Accueil Politique Maxime Brunerie, auteur de l’attentat contre Chirac: « Je voulais emmerder le monde et me suicider »

Maxime Brunerie, auteur de l’attentat contre Chirac: « Je voulais emmerder le monde et me suicider »


Maxime Brunerie, auteur de l’attentat contre Chirac: « Je voulais emmerder le monde et me suicider »
Maxime Brunerie dans une manifestation nationaliste, 2001. Auteurs : Michel Euler/AP/SIPA. Numéro de reportage: AP21411497_000003

Les Français ont découvert Maxime Brunerie le 14 juillet 2002. En plein défilé militaire, il a alors tenté d’assassiner le président de la République Jacques Chirac. Membre du groupuscule d’ultradroite Unité radicale et du Mouvement national Républicain de Bruno Mégret, ce jeune homme affichait également un profil psychologique perturbé. Après avoir purgé sept ans de prison (2002-2009), Brunerie publie aujourd’hui avec Christian Rol Même pas mal, récit de sa rédemption. Entretien avec un repenti.


Daoud Boughezala. Qu’est-ce qui vous a pris le 14 juillet 2002 ? Etait-ce l’acte d’un déséquilibré ou le geste d’un militant ultra radical qui voulait tout simplement tuer le Président de la République ?

Maxime Brunerie : Ce n’était clairement pas un acte politique. J’avais pris la décision de me suicider. Donc, admettons, le projet réussit : Jacques Chirac s’effondre et décède, et il y a une espèce de « sédévacantisme républicain ». Et, moi, je ne suis plus de ce monde. Le président du Sénat qui prend l’intérim et des élections présidentielles  sont organisées assez rapidement. Les Français se retrouvent sans doute avec Jean-Pierre Raffarin comme Président de la République. Mon acte n’était donc pas du tout un complot de l’ordre noir ultra radical et compagnie. Je ne dirais pas non plus que c’est l’acte d’un déséquilibré, expression dans le vent – je parlerais plutôt de l’acte d’un désespéré sur sa vie personnelle de l’époque et à la marge du monde.

A l’époque, vous aviez un certain désespoir sentimental, des problèmes avec vos parents, avec qui vous viviez encore. La combinaison entre une fragilité psychologique et l’extrémisme politique a-t-elle précipité votre chute ?

Cela a peut-être été un accélérateur, il est évident que j’étais entré en rébellion contre tout ce qui m’avait été inculqué depuis mon enfance par l’éducation nationale, par la peur du « qu’en-dira-t-on » de ma mère, tout ça a poussé à toujours plus. Si on était parti de manière beaucoup plus posée sur un engagement très à droite, j’aurais fait quoi ? Un tour au FN, et j’en serais vite revenu. Mais je suis allé directement dans les groupuscules les plus extrémistes, les plus à la marge, les plus surveillés par la police. C’était surtout dans un souci d’emmerder le monde, sur l’attachement aux traditions, à la nation et à tout ce qui s’y rattache. Et la vie de groupe aussi m’attirait, même si elle n’existait pas réellement, sinon à l’état de communauté fantasmagorique. Mon moteur était de me mettre en rupture avec tout le reste de la société. Il n’y avait même plus de rejet de telle ou telle catégorie de la population, c’était nous et les autres, « de chez nous, pas de chez nous ». On pourrait parler d’attitude sectaire.

Quand avez-vous commencé à remettre en cause cette vision simpliste du monde ?

Après le 14 juillet 2002, il a déjà fallu que je réalise que j’étais encore en vie, donc que ça allait continuer. Ce n’est pas un virage idéologique, pour reprendre des formules pompeuses. C’est très prosaïque. Durant sept ans de prison, ce ne sont pas mes fréquentations ou « le bain faf », comme on disait à l’époque, qui m’ont permis de m’en sortir. Cela ne m’a servi à rien.

Grâce à quoi vous en êtes-vous sorti ? La prison ?

Non. Je m’en suis plutôt sorti malgré la prison. Je ne vois pas en quoi le fait d’être dans une cellule de huit mètres carré, qui est comme une étuve l’été et qui ne dépasse pas les douze degrés l’hiver, est quelque chose de rédempteur- à moins de sombrer dans une mystique christique qui n’est pas la mienne. Je ne vois pas en quoi fréquenter au quotidien différents cas sociaux, sales, tordus, pervers, violents, analphabètes, est quelque chose de salvateur. Je dois ma rédemption à ma volonté.

En prison, vous avez tissé quelques liens. Dans votre premier livre, vous parlez d’un africain avec lequel vous avez réussi à nouer le dialogue, mais aussi avec des personnalités arabo-musulmanes issues des banlieues…

Cela s’apparente à de bonnes relations de voisinage un peu forcées. Alpha, mon voisin de cellule, avait été correct. Ensuite, j’ai été transféré, après La Santé, dans une prison trois étoiles. L’expression trois étoiles vient du fait qu’il n’y a pas besoin de raticides le long des murs et que les fenêtres se ferment correctement, ce qui fait dépasser les 12 degrés l’hiver.

Une prison d’ailleurs plutôt réservée aux détenus qui effectuent de longues peines ?

Oui, et qui sont réinsérables, contrairement aux maisons centrales où sont envoyés les détenus qui font de longues peines et qui sont non récupérables, ou dont les risques d’évasion sont accrus. Et, là, j’avais plus que sympathisé avec Christian (tous les prénoms ont été modifiés, bien entendu), qui est un ancien braqueur de banque, anarchiste, avec plus de quarante opérations à son actif, qui était aussi fils de famille en rupture complète. Il avait braqué en couple : banques, fourgons… Il avait un certain goût pour les bouquins, ce qui nous a amenés à une relation privilégiée.

Vous avez par ailleurs organisé un festival de la culture arthurienne autour du mythe de la légende du roi Arthur en prison ?

Ce festival des Celtes est une de mes plus grandes fiertés. Déjà parce que j’ai réussi à faire la promotion de ce à quoi j’étais réellement attaché, dans un cadre plutôt hostile à l’origine. C’est assez marrant car j’avais communiqué là-dessus au moment de la sortie du premier livre. Tout un tas d’abrutis se prétendant nationalistes m’avaient craché dessus, disaient que j’étais un « traître » et compagnie. Tant mieux. En revanche, j’avais réussi à faire venir en détention Paris NormandieLa Dépêche, et j’avais même été interviewé par France Bleu, sans donner ni mon nom ni les raisons de mon incarcération, c’était un deal avec la pénitentiaire. J’avais rassemblé tous les détenus selon leurs centres d’intérêts et leurs passions pour organiser un concert de rock et de musique traditionnelle celtique. D’autres ont fait des sculptures. J’ai vendu des produits dérivés…

Avez-vous réussi à  vous extraire cette espèce de mythologie celte du folklore extrémiste ?

Exactement. Les extrémistes se servent de deux ou trois de ces symboles pour dire « regardez, je suis dangereux », et nous c’était « regardons et partageons », c’était un véritable changement de mentalité.

Il y a un autre ingrédient assez explosif en prison, c’est la frustration, notamment des criminels sexuels. Vous avez observé et côtoyé des pédophiles dans votre maison d’arrêt des longues peines, et vous êtes assez pessimiste sur la possibilité de réinsertion de ce ce genre de détenus. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Au centre de détention à Val-de-Reuil, il y a beaucoup de pédophiles, bien que cette appellation n’existe pas dans le Code Pénal : on parle plutôt de « mineurs de moins de 15 ans » comme circonstance aggravante. On a majoritairement des instituteurs, des professeurs, des éducateurs, des animateurs, tous pétris de belles valeurs de gauche humanistes, républicaines, « blablabla », et j’ai pu croiser un seul prêtre. C’est assez pauvre proportionnellement à la médiatisation. C’est du foutage de gueule. J’ai vu les pédophiles en question s’échanger des films de viols entre eux, grâce à des clefs USB officiellement interdites en détention.

Ces criminels sexuels sont-ils voués à récidiver à leur libération?

Mes quelques rudiments en psychologie m’ont appris que la libido est la seule pulsion qui doit être à tout prix assouvie. Si la pulsion se dirige vers d’autres adultes consentants, forcément il n’y a pas de problèmes, mais quand elle se tourne vers les enfants, ce n’est plus du tout la même chose.

De votre côté, avez-vous l’impression d’avoir payé votre dette à la société et d’être considéré comme un citoyen égal aux autres ?

La question qui m’est posée de manière quasi-automatique, ce n’est pas au sujet de la tentative d’assassinat. La question traditionnelle c’est : « est-ce que tu es toujours facho ? » Il n’y a strictement aucune empathie, aucune pensée, rien du tout sur Jacques Chirac en tant qu’homme. Au mieux, chez la plupart des gens (j’ai envie de dire « la plèbe »), c’est secondaire ; au pire c’est inexistant.

Une de vos frasques qui est restée célèbre, c’est un gag que vous avez monté et, à l’époque, tout le monde l’a pris au premier degré. Lors de la sortie de votre premier livre, vous avez fait mine d’adhérer au Modem, présidé par Bayrou. Tout le monde s’en est ému, François Bayrou au premier chef, comme si il n’y avait aucun rachat possible pour « le forcené de 2002 »….

Mon co-auteur Christian Rol m’a dit que je devrais apporter mon soutien à je ne sais quel cave, que l’on rigolerait bien. Il avait pensé à Villepin, mais je lui ai dit qu’il ne méritait pas cela étant donné qu’il avait été bien à l’ONU. C’est tombé sur Bayrou. Je fais donc une adhésion au Modem en ligne, et arrive au même moment un journaliste de France inter venu m’interviewer. Et, en bonus, je lui offre ce pseudo-scoop. Il était tout content. Le lendemain, je pars passer quelques jours avec Christian Rol en Normandie. Je monte dans la voiture, je lui dis que ça devrait éclater dans pas longtemps. Et on a François Bayrou qui est l’invité d’un plateau de radio. Il sortait de chez Nicolas Sarkozy et il devait exposer un compte-rendu de ses doléances, alors que je lui avais lancé cette boule puante juste avant. Et là, évidemment, la fameuse formule humaniste : « Pas de déséquilibrés chez nous ! » C’était à mourir de rire. Je donnais des entretiens on ne peut plus sérieux en caleçon sur la plage, au téléphone, en justifiant le bruit des mouettes et de la mer par la création de je ne sais quel think tank pour faire bouger la démocratie, pour être prêt à porter mon soutien à Bayrou, homme de la situation pour 2012 !

Depuis, avez-vous essayé d’adhérer à En Marche en guise de nouvelle pochade?

Très brièvement, il y avait trop de fautes d’orthographe commises par mon responsable local à l’époque où j’habitais dans l’Essonne !

Pour conclure, à quoi vous consacrez-vous aujourd’hui hormis l’écriture ?

Je suis bouquiniste, j’ai une auto-entreprise d’achat et de vente de livres d’occasion. Et ma grande passion, c’est l’improvisation théâtrale, que je pratique depuis 2009.

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est journaliste.

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