Le roman (dans un trou) noir


Le roman (dans un trou) noir
La couverture de "Pottsville 1280 habitants" de Jim Thompson aux Editions Payot et Rivages (DR)
La couverture de "Pottsville 1280 habitants" de Jim Thompson aux Editions Payot et Rivages (DR)

Pottsville 1280 habitants est la nouvelle traduction de 1275 âmes paru en « Série Noire » en 1964 et alors amputé de nombreux passages. Le roman fût également adapté par Bertrand Tavernier en 1981 sous le titre Coup de torchon avec Philippe Noiret et Isabelle Huppert pré-botox, l’histoire alors pas trop mal transposée dans un contexte colonial. C’est le « roman noir » dans toute sa sombre splendeur. Céline n’est pas loin non plus. L’être humain qui est capable du meilleur se laisse le plus souvent aller au pire, ne songeant qu’à son propre intérêt, à son plaisir narcissique.

Nick Corey est le sheriff de Pottsville un trou perdu du Sud des Etats-Unis juste après la première guerre mondiale. Parfois les dilemmes s’y règlent encore par un ou deux lynchages. Le ragot est roi, tout comme les rumeurs, l’on s’y ennuie tellement. Pour demeurer tranquille et en faire le moins possible, Nick Corey se fait passer pour un imbécile heureux, un imbécile débonnaire laissant prospérer les petites et grosses magouilles ce qui lui permet d’enrichir son ordinaire plutôt précaire. Il est régulièrement réélu sans trop de problèmes.

Il supporte les railleries et moqueries diverses, les brutalités même, de certains de ses administrés parmi les moins recommandables puis un jour c’est l’humiliation de trop, et Corey décide de « faire le ménage » dans son bled, à sa façon, finissant par se prendre pour un mélange de Jésus et Judas, sauveur de ses proches, même malgré eux, et leur pire ennemi…

Corey est marié à une harpie le faisant chanter, Myra, lui ayant imposé son « frère » Lennie, un Lennie moins sympathique que celui de Steinbeck, un semi-débile doté cependant d’un appareil reproducteur de bonne taille. Le sheriff trompe lui aussi allègrement sa femme, avec l’épouse d’un fermier violent tout en rêvant de s’enfuir de Pottsville avec son amour d’adolescence. Il commence par faire tomber un notable dans une fosse d’aisance puis passe à la vitesse supérieure en assassinant les deux maquereaux du coin, deux escrocs minables ne le prenant pas au sérieux. Il fait porter le chapeau du crime à un de ses collègues donneurs de leçons d’un trou à peine plus grand. Il piège sa femme, son pseudo-frère et la fermière qu’il a sauvée, celle-ci s’avérant être une maritorne toute aussi pénible que Myra. Nick Corey finit par sombrer dans un abîme maléfique, de mensonges et de cynisme mêlés, tombant à son tour dans la fange…

Il y a quelque temps l’on demandait sur un forum Internet la différence entre un polar, un roman policier et un roman noir. Finalement lire Jim Thompson permet de saisir la différence, ce livre étant une acmé du genre noir, très noir. L’humanité n’y est pas montrée sous son meilleur jour, mais celle-ci le montre-t-il très souvent dans la vie réelle ? Rien n’est moins sûr.

Pottsville 1280 habitants, de Jim Thompson, Ed. Payot et Rivages.

Pottsville, 1280 habitants

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