loquaces ! En tout cas si on attendait une date pour la seconde vague, on peut remercier le ministre de la Culture de nous l’avoir peut-être donnée! 



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