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Le rouge et le vert


Ils sont toujours amusants, nos amis les écologistes. Devant le succès étonnant du Front de Gauche et de sa marche pour la VIème république, entre Nation et Bastille, on pouvait espérer des critiques virulentes de la droite. Eh bien, en fait, à peine. Benoist Apparu, actuel ministre du Logement a même reconnu que Jean-Luc Mélenchon était en train de réaliser la meilleure campagne de tous les candidats et a juste fait mine de considérer que Mélenchon n’était jamais que le cinquième homme de la campagne.

Il est vrai que parvenir à rassembler plus de cent mille personnes, dont des travailleurs du privé en lutte, par un dimanche frisquet de mars, a de quoi surprendre. Mais tout de même, ce qui a été dit durant les vingt minutes de discours, pas une de plus, par un Mélenchon comme lui-même surpris par l’ampleur du succès, aurait dû franchement énerver le camp sarkoziste. Ce dernier a beau essayé de trianguler le programme du FDG sur les exilés fiscaux pour mettre en porte à faux Hollande, il y avait quand même de quoi faire cauchemarder les membres de l’UMP.
Tous les symboles de la gauche, de la vraie gauche, celle du monde d’avant, celle qui croyait encore possible une rupture avec le capitalisme, étaient réunis. La Bastille, d’abord, qu’il fallait reprendre. Et puis la date du 18 mars, déclenchement en 1871 de la Commune qui est restée dans l’imaginaire français, au choix, comme une grande peur ou comme la première expérience conseilliste qui en quelques semaines, avant le carnage de la Semaine Sanglante, a tout expérimenté : réquisition des ateliers abandonnés par les patrons et remise à des coopératives ouvrières, après indemnisation des propriétaires, égalité homme-femme au travail comme dans la vie politique, élections des fonctionnaires et des chefs militaires, salaire minimum, salaire maximum, liberté de la presse, système d’indemnisation pour les accidents du travail ou les vieux ouvriers.
Mais non, rien de bien méchant comme contre-attaque venue de la droite.

Du côté socialiste, Hollande et ses people bobos réunis au Cirque d’Hiver n’ont même pas cru bon manifester une quelconque réaction. Comme si cette gauche-là n’existait pas. Ou n’existera que lorsqu’il s’agira des reports pour le second tour. Seule Ségolène Royal, sur la 5, a montré comme d’habitude, et contrairement à sa réputation, qu’elle était moins bête qu’on se plaît à le dire et beaucoup plus en phase avec cette gauche-là, en insistant sur les points de convergence comme cet inévitable changement de constitution et cette demande d’égalité.
Non, jamais décevants, ce sont les écologistes ont été au rendez-vous conjugué de l’affolement et de la bêtise. Ca les embête, un Front de gauche sur une courbe ascendante. Ca les embête pour plusieurs raisons.

Idéologiques, d’abord : le FDG, notamment le parti de Mélenchon lui-même, le PG, qui s’inspire fortement du philosophe André Gorz, tient depuis longtemps un discours sur la nécessité de penser de manière radicalement différente la croissance et a une composante « verte » qui a largement inspiré un des axes majeurs du programme du FDG : la planification écologique, c’est-à-dire la décision de ne pas laisser au bon vouloir de l’initiative privée la réponse indispensable aux défis des années à venir en matière de consommation, d’énergies renouvelables, de mode de vie. Bref, le FDG, qui comme le montrait Libé ce week-end, siphonne aussi l’électorat vert, est le seul a expliquer que la véritable écologie ne peut se penser en laissant faire l’économie de marché. Mais allez expliquez ça à Cohn Bendit, par exemple, ou même à Eva Joly qui préfère réfléchir sur des jours dédiés aux fêtes religieuses communautaires, histoire d’en finir avec la laïcité, ce concept réactionnaire qui noie les différences.
Plus prosaïquement, au fur et à mesure que monte le score de Mélenchon et que la candidate verte stagne à 2%, la perspective de voir les frais de campagne remboursés s’éloigne et rien ne dit que face à un allié si faible, les socialistes ne remettront pas en question l’accord électoral somptuaire qui garantissait un groupe parlementaire à ce qui ne sera plus qu’un groupuscule.

Alors, comme les Verts ne laissent plus causer Eva Joly de peur de perdre quelques décimales de plus dans les sondages, c’est l’inénarrable Jean-Vincent Placé qui ressemble davantage à un obscur manœuvrier de la IVème république qu’à un héritier de René Dumont, qui s’y est collé. Il a sans doute cru sans doute égratigné Mélenchon en déclarant : « Je pense que le vote pour Jean-Luc Mélenchon est un vote un peu nostalgique, d’un souvenir de la France des années 70, peut-être un peu plus prospère, avec des industries plus classiques, façon avant la chute du mur de Berlin ».
Et alors, Jean-Michel, en quoi voudrais-tu que cela soit blessant ? Y compris ta fielleuse allusion au Mur, dans la tradition de Cohn-Bendit dont la seule vraie constante politique depuis 68 est un anticommunisme fervent au nom d’une idéologie libertaire qui a surtout encouragé l’individualisme prédateur des temps qui sont les nôtres.

Oui, les 100 000 personnes de la Bastille étaient des nostalgiques. Un beau mot, qui signifie étymologiquement, la douleur du retour. Car il ne sera pas facile de revenir en arrière, vers un temps objectivement meilleur, vers une France objectivement plus égalitaire et moins dure. Mais cette France est pourtant celle qu’il faut retrouver. Une révolution, en astronomie c’est quand le soleil, revient à sa place initiale. Et c’est bien d’une révolution qu’il fut question ce 18 mars 2012. Une révolution par les urnes, mais une révolution tout de même.
Et au sens le plus noble du terme, effectivement, une révolution antimoderne.



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