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Le niveau monte… aussi à Sciences Po!

"Le Monde" confond meilleures copies et perles de l'examen d'entrée


Le niveau monte… aussi à Sciences Po!
Sciences po (IEP de Paris). Sipa. Numéro de reportage : 00564937_000028.

Les primo-Sciences-pistes enfilent les perles du bac en collier. Ce qui aurait été il y a une génération considéré comme éliminatoire pour un jury du secondaire vous couvre aujourd’hui d’honneurs dans les grandes écoles de l’enseignement supérieur. « Pour aider les candidats à se préparer à l’examen 2018 », l’Institut d’études politiques de Paris exhibe ses « meilleures copies », nous dit Le Monde. Son site s’est fait fort de les publier.

Un cru surestimé

A l’examen (si j’ose dire…), on comprend mal l’empressement de l’institution à exhiber les perles de ses majorants ; ni le titre du Monde les présentant sans aucune distance comme « les meilleures » du cru 2017. Et passons sur la rhétorique des copies, peignée au poil de c…  et bien pauvre en vocabulaire ; laquelle correspond aux attentes de la plupart des concours.

Au menu : un extrait de l’Éducation sentimentale de Flaubert en littérature ; ainsi qu’une alternative : le totalitarisme ou la Ve République en Histoire. Et « Bon appétit » dirait le mieux dressé des petits bourgeois flaubertiens se piquant maladroitement de manières ; car certaines copies sont plutôt gratinées.

Et le major gauchisa Flaubert

Pour beaucoup, ces meilleures copies n’ont pas usurpé leur titre. Au moins pour l’originalité. Dans l’extrait soumis à un commentaire rien de moins que « philosophico-littéraire », Frédéric Moreau, le personnage principal est témoin passif de l’émeute des Tuileries ; celle-là même qui mit fin au Règne de Louis-Philippe en février 1848. Dans le texte, « Quel mythe ! dit Hussonet, voilà le peuple souverain ! » est à comprendre comme une amusante paraphrase des envolées crypto-mythologiques ; par lesquelles beaucoup d’auteurs se sentaient alors portés. Fidèle à lui-même, Flaubert se gausse des imbécillités régnantes pour lesquelles on convoquait beaucoup de pompe et de mots vaporeux.

Or, le major du concours en propose une audacieuse relecture. Celui que l’on tenait, naïvement jusqu’à présent, pour le génial paraphraseur de la (pseudo) culture bourgeoise, ironique satiriste de l’emphase, devient ici « transfigurateur » de « l’épopée populaire ». Et le brillant candidat ne saisit rien de l’ironique « impétuosité déployée par l’énergie populaire » ni de « ses flots vertigineux » et « fleuve refoulé ». Dans la copie, le « rythme est enlevé et énergique » comme en atteste la cruciale « ponctuation exclamative ».  Une connaissance (minimale) de Flaubert aurait pourtant suffi pour qualifier cette prose ridiculement emphatique de bovaryste.

Flaubert l’ami du peuple, Flaubert l’apologiste de la foule : ne préjugeons pas de l’ignorance du candidat. A l’heure (prolongée) des avant-gardes, il fallait beaucoup d’audace pour l’écrire. Et on comprend l’empressement de Sciences Po à faire grande publicité de ce tournant epistémologique. Bien qu’hilarant de monotonie, il arrivait au Dictionnaire des idées reçues d’énoncer quelques exactitudes.

Hugo communard avant l’heure

Et ce contre-sens filé est conclu par une déroutante erreur factuelle lorsque le candidat compare ce récit aux Misérables, écrits en 1863, mais qui selon ce puits de sciences, décrit « l’insurrection populaire de la COMMUNE et de ses barricades » Victor Hugo aurait donc « transfiguré » la commune huit ans avant qu’elle n’ait eu lieu.

Au travers des âges, le XIXe siècle avait voulu abolir l’antique séparation entre la vie et la mort. Pour causer légende des siècles avec Shakespeare, César ou Washington, Victor Hugo faisait tourner les tables et s’adressait aux défunts illustres. Peut-être le candidat l’a-t-il pris au sérieux et choisi d’en souligner la qualité prophétique, au prix d’une très discriminante inexactitude. Flaubert riant d’une bourgeoisie enthousiasmée par sa propre pompe aurait trouvé de nouveaux exégètes ; qui auraient proposé au jury un plutôt réussi pastiche flaubertien de Flaubert.

Il est plus probable, hélas, au vu des erreurs des meilleurs d’entre eux, que les candidats ne possèdent pas de très vastes connaissances, ni même une sensibilité minimale au texte littéraire ; et on ignore sur quels critères cette copie a reçu les honneurs de son institut. La France est tenue pour être mal gouvernée depuis plusieurs décennies. Et pour ces raisons, l’ENA et Sciences Po ont été largement décriés par le public. Que celui-ci cesse d’accabler ces grandes institutions. Désormais, le réel s’en charge. Et le vénérable institut applaudit.

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