Jugement de Cayenne: comparaison n’est pas raison


Apparemment, dans la France nouvelle, selon que vous serez noir ou blanc, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Plus précisément, selon que vous serez mulâtresse ou blonde, vous serez jugée à des enseignes différentes. Il n’a échappé à personne que la bêtasse ancienne candidate du Front national à Rethel, depuis exclue du parti, vient d’être condamnée, à Cayenne, à neuf mois ferme. Notons que la coupable du nord-est, que tous les commis d’office avaient refusé de défendre, n’avait même pas les moyens de se rendre au tribunal guyanais. Les bagnards, au moins, on leur payait le voyage, à l’époque.

Mais, au-delà de l’apparente iniquité du procès, qui opposait à une petite commerçante de la France oubliée le parti du ministre de la Justice en exercice, laquelle est par ailleurs connue pour ses projets de loi anti-répressifs[1. Procès qui n’est pas sans rappeler dans la disproportion des forces celui que remporta la bourgeoise Rokhaya Diallo contre « Samir », travailleur handicapé et bègue qui avait appelé au viol de la fondatrice des Indivisibles sur Twitter.]  , on peut se poser quelques questions sur la tolérance à l’injure dans ce pays.

J’imagine qu’il ne doit pas être agréable d’être comparé à un singe. Mais l’est-il plus de l’être à un étron ? C’est pourtant à quoi Laurent Ruquier, reprenant un délicat dessin de Charlie Hebdo, avait identifié Marine Le Pen à la télévision. Et pour quoi il a été relaxé. De plus, s’il s’agit de juger la diffusion de la parole haineuse, quel média est le plus performant, d’une émission de très grande écoute sur une chaîne nationale, ou du blog obscur d’une candidate inconnue ? Mais c’est Charlie Hebdo qui en est l’auteur, et comme chacun sait, la mention satirique en haut du magazine confère tous les droits. On ne saurait trop conseiller aux journalistes de Minute, avant qu’ils consacrent leur prochaine Une à la sempiternelle Taubira, d’apposer le mot sur la couv. Fini les ennuis.

Mais en l’occurrence, objectera-t-on, il s’agissait d’une impétrante aux fonctions politiques, que le sérieux de la tâche qu’elle souhaitait exercer aurait dû retenir. Certainement. On espère donc que Jean Bourdeau, attaché parlementaire PS du sénateur Jean-Pierre Michel, qui avait traité Marion Le Pen de « conne » et de « salope » sur Twitter et qui affirmait ne certainement pas le regretter, goûtera aussi aux neuf mois fermes désormais de rigueur dans la France régénérée.

À moins qu’il se trouve quelque historien de haut vol et citoyen pour démontrer que Marion Le Pen est responsable de la Shoah, de Fachoda, de la peste noire et de l’éruption du Vésuve. Et comme l’on sait, dans la République, pas de dignité pour les ennemis de la dignité.



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est journaliste et essayiste.

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