Ah, la cellule d’aide médico-psychologique ! Il ne fut question que d’elle durant les heures et les jours qui suivirent le terrible accident de Millas.
Faute de connaître les faits, on se concentre sur l’effet
Que s’est-il passé ? Combien y a-t-il de victimes ? On l’ignore. Mais on veut parler de ce fait divers terrible. On veut justifier le choix de passer en édition spéciale, alors il va falloir remplir. On se concentrera donc sur ce que l’on sait : cet accident est particulièrement horrible parce qu’il touche des enfants et qu’il a lieu à quelques jours de Noël. C’est donc sur les sentiments qu’inspire ce drame que se sont focalisés les médias. Pour donner une teneur scientifique à cette approche, ils ont choisi de parler de l’accompagnement psychologique des victimes et de leur entourage.
Est-ce encore de l’information ?
Mais le Journaliste a beau avoir interviewé, des heures durant, tous les spécialistes existants dans le domaine de l’aide aux victimes et de l’accompagnement psychologique, il reste un journaliste. S’il peut filmer un enfant en larmes, il le fait. Et nous en avons vu, des petits collégiens éplorés filmés en gros plan alors qu’ils venaient juste allumer une bougie en souvenir d’un ami décédé.
En filmant ces enfants, en brandissant un micro sous leur nez, le journaliste apparaît seulement comme un charognard en quête d’une image forte. Il prouve une fois de plus la validité de ce que j’ai déjà écrit : que pour lui le monde n’est qu’un vaste réservoir d’acteurs gratuits. Un enfant qui pleure, ce n’est pas un enfant qui pleure : c’est « un son » et « de l’image ». Une telle froideur technique est-elle, en l’occurrence, légitimée par la nécessité de « produire de l’information » ? Même pas : est-ce encore de l’information ? Que nous apprennent ces images ? Que des enfants sont tristes parce que leurs amis sont morts ? Scoop ! Quelle justification éthique, professionnelle, journalistique peut-on trouver à la diffusion de ces vidéos rien moins qu’indécentes ?
Micro mal placé
Il ne fait aucun doute que si un journaliste s’avisait de braquer sa caméra sur un de mes enfants pleurant le deuil d’un camarade, il se prendrait une volée d’insultes bien senties qui s’accompagnerait probablement de la destruction de son matériel.
Tous ces pédopsychiatres qui détaillent par le menu les dispositifs mis en œuvre pour accueillir la parole de l’enfant traumatisé et lui permettre de retrouver une vie à peu près normale devraient peut-être prendre le temps de rappeler au journaliste qui les interroge (et feint de s’intéresser à ce qu’ils disent) que la dernière chose qu’on ait envie de voir quand tout va mal, c’est le micro d’un journaliste.
Retrouvez tous les articles d’Ingrid Riocreux sur son blog La voix de nos maîtres
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