Accueil Édition Abonné Avril 2017 Fillon: « Nier notre héritage culturel, c’est absurde »

Fillon: « Nier notre héritage culturel, c’est absurde »


Fillon: « Nier notre héritage culturel, c’est absurde »
François Fillon en meeting à Paris, avril 2017. SIPA. AP22038209_000054
François Fillon en meeting à Paris, avril 2017. SIPA. AP22038209_000054

Tout le monde est d’accord pour condamner le terrorisme islamiste. Mais, vous l’avez déjà évoqué, on assiste aussi à la montée d’une forme de piété et de rigorisme qui tend à isoler du reste de la société. Ce séparatisme pacifique vous inquiète. Au-delà de l’appel général à la fierté nationale, que ferez-vous pour le combattre ?

Sur ce sujet je veux être clair : je n’accepte pas la constitution de communautés avec leurs propres règles, leur propre vision de la femme, leur propre conception du droit, leur propre système de valeurs pouvant parfois aller à l’encontre de celui de la République. La France, ce n’est pas une collection de communautés qui ne se parlent pas et ne partagent rien. Vivre en France, c’est accepter d’entrer au sein de la communauté nationale, la seule qui existe, et de respecter ses lois, ses coutumes et ses devoirs. Il appartient à l’État de faire respecter cela, mais il revient aussi aux autorités religieuses de stopper les dérives rigoristes et « sécessionnistes » dont vous parlez. Le Talmud déclare que « la loi du pays est ta loi ». Il y a de la place pour plusieurs amours dans un même cœur, mais une seule loyauté.

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En ce cas, pourquoi ne proposez-vous pas, comme Marine Le Pen, l’abrogation de la double nationalité ?

En pratique, cela signifierait que l’on ne pourrait plus accorder la nationalité française à un étranger présent sur notre sol de façon légale. Car beaucoup de pays refusent le retrait de la nationalité de leurs ressortissants. C’est le cas de la Tunisie ou de l’Algérie.

Mais ce qui me paraît plus important c’est de revoir nos procédures d’accès à la nationalité. Je propose que la durée minimale de résidence en France exigée d’un candidat à la naturalisation soit portée à huit ans, comme c’est le cas en Allemagne. L’acquisition de la nationalité sur simple déclaration à la suite d’un mariage ne serait possible qu’après cinq ans de vie commune et l’assimilation du conjoint étranger fera l’objet d’une vérification. Quant aux jeunes nés en France de parents étrangers, ils pourront, comme c’est le cas aujourd’hui, accéder à la nationalité française mais cet accès devra être le fruit d’un choix mûri et formalisé dans une déclaration de volonté de devenir français.

>> Parlez-nous de la France ! Le Causeur du mois d’avril vous attend…

Dans la mobilisation que vous appelez de vos vœux, l’École est en première ligne. Or, au cours du débat sur TF1, vous n’avez parlé que de l’apprentissage : pas un mot sur le retour de l’autorité, la restauration des savoirs, l’encouragement à l’excellence. Comme si votre seul but était de fournir de la main-d’œuvre à nos entreprises.

Si on m’en avait laissé le temps, vous auriez pu voir que l’apprentissage n’est qu’une partie de mon programme sur l’Éducation. Pour moi, l’École est[access capability= »lire_inedits »] le vecteur du savoir et de l’unité républicaine. Elle doit s’attacher à transmettre les savoirs fondamentaux. Une fois ce socle nécessaire assimilé, l’École peut s’ouvrir sur les arts, le numérique et les métiers de demain, en visant, à chaque étape, l’excellence de l’enseignement et la réussite des élèves. Ces deux derniers points sont inconcevables sans la discipline dans les classes et les établissements : il n’y a pas d’apprentissage efficace des savoirs, il n’y a pas d’émulation, sans autorité. Que dans certaines de nos écoles on s’interpelle suivant ses origines, c’est une régression de l’unité nationale. Je ne l’accepte pas. C’est pourquoi je propose que les écoliers portent un uniforme scolaire, pour qu’ils se sentent tous ensemble, tous égaux. C’est un symbole, mais tout commence par des symboles !

Peut-être, mais comment ce symbole d’homogénéité s’articule-t-il avec la large autonomie que vous laissez aux établissements. Vous proposez d’introduire plus de libéralisme, alors que la refondation de l’École républicaine exige plutôt une reprise en main verticale. Au prétexte que l’État n’a pas rempli sa mission, doit-il renoncer ?

Désolé de vous contredire, mais je ne propose pas d’introduire plus de « libéralisme » à l’École, mais un peu plus de liberté ! Lorsque vous discutez avec les chefs d’établissement et les enseignants, tous vous disent qu’ils étouffent sous les directives et la bureaucratie, avec les résultats scolaires que l’on sait. Le problème, c’est que l’État confond autorité et uniformité. Il ferait bien d’être plus ferme sur l’essentiel – transmission des savoirs fondamentaux, valorisation du mérite, respect des enseignants, sécurité des établissements – et moins tatillon sur le reste.

L’identité française doit articuler du nouveau et de l’ancien. Quand vous insistez sur les racines chrétiennes, est-ce que vous n’excluez pas, non seulement ceux qui viennent d’ailleurs, mais aussi tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la Manif pour tous ?

Pardonnez-moi mais je ne fais qu’énoncer ce que nous sommes : un pays imprégné de culture gréco-latine et façonné par ses racines judéo-chrétiennes. L’ignorer ou le nier, c’est absurde, et c’est surtout participer à un exercice nocif de négation de notre héritage. Pour autant, cette réalité ne doit pas conduire à exclure qui que ce soit. Jamais je ne me suis permis d’utiliser des mots blessants à l’égard des partisans du mariage pour tous. La liberté fait partie de notre identité.

Un certain nombre de nos compatriotes voient avec méfiance le soutien que vous apporte Sens commun. Au-delà des caricatures, il y a aujourd’hui une tentation identitaire chez certains catholiques français qui aimeraient se constituer eux aussi en communauté opprimée et discriminée. Au moment où on tente d’imposer à tous le respect de la laïcité, est-il opportun de mettre en avant nos racines chrétiennes ?

Il existe dans notre pays une volonté sincère de renouer avec des repères et nos héritages. C’est respectable dès lors que cela est fait avec intelligence et bienveillance. Quant à ma foi chrétienne, elle est une affaire intime dont je n’ai pas honte. Mais je la distingue de mes devoirs politiques, dont celui de rassembler les Français quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques.

Vous semblez plus à l’aise sur votre projet économique. Mais ce n’est pas seulement (et peut-être pas tant) celui-ci qui a séduit les électeurs de la primaire mais le fait que « la France des provinces, des parvis et des anciens usages », selon l’expression de Vincent Trémolet de Villers dans Le Figaro, a vu en vous le candidat de la continuité historique et d’une certaine identité française. Or il y a une contradiction évidente entre les deux : comment prôner à la fois l’enracinement culturel et la mondialisation économique débridée ? Plus de nation et plus d’Europe ? Comme l’observe Alain Finkielkraut, vous ne pouvez pas défendre l’identité française et ouvrir des fermes des mille vaches. Bref, comment peut-on être libéral et conservateur ? L’identité n’a-t-elle pas besoin de frontières ?

On peut défendre l’identité française et accepter le fait que la France n’est pas seule au monde. On peut défendre la nation et estimer que l’échelle européenne est aujourd’hui plus efficace pour régler un certain nombre de problèmes, dont celui des frontières justement. C’est une question de réalisme. Dire le contraire, c’est nier l’évidence. Qui croit aujourd’hui que face aux puissances du monde, à la Chine, aux États-Unis et à la Russie, la France peut complètement se passer de l’Europe ? Je suis pour une Europe des nations forte, qui protège mieux les citoyens sur les grands sujets où, ensemble, nous pouvons agir plus efficacement : la souveraineté monétaire, la défense des frontières, la défense de nos intérêts commerciaux, les défis climatiques… Mais je suis pour que cette Europe laisse s’exprimer le génie propre des peuples, dont la diversité fait justement la beauté de la civilisation européenne que je défends. Il faut qu’une Europe moins technocratique arrête de chercher à produire un « Européen moyen » qui n’existera jamais, au risque, on le voit aujourd’hui, d’exciter « la virulence des nationalités », comme disait le général de Gaulle. Une identité française affirmée dans une Europe forte est possible. Sur le sujet de la mondialisation, encore une fois, nier l’évidence serait mentir aux Français. Nous y sommes. Soit nous choisissons de nous battre avec nos armes, qui sont celles d’un grand pays qui a des atouts, soit nous choisissons de nous résigner au repli et au déclin. Si par conservateur vous désignez quelqu’un qui est fier des traditions françaises, alors je suis conservateur ; si par libéral vous désignez quelqu’un qui estime que la France doit se réformer et se retrousser les manches pour tenir son rang dans le monde, alors je suis libéral. Je rappelle que je suis gaulliste, pas socialiste ! Mais liberté ne veut pas dire naïveté ! Je ne suis pas un rêveur de la mondialisation heureuse. Il faut se battre et prendre les mesures qui s’imposent pour instaurer une compétition loyale avec nos concurrents.

Vous avez déclaré : « Nous ne pouvons pas tenir notre rang dans le monde en disant “nous ne sommes personne”. Nous ne pouvons pas intégrer des étrangers qui reçoivent la nationalité française en disant “bienvenue nulle part”. » En quelques mots, qui sommes-nous ? Qu’est-ce qui fait de nous un peuple ?

Une histoire, des paysages, des traditions, une langue, une littérature, une culture, un drapeau, des institutions, des valeurs, des souvenirs partagés… Tout cela forge une âme, une poésie française. La France n’est pas un fait clinique. « Une certaine idée de la France », disait de Gaulle… Je crois qu’au cœur de cette « idée », il y a chez les Français l’instinct de la liberté et de la grandeur.[/access]

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Avril 2017 - #45

Article extrait du Magazine Causeur




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