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Absentéisme, vous avez dit absentéisme?


Absentéisme, vous avez dit absentéisme?
Le ministre de la Santé à l'assemblée nationale, le 3 janvier 2022 © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans la nuit de lundi à mardi, les députés se sont prononcés en défaveur d’une prolongation des débats sur le passe vaccinal, retardant son adoption. Les députés LREM n’étaient plus assez nombreux dans l’hémicycle [1]. Mais c’est l’absentéisme des professeurs que l’exécutif redoute ou fustige.


Je ne voudrais pas avoir l’air de pinailler, en ce début de nouvelle année, mais les mots ont un sens. Avez-vous remarqué, dans les médias, l’apparition du mot « absentéisme » ?  

Il s’est généralisé en quelques jours avec la même vitesse surprenante que le variant Omicron s’est mis à contaminer des centaines de milliers de Français quotidiennement. D’ailleurs, les deux ne sont pas sans rapport. Pour l’instant, il paraitrait en effet que si le variant Omicron tue moins, il rend tout de même malade à l’occasion et qu’il est aussi contagieux et envahissant que les thèmes de l’immigration dans un discours d’Eric Zemmour : il supplante tous les autres sujets.

Le vote du passe sanitaire empêché à l’Assemblée nationale lundi soir

Or, quand des centaines de milliers de français sont contaminés, même si seule une petite partie d’entre eux développe des symptômes ou est obligée de s’isoler, cette petite partie, même très petite, ça commence à chiffrer au bout du compte. Au point qu’une des craintes du gouvernement est que l’économie connaisse un ralentissement ou une désorganisation, voire une paralysie, notamment dans les transports ou l’éducation. 

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Ce serait ballot tout de même puisque la stratégie de Macron est précisément de laisser circuler le virus pour que l’économie ne soit pas… paralysée. Pour résoudre ce paradoxe, le gouvernement va vite, très vite, tellement vite qu’il en oublie de mobiliser les députés de sa majorité le soir d’un vote capital sur la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal et que dans un sursaut d’orgueil, les oppositions se retrouvant ponctuellement majoritaires, décident d’interrompre la séance à minuit. Il faut dire que l’Assemblée nationale en Macronie, c’est à peine une chambre d’enregistrement. Les ministres passent faire coucou pour dire ce qu’ils ont décidé de faire et comme les députés macronistes, dont on se souviendra qu’un certain nombre ont été recrutés par petites annonces en 2017, n’ont à peu près aucune idée de leur rôle, ils disent oui à tout, le petit doigt sur la couture du pantalon et ils votent là où on leur dit de voter.

Castaner et Attal fort marris

C’est sans doute l’idée que se fait Macron de la démocratie et de l’équilibre entre l’exécutif et le législatif. On ne peut pas lui en vouloir. Quand on a une constitution comme la Vème République, où tous les pouvoirs sont dans les mains du président qui ne risque même plus une cohabitation depuis la mise en place du quinquennat, pourquoi s’embêter ? Mais c’est une autre histoire.

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Encore que. Christophe Castaner, chef des godillots de LREM et Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes et à l’absentéisme (nous y voilà !) de leurs députés. Parce que quand on n’est pas là quand on a besoin de vous parce que vous buviez un coup à la buvette ou que vous aviez préféré rentrer vous coucher, ça, précisément, c’est de l’absentéisme. 

Les paradoxes du ministre des garderies…

En revanche, quand des conducteurs de RER bondés, les profs dans des classes sans aération et surpeuplées de petites têtes blondes transformées en bombes bactériologiques, ne sont pas là parce qu’ils sont malades, ce n’est pas de l’absentéisme, c’est tout simplement de l’absence. L’absentéisme, c’est intentionnel. Alors pourquoi ce mot s’est-il imposé, avec sa connotation négative ? 

Il n’y a pas besoin de chercher bien loin : disons du côté de Blanquer, autoproclamé ministre de l’école ouverte alors qu’il n’est que le fidèle exécutant du Medef qui a besoin d’une garderie pour que les parents viennent bosser. Le mépris de Blanquer pour ses fonctionnaires est tel, par exemple quand il donne comme d’habitude par voie de presse le dimanche soir les ajustements du protocole sanitaire pour le lundi matin, qu’il en arrive tout naturellement, à parler pour les profs malades d’absentéisme, comme on le fait pour un élève buissonnier.

Ou un député LREM.


[1] Le Monde avance une explication : “Comme les débats étaient partis pour durer jusqu’au bout de la nuit, les élus macronistes s’étaient organisés pour se relayer (…) Or, à minuit, précisément le moment où ils se passaient le relais, certains qui devaient remplacer leurs collègues n’étaient pas encore arrivés ou faisaient un point sur l’avancée des débats, en dehors de l’hémicycle…”




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