Sacrée Marianne


Sacrée Marianne
Pont-neuf à Toulouse, des membres de l'Action Française pendent Marianne. © D.R.

 


Succession de blasphèmes anti-républicains à Toulouse


À l’aube du samedi 29 février, une vingtaine d’individus flanqués de drapeaux français et occitans arpentent le Pont-Neuf de Toulouse. Ils transportent une marionnette à l’effigie de Marianne, la pendent au bout d’un fil, la suspendent au-dessus de la Garonne et lisent une déclaration solennelle : « La monarchie a fait la France et l’a conduite à son apogée. Au contraire, le système républicain détruit le pays que nous aimons, le ruine et l’humilie. Nous condamnons à mort la République, nous condamnons Marianne parce qu’elle nous trahit. » Diffusée sur la Toile et revendiquée par l’Action française qui l’agrémente du logo « Nike la République », la vidéo déchaîne la fureur des grands féodaux. Du président (PS) du conseil départemental qui « condamne fermement » une « action intolérable » et promet des sanctions pénales (sur quelle base légale ?) au maire de Toulouse, l’ensemble de la classe politique locale s’indigne.

Au secours, le 6 février 1934 revient ! Blasphème antirépublicain par excellence, la pendaison de Marianne est une vieille tradition d’Action française que les camelots aiment perpétuer. En l’occurrence, les militants royalistes entendaient ironiser sur l’usage du 49-3 par un gouvernement qui se pique de démocratie. L’organisateur de l’opération, Nicolas Viau, responsable des étudiants d’Action française Toulouse, met sur le compte de la campagne municipale le battage médiatique autour de cette affaire : « Il y a une sacralisation de la symbolique républicaine. La République est une quasi-religion, avec ses valeurs, ses symboles, quelque chose d’intouchable. »

En revanche, leur manifestation sur le toit de l’entreprise Latécoère n’a guère été relayée. Cette société aéronautique fabriquant le fuselage du Rafale a été récemment rachetée par le fonds américain Searchlight Capital Partners. « Ça pose un problème de souveraineté et de pression, affirme le camelot. En tant qu’actionnaires, les Américains peuvent poser un veto sur la production. » Moralité : niveau agit-prop’, une blague de carabin vaut mieux qu’un long discours. Il y a quelques années, l’Action française étudiante avait répondu à un député qui exigeait sa dissolution en distribuant de fausses cartes de marabout africain ornées du numéro de téléphone de sa permanence parlementaire. Nul besoin de partager l’esprit Charlie Maurras pour en rire.

Avril 2020 - Causeur #78

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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