Accueil Culture Beat Generation

Beat Generation

La chronique du dimanche de Monsieur Nostalgie


Beat Generation
Aquarius 2014 (Détail) © François Prost

La Philharmonie de Paris pousse les meubles, accroche une boule à facette au plafond et monte le son pour une exposition consacrée à la Disco jusqu’au 17 août 2025. Des rues de New-York aux platines, quand cette musique issue des minorités était majoritaire et populaire…


Il y eut bien quelques mauvais coucheurs dans le courant des années 1970. Réfractaires au beat et à la simplicité métronomique. Arcboutés à leur rock croulant et jaloux de leur pré-carré musical, comme avant eux, les puristes du jazz se disloquèrent en chapelles assassines. Certains allèrent même jusqu’à brûler les disques disco car ils avaient perdu la bataille commerciale, notamment sur les ondes américaines. La radio avait choisi son camp, les corps qui ondulent et les peaux qui se frôlent dans un feulement érotique, sous la chaleur d’un club enfumé, avec comme seule destinée, le petit matin. La joie de sortir d’une discothèque, huileux, en sueur et heureux, et puis de reprendre son boulot alimentaire, dans une administration tatillonne ou une grande entreprise prédatrice.

Dernière extase avant la globalisation

La Disco avait anticipé le spleen de la globalisation, elle était son remède, cette porte de sortie éphémère qui accepte la veulerie du monde mais nous réserve quelques heures d’extase. La nuit, tout est permis. Car la Disco est sexuelle et cathartique. Elle ne minaude pas comme le rock puritain qui se pratique dans des garages entre garçons empêchés. Explicite, démonstrative, charnelle, voyeuriste, sans dessein politique si ce n’est faire la fête, courtermiste, ne promettant pas de jours meilleurs, plutôt une accalmie passagère. La Disco est une musique de l’instant, du partage, en compagnie d’inconnus, elle rebat les cartes, le temps d’une soirée. Elle raccommode les âmes esseulées sur des sons trafiqués et des voix perchées ; les aigus, les paillettes, les talons, les frasques, les divas et les bannis ne lui font pas peur. Tous les faux rebelles en blouson clouté, lourdaud avec leur purée électrique à saturation, martyrs en carton-pâte, en prirent pour cinq ans.

A lire aussi, du même auteur: La fin du Macumba

Entre 1975 et 1980, ils disparurent du paysage. Tous les groupes de rock, des Rolling Stones à Blondie firent allégeance à la Disco, ils obtinrent même à cette occasion leur plus grand succès. La Disco était bénéficiaire, trop bénéficiaire, la crue était prévisible, le cinéma, la mode, les corn flakes, tout se vendait sous le label Disco. On dansait Disco, on s’habillait Disco, on se divertissait Disco. La surproduction lui coupa les ailes et aussi, elle fut victime d’un délit de sale gueule. La Disco n’était pas assez sérieuse, elle était l’avatar d’un consumérisme sans fin, les raisonneurs la prirent en grippe, on devait avoir un peu honte d’être Disco, elle était trop populaire pour être idéologiquement crédible.

Pas sectaire, pas communautariste

La Philharmonie revient sur ses origines, elle retrace son explosion dans une « Grosse Pomme » en crise budgétaire, sécuritaire et complètement à l’abandon, dans une Amérique parcellisée où les communautés homosexuelles se cachaient pour s’aimer et danser ensemble. La Disco est née dans les quartiers pauvres, chez les afro-américains par l’entremise de DJ latinos et italiens ; pas sectaire, pas bégueule, elle n’avait pas vocation à rester dans l’entre-soi. L’exposition n’oublie pas ses racines françaises. Nous n’avons pas de pétrole mais nous avons inventé la discothèque après-guerre. De Cerrone à Patrick Juvet, des visionnaires Jacques Morali et Henri Belolo, sans oublier la Queen Sheila et son indétrônable « Spacer », les Français ont apporté à la Disco, un son que, je qualifierais, de boulevardier, avec des relents de bords de Marne, un populisme gouailleur et entraînant.

L’exposition ne manque pas de charme dans un décor éclairé au stroboscope, elle présente des costumes de scènes, l’évolution du matériel audio (Revox), des photos du Studio 54 et des fiertés militantes ; bien sûr, il y a Travolta, Donna et Diana, l’extatique Sylvester et le non moins charismatique Teddy Pendergrass. À voir également la belle série Paradise Discothèque du Turinois Antonio La Grotta qui a photographié les ruines des boîtes-usines italiennes des années 1980 : Colosseo, Divina, Egyptia, Ultimo Impero…Et surtout la bande-son permanente est un appel démoniaque à danser ; quand vous entrez dans une expo et que les voix de Thelma Houston et de Eartha Kitt résonnent, vous avez le sourire et une pêche d’enfer.

Informations pratiques: https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/exposition/27966-disco

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

9 used & new available from 6,99 €




Article précédent Les joyaux de l’Opéra
Article suivant Ces chaînes qu’on abat: petit mode d’emploi
Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération