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Enfin Kundera vint


photo : Grossetti

L’œuvre de Kundera est l’une des rencontres décisives de mon existence. Un amour né dans l’adolescence, un éblouissement qui ne se sont jamais démentis depuis lors. Emporté par son élan irrésistible, je suis devenu dès ma quatorzième année un jeunophobe fanatique, un touristophobe intraitable, un blanc-bec viscéralement allergique à la modernolâtrie, au puritanisme, au dogmatisme idéologique et à l’esprit de sérieux. Lycéen puis étudiant, je traquais sans relâche – et sans la moindre espèce de succès – mes embardées romantiques et mes coupables illusions lyriques.[access capability= »lire_inedits »]

D’une seconde à l’autre, les romans de Kundera m’arrachèrent à l’ennui de l’enfance. Jeune provincial, c’est en les lisant et en les relisant infiniment que je découvris soudain, du même mouvement, deux continents stupéfiants et fascinants dont j’ignorais jusque-là l’existence : la littérature et la sexualité. L’œuvre de Kundera a été mon paradis idéalement anti-idéal, le lieu où confluaient paradisiaquement toutes les beautés des différents arts européens, l’émoi libertin et une pensée d’une vitalité magistrale. C’est ainsi qu’est né mon attachement sexuel, c’est-à-dire spirituel, à la littérature et à l’art du roman.

J’éprouve envers cette œuvre – désormais réunie dans les deux volumes de La Pléiade grâce au travail remarquable de François Ricard – une immense gratitude. Une gratitude pour sa profonde et foisonnante beauté. Pour sa grande sagesse rythmique libératrice. Pour tous les personnages dont elle est venue peupler et enrichir le ciel de l’art du roman, auxquels je suis lié par une amitié indéfectible. Ils s’appellent Jaromil, Tomas, Jakub, Pontevin, Ludvik, Immaculata et Bertlef. Ils s’appellent Fleischman, Avenarius, Paul, Havel, Jan et Edwige, Franz et Sabina. Ils s’appellent Mirek et Maman, Vincent, Ruzena, Kostka, Helena et Cechoripsky. Inoubliables entre tous, enfin, elles se nomment Lucie, Tereza, Tamina et Agnès.

Mais ma reconnaissance envers Milan Kundera tient aussi à sa qualité de grand passeur. Par son regard inimitable et la vitalité de son désir, il sait faire scintiller de manière miraculeuse toutes les œuvres d’art qu’il aime avec fidélité. C’est à lui que je dois encore, dans mes vertes années, mille découvertes prodigieuses, dont les plus cruciales furent celles de Gombrowicz, de Kafka, de Fellini, de Nietzsche et de Heidegger. Kundera est une bruissante forêt de rencontres.
L’œuvre de Kundera ? Belle comme la rencontre apeurée de François Rabelais, d’André Breton et de Franz Kafka, tous trois âgés de dix-sept ans, livrés à la risée implacable de vieilles putains farceuses, dans un bordel pouilleux et féérique.[/access]

Œuvre I, II

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Avril 2011 · N°34

Article extrait du Magazine Causeur



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